Nous sommes 16000 ans dans le passé. La Terre se réchauffe, la période glaciaire tire à sa fin. Le niveau des océans est 120 mètres plus bas qu’actuellement. Les glaciers ont jusqu’à 3 kilomètres d’épaisseur et recouvrent tout le Canada, le Nord des États-Unis, le Nord de l’Europe et de la Russie. À cause du poids énorme de toute cette glace, les croûtes continentales ont renfoncé de plusieurs dizaines de mètres dans le manteau terrestre, mais beaucoup moins que la baisse du niveau des mers. Maintenant, les glaciers fondent à vue d’œil. Une partie de l’eau de fonte ne peut s’échapper pour rejoindre les océans. Elle reste piégée dans des cuvettes qu’offrent la topologie de certains milieux comme le Bouclier canadien et les grandes prairies américaines et canadiennes.
À cause du niveau très bas des océans à cette époque, la mer Méditerranée est beaucoup plus petite et serait même coupée de l’océan Atlantique. La mer Noire est un lac plutôt qu’une mer. Les Iles britanniques sont rattachées au reste du continent européen et croule encore en partie sous le poids de la calotte polaire.
Les glaciers continuent de fondre. Là où l’eau peut rejoindre les océans, leur niveau croît, mais suffisamment lentement pour permettre aux populations riveraines de déplacer leurs campements. Évidemment, comme aujourd’hui, une bonne partie de l’humanité vit à proximité des mers. Une catastrophe se prépare.
Tout à coup, l’immense réservoir ayant accumulé une quantité phénoménale d’eau douce brise ses entraves. L’eau à la surface de la plaque continentale nord-américaine se déverse subitement via la baie d’Hudson, le Québec jusque dans l’océan Arctique et rejoint l’océan Atlantique et la mer du Nord. Les becs verseurs des cuvettes s’agrandissent, permettant à encore plus d’eau de rejoindre subitement les mers. Le niveau des océans grimpe en flèche. Des vagues gigantesques se forment, passent par-dessus certains goulots et les détruisent. La première vague, un mur d’eau atteint la mer Méditerranée qui voit son niveau d’eau augmenter à une vitesse folle. Beaucoup de riverains restent piégés sur des nouvelles iles qui, hier encore, étaient très bien rattachées aux continents. Tous périront dans les instants qui suivent. D’autres, plus chanceux, réussiront à se réfugier en hauteur et regardent impuissants la mer monter sans fin en engloutissant tout.
Le déferlement d’eau se poursuit et même s’accélère. Les vagues de dizaines de mètres envahissent la Méditerranée qui atteint un seuil si élevé qu’elle déborde dans ce qui est en train de devenir la mer Noire. Cette fois encore, le bec verseur s’élargit et une chute d’eau absolument colossale se forme. Les populations vivant sur les rives de la mer Noire sont condamnées. Le principe des vases communiquants se poursuit et crée ce qui est appelé aujourd’hui le détroit du Bosphore. Le Déluge a bien eu lieu et une bonne partie de la population de ces régions a disparu sous les eaux.
Ailleurs dans le monde, des catastrophes semblables se produisent puisque le niveau des océans augmente partout sur la planète. La soudaineté de l’événement est si importante que beaucoup de gens n’en réchappent pas, victimes de tsunamis délirants.
Oui, c’est très possible qu’un Déluge planétaire et soudain soit survenu à cette époque, à l’époque où l’écriture n’existait pas encore, mais où la capacité de raconter, elle, était bien présente. Cet événement totalement hors du commun devait être connu des générations futures et c’est ainsi que la légende du grand Déluge a pris forme chez tous les peuples témoins de ce grand déversement. La pluie a probablement peu été en cause dans ce cataclysme. Le vrai coupable est la fonte de la calotte glaciaire, mais surtout l’accumulation de toute cette eau jusqu’à son déversement subit. Il faut se l’imaginer pour comprendre que nous aussi nous relaterions ce fait extraordinaire durant des millénaires. Et même si un jour beaucoup de gens en doutaient, la mémoire des humains chercherait à tout prix à poursuivre sa mission de relater cet événement absolument inimaginable au-delà des amnésies collectives.
Bon, ceci étant dit, Noé et son arche là-dedans ? Lire la suite.