Quelques questions-réponses sur la photographie d’un trou noir

Cet article fait suite à ceux de ces trois derniers jours. 2018-06-112018-06-122018-06-13

Voici une série de questions et de réponses qui pourront vous aider à mieux comprendre le résultat attendu avant la fin 2018 de la première photographie d’un trou noir.

Q — Combien de temps a duré la prise de photographie d’un trou noir en avril 2017?
R — Une semaine

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Q — Quel trou noir a été photographié?
R — La source radio ponctuelle désignée sous le nom de Sagittaire A*. Cette source émet des ondes radio et a été associée au trou noir supermassif résidant au cœur de notre Galaxie. Le trou noir n’émet évidemment pas directement ces ondes. Elles sont un effet sur son environnement lorsqu’il perturbe des nuages de gaz se trouvant dans ses parages.

Q — Est-il photographié en lumière visible?
R — Non. Entre le centre galactique et nous, il y a des poussières et des étoiles en quantités tellement grandes qu’il est absolument impossible de voir un objet en arrière-plan en utilisant les ondes visibles. Le télescope virtuel EHT utilise deux couvertures d’ondes électromagnétiques. Les principales fréquences détectées sont les ondes radio millimétriques et submillimétriques (bandes de fréquences de nos postes de télé et radio commerciales) provenant de ce point de l’espace. La seconde couverture se fait en ultraviolet. Les photons détectés seront ensuite transposés dans des couleurs qu’on peut voir afin de nous montrer un résultat visible pour nos yeux.

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Q — À quoi risque de ressembler la photographie?
R — Au risque de vous décevoir, le résultat risque visuellement d’être très peu ressemblant aux belles images dont je vous abreuve depuis les derniers articles sur le sujet. Comme je le spécifiais dans le précédent article, ces images sont des résultats d’artistes ou de simulations numériques et elles font abstraction de tous les «
défauts» causés par des centaines de causes dont plusieurs seront présents dans les images finales. Les astronomes tenteront d’en éliminer le plus possible, mais elles ne seront certainement pas à la hauteur des attentes des amateurs peu ou mal informés des difficultés.

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Q — Alors à quoi servira cette photo?
R — Elle sert surtout à valider un protocole de travail très élaboré visant à créer un interféromètre supergéant. Elle sert aussi à améliorer nos connaissances en traitement informatique interférométrique. Elle deviendra également une première «
preuve tangible» plus ou moins convaincante de l’existence réelle des trous noirs qui n’ont été jusqu’à présent que calculés à partir d’une théorie qu’on sait bancale lorsqu’elle flirte avec les infinis.

Q — Comment pourra-t-on améliorer ce résultat dans l’avenir?
R — On pense à un interféromètre mixte utilisant des télescopes spatiaux et terrestres, ce qui agrandirait de beaucoup la résolution du télescope virtuel.

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Q — Sur certaines photos de synthèse, on voit des trous noirs comme une tache alors que d’autres le montrent avec toutes sortes d’effets lumineux aux alentours. Lesquelles de ces simulations se rapprochent de la réalité?
R — Un trou noir stable qui n’a aucune rotation ferait apparaitre une tache ronde noire qui est l’horizon des événements du trou noir. Il sera entouré d’un halo lumineux occasionné par les étoiles en arrière-plan dont les rayons lumineux sont déviés et concentrés aux environs immédiats de cet horizon. Mais un trou noir qui ne tourne pas du tout n’existe probablement pas. Sa rotation apporte des changements à la structure géométrique de l’espace proche du trou noir. Imaginez que vous pincez une maille d’un tricot et que vous tourniez le poignet. Une partie du tricot se déformera autour de la maille pincée et tordue. L’espace autour d’un trou noir fait de même et dans les 3 dimensions. Ce changement à la structure géométrique de l’espace autour du trou noir dévie les rayons lumineux environnants et créera différents effets visuels. Toutefois, selon l’angle avec lequel nous verrons le trou noir, l’angle par rapport à son plan de rotation, le résultat visuel variera beaucoup.

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Q — Comment les astronomes peuvent-ils être certains de la présence d’un trou noir au centre de la Voie lactée ? Et comment ont-ils calculé sa masse et ses dimensions ?

R — Puisqu’il n’a jamais été détecté, on pourrait se demander comment les astronomes savent qu’un trou noir galactique supermassif se cache au cœur de notre Galaxie. Ils ont suivi à la trace durant une dizaine d’années certaines étoiles très proches du centre galactique et ils ont remarqué qu’elles bougeaient. Ils ont tracé leur orbite et trouvé qu’elles tournaient toutes autour d’un point absent sur les photos (voir résultat ci-haut). Selon les lois de la mécanique céleste, il est possible de mesurer la masse de ce point central en fonction des orbites et des masses des étoiles révolutionnant autour. Ils ont donc mesuré une masse d’environ 4 millions de masses solaires. Puisque le volume dans lequel cette masse est concentrée est beaucoup trop petit pour correspondre à un groupe important d’étoiles supergéantes, il ne reste plus que des trous noirs puisque même des étoiles à neutrons seraient obligées de s’agglutiner en se transformant là encore en trou noir.

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Q — C’est bien Einstein qui a prédit l’existence des trous noirs?
R — Faux. Malgré l’insistance dérangeante de plusieurs sites scientifiques à lui attribuer cette prédiction, elle est l’œuvre de Karl Schwarzschild qui fut le premier à calculer une singularité (trou noir) dans les équations d’Einstein en 1916. Einstein lui-même pensait que la Nature avait prévu des mécanismes qui empêchaient ces singularités de survenir. Donc, non seulement Einstein ne les a jamais prédits, mais il n’y croyait tout simplement pas. Même si Einstein a inventé l’outil mathématique, le marteau en quelque sorte, il n’est pas l’auteur de toutes les œuvres créées à partir de celui-ci.

N’hésitez pas à poser vos questions sous forme de commentaire.

10 commentaires sur “Quelques questions-réponses sur la photographie d’un trou noir

    1. Henri Poincaré avait effectivement travaillé sur ce qui ne sera qu’une théorie de la relativité restreinte inachevée et inexacte. Il conservait le temps absolu tandis que celui-ci varie selon Einstein et les preuves qui s’ensuivirent. Personne ne crée quelque chose à partir de rien, pas plus Einstein. Il n’a volé à personne sa vision du monde qu’il a précisé et mis en équations. En physique, les idées sont importantes, mais il faut les achever par des équations qui peuvent rendre compte de la réalité et qui peuvent prédire de nouveaux phénomènes qui pourront être contrevérifiées par les observations. Inspiré de Poincaré, certes. Copié, non. Lui-même n’a jamais cru qu’il était un génie et c’est même le contraire. Il a reçu le prix Nobel pour l’explication de l’effet photoélectrique, pourtant, le comportement corpusculaire de la lumière était connu depuis Newton. Les avancées en physique se font toutes en étant « juché sur les épaules de géants », citation de Newton. « Inventer, c’est penser à côté », citation d’Einstein. Et c’est ce qu’il a fait. Je n’ai jamais idéalisé Einstein, je n’ai donc pas à le dénigrer lorsque je découvre ses erreurs.

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      1. Bonjour Mathis, je suis d’accord, tout n’est pas « tout blanc ou tout noir ». Nous vivons dans un monde où (pour moi) les principes de bases, les vrais, sont l’échange, le partage, l’observation, l’écoute et l’analyse. Rien ne se créer tout se transforme!!!

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      2. Bonjour Dina, je suis bien d’accord avec tes principes de bases malheureusement peu utilisés dans cette époque où ces valeurs exigent de prendre du temps, de s’arrêter et de réfléchir. Toutefois, étant une espèce sociale, l’important est qu’une partie de l’humanité soit en mesure de le faire pour le bien du reste de l’humanit.. C’est le principe de la séparation des tâches. Alors, il reste de l’espoir. 🙂

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