Votre pensée est marginale ? Lisez ceci

Il est tentant de lier les esprits marginaux à des esprits de contradiction. Ne sont-ils pas toujours en train de tout critiquer? De tout virer à l’envers? De transformer les plus sûres valeurs en défauts qui, selon eux, devraient être éradiqués?

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Pour ceux qui empruntent et se font transporter par le courant principal – mainstream en swahili – sans même nager, ce rapprochement facile leur est naturel. Habitués de ne pas se poser de questions sur la valeur de leurs propres agissements pourvu que la société ne les critique pas, ne les défende pas, ne les marginalise pas, ils appartiennent au clan des bons et ceux qui osent penser différemment se retrouvent automatiquement dans celui des mauvais.

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Les suiveurs ne pensent pas, ils laissent d’autres gens penser à leur place et ils adoptent d’emblée leurs opinions, du moins celles rendues publiques. C’est là où réside l’astuce de l’élite, des élus. Leurs opinions personnelles restent un secret bien gardé. Celles qu’ils publient, qu’ils laissent filtrer dans la sphère publique sont des instruments utilisés pour orienter le flux de pensées commun dans une seule direction.

Ce processus est aussi vieux que les élections. En soi, il regorge de qualités, mais également de défauts. Que tout le peuple marche d’un même pas s’avère un objectif essentiel pour générer et conserver la cohésion des actions. Que tous les gens avancent toujours à l’unisson deviendra une stratégie très néfaste, car une fois la cadence et la direction adoptées, la nation s’échouera sur n’importe quel obstacle sans même se douter des dangers environnants.

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C’est dans ce contexte où les vertus de la marginalité doivent entrer en ligne de compte. Comparons les marginaux à des vigies. Elles ne tiendront jamais la barre, elles ne commanderont jamais l’équipage, mais elles possèdent un pouvoir immense, celui de voir au loin et ainsi d’aider à éviter les naufrages.

Mais la tentation de les traiter d’oiseaux de malheur s’avère trop grande. On préfère ignorer leurs avertissements, on brouille leurs transmissions, on les dépouille de leurs jumelles, on cherche à les ramener au niveau du pont et parfois même on les enferme dans la cale, un bâillon dans la bouche et un bandeau sur les yeux sous celui bienveillant du capitaine, certainement plus heureux et fier de commander une bande de marionnettes qu’à éviter les échecs. Après tout, c’est lui qui est au pouvoir, pas ce foutu prétendant prétentieux croyant tout savoir de ce qu’on trouve au loin!

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Le marginal n’est pas une menace, sauf envers les aveugles idiots désireux par-dessus tout de s’en passer. Décidément, ça fait pas mal de gens au compteur.

Mais d’où vient le problème avec les marginaux? Pourquoi les personnes les détestent-elles tant?

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Le problème réside toujours aux deux mêmes endroits, dans l’usurpation et dans l’abus. Un marginal ne possède pas un titre régi par l’Ordre des professionnels en marginalité. Ainsi, ce rôle essentiel de vigie est laissé sans surveillance. Des tas de zigotos grimpent alors au grand mât afin d’occuper la minuscule plateforme. Dépourvus de tout instrument d’observation et d’analyse fiable, ils n’utilisent pas cette position pour mieux voir les alentours, mais plutôt pour mieux faire entendre leurs opinions, déjà toutes bien ficelées, sans égards aux réalités de la mer environnante, au plus grand nombre de gens possible.

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Ainsi, départager les vraies vigies des usurpateurs s’avère souvent une tâche délicate et difficile à accomplir avec justesse. La solution la plus simple consiste alors à entasser tous les prétendants à ce poste dans un coffre, à bien le lester avec du plomb et à le laisser couler au fond de l’océan. Puisque se fier à de fausses ou à de mauvaises vigies comporte autant de risques que de s’en passer, la stratégie commandée et utilisée par l’élite dirigeante revient à tous les dénigrer en bloc.

Et voici la preuve que cette élite peut également se montrer idiote, car il existe un moyen de résoudre ce dilemme des fausses vigies, mais elle entraine certaines contraintes essentielles qui sont généralement rejetées d’emblée par ignorance.trouver-electricien-web-solution.jpg

Pour trier le grain de l’ivraie, ça prend un tamis et une technique appropriés. Il faut passer au crible les assertions des marginaux afin d’en analyser la teneur et la valeur. Mais pour ce faire, l’élite doit vouloir y consacrer des ressources en temps et en matière grise, ce que très peu acceptent, imbues de leurs pouvoirs et convaincues de leur infaillibilité.

Et voilà comment les libres penseurs avant-gardistes visionnaires se retrouvent dans la même marmite que les gens munis d’un simple esprit de contradiction. Parce que ceux qui gouvernent ne prennent pas le temps et l’énergie nécessaires pour accomplir ce tri, préférant se passer de conseils avisés.

Voici le destin quasi certain de tous les marginaux, celui d’être comparés à des simplets illuminés criant bien trop souvent au loup. Ils seront ainsi traités en conséquence.

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Faire connaitre sa marginalité n’amène aucun confort, ne comporte aucun avantage et n’apportera aucune reconnaissance des élites au pouvoir. Bien au contraire, l’ostracisme attendra toute personne suffisamment inconsciente pour monter au grand mât afin d’exécuter minutieusement les tâches dévolues à une vigie dans la société. Car le peuple a décidé qu’il est trop compliqué de prendre quelques moyens simples et efficaces pour reconnaitre les vraies vigies des fausses.

Mais quels sont ces moyens simples dont je parle? Ce sont des analyses professionnelles réalisées en bonne et due forme. Préparer des questions pertinentes et les utiliser adéquatement. Analyser correctement les réponses et en tirer les conclusions qui s’imposent. Enfin et surtout, s’y fier afin de prendre les dispositions nécessaires. Mais plus personne ne se donne la peine d’apprendre ces techniques essentielles.

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Peu importe le sujet, son ignorance engendre presque toujours la même réaction. On considérera qu’il n’a donc aucun intérêt. Et voilà comment les nations préfèrent voguer sans vigies sur les flots agités et remplis d’écueils plutôt que se prémunir des dangers en recrutant des gens marginaux compétents afin de leur servir de vigie.

2449223399_1Un rôle de marginal vous tient-il toujours à cœur? Si oui, alors vous en avez, mais on fera tout pour vous l’écraser. Sachez-le.

 

17 commentaires sur “Votre pensée est marginale ? Lisez ceci

  1. Mathis, j’ai lu et relu votre article
    et chaque fois ma pensée à dérivé, parce que ça me parle.
    J’ai compris ma marginalité depuis que je suis enfant.
    Et j’assume avec plaisir de penser par moi même, ou du moins à ma façon !
    Évidemment j’ai connu mon lot d’ostracisme,
    dans des opinions et actions où justement j’aurais apprécié une acceptation pour ma différence de vision.
    Ce qui heureusement ne m’a pas empêché d’avoir une carrière brillante
    où ma marginalité a pû s’exprimer avec succès,
    malgré l’Ordre Professionnels des aveugles idiots et des suiveux ignorants,
    alias « Vulgum Pecus »… en swahili !

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  2. Pas mal la comparaison maritime pour décrire les agissements des marginaux dans une société qui carbure à la pensée conventionnelle. Tout a été dit sur ce sujet, ou presque, mais encore…

    Pour ma part, je vois les choses en termes de désir d’acceptation sociale. Dès l’âge tendre, la société (adultes et enfants) exerce une pression énorme sur chaque individu pour qu’il se conforme aux us et coutumes de la majorité. Cette pression est nécessaire pour l’apprentissage de la langue et la socialisation des enfants. De plus, c’est une condition nécessaire pour la survie d’un groupe social. Une société qui n’est pas « tricotée serrée » est rapidement assimilée par une autre qui manifeste plus de cohésion.

    Chaque enfant adhère différemment à sa société, selon son désir d’acceptation sociale. Celui-ci est réparti selon une distribution en forme de cloche (la courbe de Gauss). L’immense majorité se situe au centre, pour les raisons sociobiologiques expliquées ci-dessus. En outre, cette courbe varie selon les sociétés; ainsi, la variance est plus faible dans les sociétés traditionnelles ou chez les insulaires, par exemple. Inversement, elle est plus forte dans les sociétés dites « développées », plus tolérantes (pour le meilleur et pour le pire; la tolérance est en quelque sorte un luxe que seules les sociétés riches peuvent s’offrir). De plus, paradoxalement, c’est souvent dans certaines sociétés « développées » en apparence très conformistes qu’on trouve les plus fortes tendances à l’individualisme, sans doute par réaction.

    Une autre image intéressante pour décrire le phénomène est celle de l’écorce et l’arbre : les ultraconformistes forment l’écorce, les conformistes le bois (d’où l’expression « langue de bois ») et les non-conformistes, l’aubier. Cette image est toutefois trompeuse. Si le génie est près de la folie (en tous cas, du point de vue des conformistes), l’inverse est rarement vrai.

    En ce qui me concerne, doté par la nature d’un faible désir d’acceptation sociale, je souscris volontiers à l’aphorisme « l’enfer, c’est les autres » et j’apprécie à sa juste valeur notre société post-moderne extrêmement tolérante qui me laisse faire (sinon dire) à peu près tout ce que je veux. Je ne blâme pas pour autant les conformistes (après tout, chacun est le conformiste ou le non-conformiste de quelqu’un d’autre), sans lesquels il n’y aurait pas de société pour perpétuer mon bien-être.

    Michel Laliberté

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    1. Merci, Michel, pour votre opinion que je partage aisément. Je souscris à l’obligation, et inévitablement avec les pressions associées, de former une société cohérente. Le passage de la socialisation à l’apprentissage de ses individualités s’effectue non sans heurts puisque les jeunes sont laissés à eux-mêmes pour trouver un équilibre convenable.
      J’apprécie également la tolérance superficielle de la société envers la marginalité, mais ce n’est pas du « mieux vivre ensemble », c’est de la tolérance sous condition de ne rien remettre en cause. Pas même les aberrations comme les abus de pouvoirs, la corruption, le gaspillage, la stagnation envers le pétrole et le transport individuel, en bref toutes les politiques qui amènent l’humain au bord du précipice.
      Tout le monde se pâme pour un chaton sauvé d’un arbre, mais pas une seule larme n’est versée pour nos océans de plastiques.
      Le marginal est celui qui refuse de se cacher les idioties de notre société. C’est le mouton qui refuse d’entrer dans l’entonnoir l’amenant à l’abattoir. On peut bien le traiter de mouton noir, c’est quand même lui qui, au bout du compte, a bien compris ce qui attend tous ses congénères.
      Bonne journée !

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      1. Un meilleur titre pour votre article sur les vigies aurait pu être « Le rôle social des marginaux », car pour vous, l’intérêt de la pensée marginale, c’est de se donner la liberté de dire que le roi est nu quand tout le monde se tait.

        La cause est entendue, une société ne peut survivre sans donneurs d’alerte et inversement, le marginalisme de type nombrilisme peut être un style de vie bien agréable, mais socialement, c’est, au mieux, un autre produit de luxe d’une société « développée ».

        Reste le problème, pour la plupart des marginaux, de jouer un rôle social utile, puisqu’ils ne cherchent pas à faire partie du consensus… Vaste débat, merci d’avoir ouvert la discussion.

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      2. Votre titre représente bien l’expression de ma pensée. Je voulais également insister sur le prix qu’il faut s’attendre à payer en tant que marginal. Ce rôle autrefois tenu par le fou du roy n’a plus sa place depuis que le roy est une classe de gens qui dirige le monde de manière anonyme. Cependant, le titre de fou est resté bien vivant sans aucun roy à servir. La grâce royale assurant l’impunité du fou est disparue tandis que le pilori garde toute sa fonctionnalité. Et c’est le peuple qui le nourrit en lui apportant des offrandes.
        Celui qui endosse le rôle doit s’attendre à être détesté même s’il a raison, même s’il a compris, même s’il a de bonnes solutions à proposer en retour. Ce poids est plus lourd à porter que la bataille elle-même à livrer.

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      1. Bonjour Mathis. Je me permet de vous appeler par votre prénom. Car j’ai un petit soucis de statistiques en ce moment ! Je n’ai aucun visiteurs ! Pouvez-vous me donner une astuce ? Merci beaucoup mille fois !

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      2. Écrire régulièrement des articles pour votre blogue est essentiel. Bien remplir les sections « Catégories » et « Mots-clés » pour chacun d’entre eux afin de faire travailler les automates de référencement pour vous. Lire d’autres blogues en mode « lecteur » en recherchant des articles qui pourraient intéresser leurs auteurs à aller voir votre site. À mon avis, ce sont les actions essentielles.

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  3. Excellent article Mathis. Pourrais-je le rebloguer en indiquant qu’il est de toi et tout en indiquant l’URL de ton site ? Si tu es d’accord et si j’oublie (cela m’arrive de plus en plus fréquemment), n’hésite pas à me le rappeler, si bien sûr tu es d’accord. Je t’en remercie à l’avance.

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