Les origines du bien et du mal

Mon point de vue sur cette question risque de vous surprendre puisque ma réponse fouillera là où on oublie souvent de regarder.

Personnellement, je préfère éviter de cataloguer les manifestations de notre Univers en usant de cette bipolarité. Toutefois, ce bel objectif se bute à une panoplie de générations de penseurs qui ont constamment cherché à classer les événements et les gens en deux catégories distinctes. Je m’accroche alors plus souvent que je l’espérais. Je m’enfarge, pour utiliser un verbe québécois.

Transcender ma culture s’avère difficile, mais nécessaire, car je sais d’où émane cette bipolarité, comment elle se manifeste et combien elle peut nous induire en erreur.

Instinctivement, nous comprenons que notre jugement est biaisé pour tout un tas de raisons. «Qui suis-je pour déclarer qu’une chose est bonne ou mauvaise, belle ou laide?» Nous nous posons souvent cette question sans toutefois y répondre, car celle-ci serait: «Je ne suis rien ni personne».

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Au mieux, nous restreignons notre évaluation sommaire à ce qui nous entoure, à nous-mêmes, à nos proches, à notre environnement immédiat. En tant qu’entité individuelle, nous possédons ce droit de juger à notre échelle de ce qui nous parait bien ou mal. Choisir entre différentes possibilités devient plus aisé si on les qualifie, la plus simple façon d’y parvenir consistant à les séparer en deux groupes.

Cette incapacité à inventer des nuances remonte aux tout premiers hominidés pour qui le nombre 2 représentait la limite de leurs compétences mathématiques. Les origines de la notion du bien et du mal datent de ce temps où tracer une ligne séparant en deux un ensemble d’éléments et de les étiqueter par ambivalence a constitué un pas de géant.

Encore aujourd’hui, notre tendance naturelle à simplifier notre jugement à l’extrême, comme nos lointains ancêtres, reste bien présente. Cependant, tout a évolué. Notre monde, même à notre niveau bien personnel, ne peut plus se permettre d’une technique d’évaluation archaïque basée sur l’ambivalence, c’est-à-dire entre deux contraires.

Ces notions bipolaires si chères aux penseurs de tout temps n’ont de sens que si on ne regarde qu’un seul pixel d’une grande œuvre. Ce petit éclat de lumière peut être analysé en utilisant les termes blanc ou noir, rouge ou vert, bleu ou jaune. Mais déjà, on note l’absence de teintes intermédiaires et une œuvre complète composée uniquement de pixels noirs et blancs détruit toute la richesse perceptible avec des éléments présentant un éventail de teintes.

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Ainsi, la bichromie du bien et du mal, du beau et du laid, provient d’une insensibilité (programmée) aux teintes intermédiaires. On ne voit que deux possibilités alors qu’il en existe une quantité phénoménale.

L’évaluation ambivalente consiste également et surtout à ne jamais observer une image dans son ensemble, seulement un pixel à la fois. Admettons que vous me récitiez les valeurs noire ou blanche de chaque pixel d’une image, pourrai-je me faire une idée juste de ce qu’elles peuvent représenter sans les regarder toutes ensemble dans un certain ordonnancement précis?

Le monde dans lequel nous vivons actuellement ne ressemble plus aucunement aux univers quasi statiques de nos lointains ancêtres. L’image, si difficile à se représenter qu’il fallait en observer un seul pixel à la fois, s’est mise à s’accumuler en une vaste série possédant chacune des différences avec sa précédente. Notre vie n’est plus pixel bichromatique, n’est plus pixel polychromatique, n’est plus une image fixe montrant ou non des teintes et des couleurs. Notre monde moderne, à l’instar de son cinéma, est constitué d’une panoplie d’images à haute définition défilant de façon ininterrompue.

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Recourir encore aux évaluations ambivalentes opposant le bien et le mal, le beau et le laid consiste à faire abstraction du contexte, de l’histoire, des richesses, de la complexité, de l’image complète, des images complètes et de la dynamique s’étant instaurée entre elles.

Le bien, le mal. En utilisant ces termes, nous perpétuons une notion aussi vieille que la plus petite et la plus ancienne forme de vie sur Terre, celle d’une mathématique limitée à un bit d’information. Combien de bits le disque dur de votre ordi comporte-t-il?

17 commentaires sur “Les origines du bien et du mal

    1. Oui, voir soi-même en l’autre, ça ne fonctionne pas avec ceux qui ne s’aiment pas ou qui sont incapables d’effectuer cette transposition. Le narcissisme, la psychopathie, certains troubles gardent les personnes qui en sont atteintes en retrait de ce principe qui, pour nous, semble si facile à comprendre.

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      1. C’est très juste, je connais particulièrement bien celle de la manipulation qui souvent accompagne le narcissisme pour avoir lourdement impacté dans ma jeunesse. C’est certainement une des raisons qui font que je pratique peinture et écriture. Voir l’Autre en soi et soi-même en l’autre, c’est un principe qui a l’apparence de la simplicité, mais qui dans les faits est très difficile à appliquer, en l’écrivant, je déplaçais l’approche du thème que vous avez traité au regard de notre état de conscience personnel. Bonne soirée.

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  1. Comme il est de toutes façons impossible de « voir » l’image dans son entier car elle est trop vaste et dépasse notre « visuel » -donc d’évaluer le nombre de pixels qui la composent- il faut bien porter une différence relativement nette entre cette bipolatité, et c’est dans la limite de nos différentes sociétés que nous le faisons, avec le « matériel » qui nous ai donné pour nous encadrer et vivre dans une certaine stabilité. Mais évidemment qu’à l’échelle de l’universalité, qui sommes-nous pour juger ? De simples humains. Une erreur de la nature.

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  2. Des notions arbitraires distribuées avec les aléas dus aux probabilités. La mort est-elle subjective et injuste, pour la nature la réponse semble toujours négative.

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  3. Merci pour cet article pertinent et très parlant. Ça entre en résonance. Je disais encore pas plus tard qu’hier ;

    Je crois aussi que je peux dire une chose et par la suite son opposition. Cela peut sembler une totale incohérence, mais selon mon approche est qu’il n’y a pas d’affirmation noire ou blanche, mais un ensemble de nuances qui varient selon l’émotion, la compréhension, la vision, l’approche et l’expérience.

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    1. Lorsqu’on a pense se dédire, on n’a tout simplement pas établi toute la liste des critères et paramètres pris en compte la première fois. Ainsi, la seconde fois, on a l’impression de dire l’inverse, mais c’est simplement que la liste des critères et paramètres a changé. Être nuancé crée des apparences d’indécisions et d’errements, d’incertitudes puisqu’il est bien difficile de toujours tout lister les critères sur lesquels les opinions sont forgées.

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  4. Le bien et le mal, je dirai que pour l’Homme, tout est jugement. Et jugement en fonction des valeurs qu sein de sa société, de sa famille. Cette action est-elle « intrinsèquement bien » ou je trouve simplement qu’elle est bien ? Et de surcroît, si je pose cette question à une tierce personne, je ne cherche peut-être qu’à partager et à diffuser mon point de vue concernant le bien et le mal…

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    1. Un commentaire sert à diffuser son opinion et un article de blogue acceptant les commentaires à en recevoir. Merci Ibonoco pour ce partage. effectivement, le jugement amène à une prise de décision souvent binaire.

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