L’illusion de l’effort citoyen

Nous vivons actuellement une crise des matières recyclables et celle-ci était prévisible depuis les tout débuts de la récupération des matières post-consommation.

Je me souviens des premières cloches à récupération placées dans différents parcs. Bien que nous devions embarquer nos sacs et bacs dans l’automobile pour aller les porter et décharger leur contenu à la pièce dans les ouvertures trop hautes de ces monstres verts, en très peu de temps il aurait fallu multiplier leur nombre par mille pour satisfaire au volume de matières rapportées.

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La mise en place de cette première mesure concrète était victime de son succès et les cloches ont disparu pour raison de salubrité et aussi parce qu’on n’avait prévu aucun moyen de recycler une quantité aussi importante et aussi subite de papiers, verres, métaux et plastiques rapportés.

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Puis vint le ramassage à domicile, mais il fallait toujours trier les différentes matières. Ensuite, on a construit des centres de tri et on en est venu à cesser de trier les matières à la source.

À Montréal, nous sommes loin d’être les champions de la récupération avec un taux d’environ 70 %. Les autorités de tous les paliers de gouvernements mènent donc régulièrement des campagnes de sensibilisation pour augmenter ce taux.

Cependant, du côté des mêmes autorités, on se traine les pieds pour mettre en place de vraies infrastructures qui permettraient non seulement de récupérer correctement et efficacement l’ensemble des résidus, mais surtout à procéder à leur revalorisation localement tout en garantissant un gain économique substantiel sur l’achat de matières neuves.

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À cause du laxisme des autorités citoyennes, aujourd’hui on exporte, enfouit ou incinère presque la totalité des matières récupérées et pourtant les annonces continuent de pleuvoir pour que les gens augmentent leur efficacité de récupération.

J’aurai beau être sensibilisé au max, si ensuite tous mes efforts tombent à l’eau parce que rien n’a été fait pour avoir instauré une véritable économie du recyclage, on croulera toujours sous des montagnes de richesses laissées à l’abandon.

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Pour prendre un exemple simple, même si tous les citoyens construisent leur petit égout personnel, ça ne suffirait pas pour en faire un système efficace et propre de récupération, de traitement et de réutilisation des résidus. Les autorités sont parvenues à récupérer notre merde sans avoir à se soulager dans un bac à recyclage et à aller le porter à l’usine. Alors, peut-on aussi le faire avec les matières qui sont moins dérangeantes parce qu’elles sentent moins mauvais?

Ça prend une économie complète du recyclage, une structure globale, efficace qui deviendrait avantageuse sur tous les plans, surtout sur le plan monétaire puisque tout doit passer par là pour être enfin compris et accepté.

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Et à ce niveau, le citoyen ne sert à rien. Il est donc parfaitement illusoire de croire qu’en lui demandant plus d’efforts, ça va régler les problèmes. La population n’est pas dupe, elle voit bien que d’importants maillons manquent à la chaine. Aujourd’hui, le recyclage est une illusion bien orchestrée. On nous fait croire qu’il n’en dépend que de nous et que si nous ne continuons pas à nous améliorer, c’est peine perdue.

Toutes ces campagnes de publicité à l’intention des citoyens ne font que détourner l’argent qui serait bien plus utile pour mettre en place des infrastructures inexistantes et pour bâtir une véritable économie complète et efficace du recyclage.

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Tous les gouvernements successifs ont toujours opposé le recyclage à l’économie, voilà pourquoi aucun n’a jamais pris le taureau par les cornes. C’est toujours bien plus facile de rouler dans des ornières que de bâtir une nouvelle économie plus respectueuse de l’environnement afin de limiter l’usage de nos ressources épuisables.

Il est faux de croire que les gouvernements ne peuvent pas en faire plus que les citoyens. Ce qu’ils ont à mettre en place, aucun citoyen ne le peut, ni même un groupement de citoyens, ni même une ville, ni même une région. Il manque de lois et de règlementations, il manque d’infrastructures essentielles généralisées, il manque de volonté politique aux échelons les plus élevés, c’est la seule triste vérité.

Alors, de grâce chers veules gouvernements! Cessez de dilapider notre argent en vaines publicités, cessez de cacher vos responsabilités, cessez de pelleter le problème là où il ne peut être résolu et faites la seule chose vraiment utile, attaquez-vous une fois pour toutes au problème dans son ensemble et mettez en place de vraies solutions globales.

19 commentaires sur “L’illusion de l’effort citoyen

  1. Je fais de petits efforts comme acheter en vrac, venir avec mes sacs de commission, nettoyer les contenants en verre avant de les mettre dans la bonne poubelle, ne pas trop gâcher eau et électricité, rouler un max en vélo, etc mais la civilisation continue de produire sans pensée à long terme en imaginant qu’elle possède une planète poubelle, une planète habitat, une planète vacances, une planète garde-manger, une planète défoulement guerrier ! Sauf que nous n’avons qu’une Terre ! L’enfer va se sphère !

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    1. Oui, tu as raison, Bruno et je fais moi aussi mes petits efforts qui sont essentiels. Le problème quand on vit en société, c’est comme les vaches dans les prés. Elles défèquent n’importe où. L’humain ne vaut pas mieux que le troupeau dans son enclos trop petit, chacun finit par manger la crotte des autres.

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  2. S’il est vrai qu’à l’échelle du citoyen, nous ne pouvons malheureusement pas grand-chose, c’est en amont que se pose le plus gros du problème : la consommation. Surproduction, surconsommation… le cycle est clair. L’issue, on l’a connaît. Déchets jusqu’au ciel, pollutions jusqu’au fin fond des océans. L’efficacité du recyclage est compromise parce que le système n’est pas bien pensé, certes, parce qu’il n’y a pas de véritable action politique, fort probablement, mais aussi parce que nous ne sortons pas de nos petites habitudes de gros consommateurs. Et c’est là que le bât blesse.

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    1. Si on donne le choix aux consommateurs d’acheter un produit suremballé moins cher que le même produit avec moins d’emballage, presque tout le monde choisira le premier. La surconsommation commence par ce qu’on nous vend et de la façon dont on nous le vend. D’autre part, ce qu’on oublie par rapport au suremballage, c’est qu’il protège souvent mieux la fraicheur, diminue les pertes dues aux mauvaises manutentions, garantit mieux la salubrité des produits, les protège contre les falsifications, diminue le vol, ce qui crée moins de déchets et de pertes des produits dans leur ensemble. Le problème ne vient pas vraiment des emballages, mais des matériaux utilisés pour les fabriquer et ce que nous en faisons une fois leur utilité première terminée, soit leur récupération-recyclage adéquate ou leur décomposition respectueuse de l’environnement.

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      1. « La surconsommation commence par ce qu’on nous vend et de la façon dont on nous le vend. » ->surtout la façon dont on nous le vend, car nous sommes les seuls à décider d’acheter ou non. La fameuse courbe de l’offre et de la demande peut se lire à double sens. Mais au départ, c’est bien le besoin qui crée l’offre, et non l’offre qui crée le besoin, sauf aujourd’hui, où depuis bien des années, la tendance s’est inversée.
        Concernant le recyclage ou les emballages précisément, bien entendu qu’il y a des raisons de suremballer certains produits. Mais je doute que l’essentiel du problème du recyclage ou de la pollution soit lié à ces emballages multipliés, comme tu le soulignes.
        En France en tout cas, le problème du gaspillage est phénoménal. Des actions locales ou émanant de certains acteurs de la grande distribution essayent d’y remédier (politique des dates de péremption, usage de bocaux et suppression des sacs en plastique, redistribution des surplus à des asbl…). Mais ce n’est pas encore suffisant.

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      2. On a perdu la désolation, la honte, la culpabilité lorsq’on jette ou gaspille. J’essaye malgré les pressions à surconsommer d’entretenir ces sentiments chez moi. Je vais donc choisir mon prochain repas en fonction de celui qui traine le plus longtemps dans le frigo et je me sens bien plus satisfait d’avoir évité un gaspillage que si j’avais mangé mes plus récentes concoctions. Je me sens presque malade de jeter du linge, même s’il est très vieux. L’impossibilité de réparer moi-même mes électroniques me rend furieux. Je veux garder cette horreur de la surconsommation, du gaspillage et de la gestion déficiente de nos biens de consommation. Dans l’ensemble, ça ne fera aucune différence au bout du compte, mais ça en fait une sur mon moral. Un jour viendra où le gaspillage sera vu comme la cigarette. Les mentalités changent parfois avec beaucoup de sensibilisation et quelques grands procès.

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  3. Tu as malheureusement raison. Entre autres, au Québec, recycler consiste à se cacher derrière une façade bcbg de « fausse bonne conscience », encouragée par la nonchalance de nos gouvernements…. ce phénomène est planétaire et notre planète s’enlise ainsi rapidement sous les montagnes et les îlots de détritus que l’homme continue de créer malgré la consigne de «recycler »…. en matière de recyclage,l’humain est le roi de l’illogisme et de l’inconscience collective, on n’a qu’à penser à l’obsolescence programmée, et ce n’est là qu’un consternant exemple cité parmi tant d’autres…. quelle triste mais pertinent constat quetu nous partages aujourd’hui. Merci à toi, LeCorbot.

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    1. Merci, Jo, pour tes remarques très pertinentes sur la pensée humaine en rapport avec ce sujet. L’obsolescence programmée est aussi un sujet que j’ai l’intention de traiter un de ces jours, lorsque je serai moins frustré d’y penser !

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  4. Ah! Oui, ça, c’est un vrai problème!
    Il faudrait construire des structures pour recycler et obliger les industries à utiliser moins de plastique pour l’emballage…

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  5. Et au printemps c’est encore plus affreux de voir comment on néglige le recyclage ou la poubelle ..
    A Gatineau, ils ont changer un peu le ramassages .. le composte a toutes les semaines, les poubelles une fois sur 2 et le recyclage aussi. Alors que les encombrement quelques fois par années, ainsi que les trucs de constructions, mais les gens ont ben de la misère a comprendre et ne s’informe pas, Sans compter que ou j’habite, ils ont changer la ben a ordure plus petite et on ajouter plus de bac de recyclage (toujours un fois un l’autre semaine l’autre sont ramassée. Le hic, des locataires sont trop paresseux pour faire des efforts et la benne à poubelle est trop petite

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