Météorologie malade

Je pars travailler le matin, je lis la météo du jour afin de décider si je laisse quelques fenêtres ouvertes pour aérer la maison. Le site de la météo du gouvernement tapisse la journée d’un magnifique soleil mur à mur, d’une température clémente et de vents faibles. Ensuite viendra un ennuagement graduel au cours de la soirée et de la faible pluie durant la nuit. Voilà les prévisions pour les 24 prochaines heures.

Puisque mon retour du boulot s’effectuera au plus tard à 18 h, je n’ai pas à m’inquiéter de laisser la brise printanière changer l’air dans les pièces. Mais sur le pas de la porte, je me ravise pour finalement tout fermer. À 15 h, un violent orage accompagné de forts vents envoie tout valser dans la ville. J’aurais laissé les fenêtres ouvertes et j’aurais retrouvé des litres d’eau dans le salon et les chambres. Moins de neuf heures après la mise à jour de 6 h, la température se moquait éperdument des prévisions des météorologues. Ce cas est loin d’être unique.

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Une débauche de moyens mis en œuvre. Décuplement des stations terrestres d’observation, radars Doppler longue distance dernier cri, imagerie satellite de très haute précision, lancement de ballons-sondes à profusion, caméras et observateurs sur le terrain, on n’a jamais possédé autant de données précises et les moyens de les traiter efficacement.

Cette branche des sciences accapare le temps de calcul des plus puissants ordinateurs au monde. Génération après génération, nous les harnachons à la difficile tâche de prévoir le temps qu’il fera. Plus grande est leur puissance de calcul, plus petites sont les mailles spatiales et plus précises sont les prévisions territoriales. La prévisibilité à plus long terme bénéficie également des téraflops additionnels. Prévoir plusieurs jours à l’avance avec une assez bonne précision en ajustant les prévisions locales à de plus petits territoires apparait comme un mandat parfaitement réalisable.

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Mais force est de constater que dans les faits, ces promesses ne sont pas du tout tenues. Bien au contraire, jour après jour, les bulletins météo montrent leur incapacité à donner un aperçu relativement fiable du temps qu’il fera, et ce même pour la journée en cours. À moins de 24 heures, le nombre de fois que les bulletins sont drastiquement modifiés devrait lever un signal d’alerte.

Pourtant, les météorologues répètent leurs mêmes erreurs du passé en refusant d’associer les écarts entre leurs prévisions et la réalité sur le terrain à une cause sous-jacente grave. Quelques-uns utilisent un mot passe-partout qui veut tout et ne rien dire, le mot instabilité pour expliquer la volatilité de la météo. Parlons plutôt d’une tautologie, pas d’une explication valable.

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La météorologie est une science basée sur deux éléments importants: des modèles mathématiques et des statistiques. Munis de données prises en temps réel, les météorologues les injectent avec d’autres données antérieures dans de très complexes formules mathématiques censées produire un aperçu de l’évolution de la situation. D’autre part, il est possible de contre-vérifier ces prévisions avec des résultats compatibles antérieurs et comparer certaines courbes. Ce faisant, les modèles mathématiques peuvent évoluer et gagner en précision.

Alors pourquoi, plus le temps passe, plus les prévisions semblent perdre du terrain plutôt qu’en gagner? La réponse est simple et complexe à la fois. Nos modèles mathématiques ont fonctionné relativement bien pendant une centaine d’années grâce à l’accroissement exponentiel de nos capacités technologiques. Aucune raison n’explique la dégradation des prévisions plutôt que leur amélioration qui aurait dû être phénoménale.

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Ce qui fonctionnait encore relativement bien dans un passé pas si antérieur n’est plus adéquat aujourd’hui. Les modèles mathématiques s’éloignent du comportement réel de la Terre et ce constat devrait être suffisant pour donner des sueurs froides à tout le monde et surtout aux météorologues. La cause, les comportements de la Terre changent rapidement, beaucoup plus rapidement que nos modèles statistiques et dynamiques.

Le mot instabilité pour parler des écarts entre les prévisions et la réalité n’est pas faux, mais il n’explique rien. En revanche, il démontre clairement que les météorologues sont dépassés par les événements. Alors, que se cache-t-il réellement sous ce terme généraliste?

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Les dérèglements climatiques, évidemment. La montée fulgurante de la concentration du CO2 et également celle du méthane (CH4) dérègle fortement le comportement des masses d’air dans les différentes strates de notre atmosphère. Nos modèles sont devenus incapables de bien analyser leur évolution dans des situations jamais vécues auparavant.

Alors, oubliez les prévisions météorologiques pour décider de votre habillement, de l’état de vos fenêtres et de vos activités de la journée. Munissez-vous de plusieurs kits dont un pour la pluie forte, un pour les chaleurs intenses et un pour des coups de froid subits. Fermez portes et fenêtres si vous vous éloignez de la maison et surtout, ne tentez pas d’ajuster vos activités aux prévisions météorologiques. Ne laissez pas la météo gâcher votre vie, organisez tout ce que vous désirez et prenez plutôt des précautions advenant un changement de température, sinon vous ne ferez plus rien.

5 commentaires sur “Météorologie malade

  1. Mathis, Personnellement, je ne suis pas convaincu que la fiabilité des prévisions météorologiques de Météo-France se soit dégradée depuis 20 ans (disons). Mes activités me poussent à consulter les prévisions de Météo-France pour tous les lundis, jeudis, samedis et dimanches. Je ne me souviens d’aucune anomalie grossière. Une foule d’exemples ne faisant pas une loi, et ma mémoire n’étant elle-même pas fiable, je me demande quels sont les critères de fiabilité des prévisions de Météo-France, parce qu’ils en ont, cela est sûr.
    Quand les conditions sont limite critiques, je consulte https://www.ventusky.com/ Ce sont des Tchèques qui exploitent les données des services météorologiques allemands, le DWD. La qualité de la présentation des prévisions par Ventusky est bien plus précise, à mon entendement, que celle de Météo-France. En ce qui concerne les orages potentiels, ce qui était le cas par ici jeudi dernier, Ventusky présente 6 critères d’orage. Jeudi dernier, il y avait une grande différence entre ces critères. Météo-France affichait un risque d’orage. Certains critères de Ventusky également, d’autres non. En fait, il n’y a pas eu d’orage où j’étais. J’imagine très facilement qu’un orage puisse échapper aux prévisions. Est-ce que la fréquence de ces erreurs de prédiction augmente ? Sans une analyse précise, que je n’ai pas, je n’ai pas, non plus, de réponse à cette question.
    Une belle journée à toi,
    Gilles

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    1. Estc-ce parce que nous n’habitons pas le même pays que les prévisions sont plus ou moins fiables ? Possible. Au Québec, le réchauffement accéléré de l’Arctique, c’est l’endroit où le réchauffement est le plus important sur la planète, apporte des conditions particulières. Le courant-jet est fortement perturbé et prévoir sa trajectoire et la force de ses vents est devenu un pari risqué puisque ses comportements deviennent erratiques par rapport à ceux du passé. En conséquence, les cellules convectives de Hadley et de Ferrel se déplacent elles aussi de manière inhabituelle créant des instabilités difficiles à prévoir. Ici, le temps est anormalement froid depuis quelques années, un temps qu’aucun météorologue a su prévoir ou voulu dévoiler. Je compare souvent la situation de l’Arctique à celle d’un congélateur dont la porte est restée ouverte. Il évacue sa froideur et si on place sa tête tout près, on va se la geler malgré la hausse de la température à l’intérieur du congélo.
      En France, la météo est fortement affectée par le Gulf Stream. Ce courant, du fait qu’il soit océanique, est beaucoup plus stable qu’un courant aérien comme le courant-jet. Est-ce une cause expliquant les meilleures capacités prévisionnelles ? C’est possible. Je ne t’encourage quand même pas à garder tes fenêtres ouvertes sous l’influence des prévisions de Ventusky ou de Météo-France. Je me souviens d’un cafouillage les 26-27-28 décemble 1999 causé en partie par la rapidité des changements dans les conditions atmosphériques en provenance de Terre-Neuve et occasionnées par une anomalie… du courant-jet.
      Il existe des prévisions à long terme sur le Gulf Stream et elles sont loin d’être réjouissantes. Lorsqu’il commencera à faire des siennes de manière plus marquée, vos prévisions météorologiques en souffriront certainement, car des situations similaires n’apparaissent pas dans les livres des statistiques passées. Bonne journée !

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      1. La semaine dernière, le Canada envoyait à son tour dans l’espace une constellation de nouveaux satellites Radarsat ayant une résolution et un débit bien supérieurs. Ça ne pourra pas nuire !

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