Aujourd’hui, je vous ai concocté un quiz autour de la lettre « e » utilisée en français. Le but principal n’est pas d’évaluer vos connaissances en la matière, mais plutôt de vous rappeler ou de vous apprendre certaines règles et exceptions entourant cette fameuse lettre. Vous trouverez les réponses aux questions à la fin de l’article.
Dans le texte, les signes phonétiques sont placés entre crochets [ ]. Vous pouvez trouver la référence sur le site du « Grand Robert » à cette adresse : https://grandrobert.lerobert.com/AideGR/Pages/TableAPI.html
1. En plus des accents aigus, graves et circonflexes sur le « e » (é, è et ê) qui modifient sa phonétique, certains mots possèdent un e non-accentué qui pourtant se prononce [a] comme dans « balle ». Nommez cinq mots provenant de racines distinctes dont le « e » se prononce [a].
2. On sait que le « e » est la lettre la plus employée en langue française. Sa fréquence d’apparition est estimée à 12,1 % et à 14,44 % en incluant les e accentués. Pourtant, un auteur a réussi l’exploit d’écrire tout un roman sans utiliser aucun « e ». Quel titre porte ce livre écrit par un membre de l’Oulipo ?

3. Pourtant, bien que le nom de l’auteur de ce livre (incluant son prénom) ne comporte que onze caractères, on y dénombre quatre « e » pour un pourcentage de 36,4 %. Quel est le nom de cet individu ?
4. Diriez-vous qu’en anglais, le « e » est moins fréquent ou plus fréquent qu’en français ?
5. La plupart des noms féminins se terminant par « té » ou « tié » s’écrivent sans « e » final. Beauté, amitié, santé et pitié en sont de parfaits exemples.
Il existe toute une panoplie d’exceptions, mais elles possèdent souvent un point commun. J’en dénombre une bonne quantité, dont assiettée, charretée, cuillerée, litée, marmitée, pelletée, platée, pochetée, potée, portée, etc. On associe facilement à chacun de ces noms l’autre nom d’origine. Quel est le point commun en question entre tous ces noms se terminant par « tée » ?

6. Le cas du nom « tétée » est particulier bien qu’il fasse également partie de la catégorie précédente. En quoi est-il différent des autres ?
7. Plusieurs autres noms féminins se terminant par « tée » n’entrent pas dans cette catégorie d’exceptions. Ce sont souvent des transformations d’un adjectif (ou d’un verbe) à un nom. Là encore, ils ne sont pas rares. Croûtée, dentée, frottée, futée, heurtée, jetée, jointée, sautée sont tous des noms féminins créés à partir de l’adjectif féminin homonyme. En linguistique, comment se nomme cette transformation d’un adjectif (ou d’un verbe) en nom ?
8. Enfin, certains noms féminins se terminant par « tée » sont dérivés du latin. On les retrouve surtout en science. Les noms actée, galatée, lépidostée et stromatée entrent dans cette catégorie. Selon vous, galatée est le nom d’un astre, une sorte de crustacé, de plante ou de poisson ?
9. Les « e » qu’on prononce [a] n’est pas la seule particularité des e dans la langue orale, il y a aussi les cas du e caduc et ceux du e muet. Les e muets sont légion. Si le mot se termine par e, ce dernier est bien souvent muet. Affaire, cuire, poire, sincère, vous voyez le topo. Le e muet final se prononce parfois lorsque le mot se retrouve dans des chansons. C’est une question de rythme et de rime « La bohèmeeee 🎵».

Le e caduc est, soit muet ou très peu appuyé, soit prononcé. Il se situe à l’intérieur d’un mot et nous sommes libres de le taire ou pas. Il faut toutefois faire attention. Voyons l’exemple suivant. On a le choix de prononcer ou non le e caduc dans le mot « fenêtre » qui devient « f’nêtr ». Le premier e est caduc et le dernier est muet. Cependant, on doit toujours le prononcer dans le mot « fenestration ». Trouvez deux autres mots dont le e caduc devient nécessairement muet et ensuite deux mots dont le e caduc doit absolument se prononcer.
10. Connaissez-vous l’autre nom donné au e caduc ?
11. Nous savons tous que le français est une langue latine et si ce n’était pas le cas, maintenant c’est fait. Notre langue a hérité de plusieurs mots latins qui n’ont jamais changé de graphie même lorsqu’un caractère ne se trouve pas directement dans notre alphabet. C’est le cas de la ligature du a et du e, le fameux « æ » bien connu grâce au nom « curriculum vitæ ». On le nomme de multiples façons, comme si aucun nom ne lui convenait parfaitement. Ligature, lettres liées, lettres soudées, lettres doubles, voyelles doubles, digramme, on ne s’ennuie pas. Si l’æ est un digramme, nommez-en un autre comportant un e et utilisé en français.

12. En français, comment se prononce l’æ ?
13. Trouvez trois autres mots utilisant le digramme « æ ».
14. On retrouve parfois un tréma sur le « e » (ë) lorsqu’il se situe à la fin d’un mot. Sauriez-vous dire pourquoi ?

15. En français, quel est le maximum de e trouvé dans les mots du dictionnaire ?
16. Sauriez-vous trouver un mot français qui n’est pas un mot composé, ni un verbe conjugué, ni un adjectif au féminin (qui rajoute un e) et qui contient ce maximum de e ?
Comme vous pouvez le constater, notre lettre la plus prolifique est plutôt étonnante, car remplie de particularités et de contradictions.
Réponses
- Cinq mots dont le e se prononce [a], le plus commun est certainement « femme ». Il est si commun qu’on oublie facilement sa prononciation exceptionnelle. Vous auriez également pu nommer « moelle, poêle et solennel ». À cette courte liste, se rajoutent toutefois plus d’une cinquantaine d’adverbes se terminant en « emment » comme ardemment, différemment, éloquemment, innocemment, négligemment, etc. Le choix ne manquait pas.
- Le livre sans e s’intitule : « La disparition ». L’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) est un groupe de recherche littéraire créé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais.
- Toute une performance de l’auteur George Perec !
- Étonnamment, en anglais, la fréquence du « e » est plus élevée qu’en français si on prend seulement le « e » non accentué. Sur le site de Wikipédia, elle a été mesurée à 12,7 % de son contenu en anglais comparativement à 12,1 % en français. Cependant, avec les « e » accentués, la fréquence en français de 14,4% dépasse celle de l’anglais. En anglais, le « e » n’est jamais accentué, sauf pour les mots empruntés au français. Café, fiancé et crêpe font partie de ces rares mots acceptés en anglais qui possèdent un accent sur le « e » et que les gens sont censés écrire tel quel. Cependant, paresse exige, nos amis d’en face « omettent » couramment de les accentuer correctement.
- Tous ces noms représentent une quantité, un contenu.
- Bien que « tétée » représente aussi une quantité, il n’est pas dérivé d’un autre nom, mais du verbe « téter ».
- Transformer un adjectif ou un verbe en nom se nomme « la substantivation ». Un mot qui ne comporte aucun e, et ce malgré ses quinze caractères. Noter que le mot « substantif », donner de la substance, est un synonyme du mot « nom ».
- Galatée est un crustacé. Il provient du latin « galathea », lui même tiré du nom propre grec Galathea. Dans la mythologie grecque, Galatée (en grec ancien Γαλάτεια / Galáteia) est l’une des Néréides (nymphe marine), fille de Nérée et de Doris. Ceux qui ont répondu que galatée est un astre ont partiellement raison. Oui, Galatée est bien le nom de la sixième lune de Neptune, dernière planète de notre système solaire, cependant seul le crustacé galatée est un nom commun, il s’écrit donc sans majuscule.
- Il existe une foule de mots dont le e caduc est obligatoire. Une série est bien connue, celle des mots avec la terminaison « ement » comme dévouement, paiement, remerciement, etc, mais pas tous. Pensons aux mots abjectement, adorablement, bougrement, département, fermement, etc. qui requièrent tous de prononcer le e. Noter toutefois que dans tous ces mots, le e est précédé de deux consonnes. Avec le m qui suit, cela ferait trois consonnes à prononcer sans voyelle séparatrice. Les prononciations blm, grm, rtm, rmm ne sont pas naturelles et c’est pourquoi le e n’est jamais muet dans ces mots.
- Un e caduc est aussi appelé e instable. Le e muet ou caduc muet est aussi appelé un « schwa » [ʃva], une voyelle neutre. Rajoutez-y un « l » à la fin et vous obtenez un cheval dont le e est caduc (ch’val) 😀.
- L’autre digramme est aussi bien connu, c’est l’œ comme dans œil, œuf, bœuf, sœur, etc. Noter que pour des raisons souvent techniques, les ligatures œ et æ ne sont pas obligatoires et évidemment elles deviennent inutilisées dans des jeux comme le scrabble ou les mots croisés. Il est cependant recommandé de les utiliser partout où c’est possible. C’est pourquoi la version française de Word possède la capacité de ligaturer automatiquement les mots dont l’orthographe contient un æ ou un œ en tapant simplement les deux lettres consécutivement. Sur Mac avec l’OS X, il est facile de taper directement les caractères æ et œ en utilisant Option + a et Option + q.
- En français, on prononce l’æ comme un é, un e fermé, [e]. Cependant, en latin, la véritable prononciation tendait à laisser entendre les deux voyelles, cependant en atténuant le a et en insistant sur le e. J’ai eu un prof de latin qui, lui, détachait carrément le son des deux voyelles [ae] comme si aucune ligature n’existait. Quant au digramme œ, il se prononce généralement comme peur. Son signe phonétique est justement le même [œ]. Mais là encore, des exceptions s’appliquent. Le œ dans alstrœmère se prononce comme le o de sot [o], tandis que celui de amœbée se prononce é, un e fermé [e]. On voit donc que le digramme œ peut prendre plusieurs sons différents dépendant des autres lettres qui l’accompagnent.
- Souvent, les mots possédant le digramme æ possèdent également une autre graphie francisée. Cæsium a césium, cobæa a cobéa, elæis a éléis, et cætera a et cetera, fæces a fèces, pæan a péan, præsidium a présidium, sæptum a septum, tænia a ténia, etc. Mais d’autres n’ont qu’une seule façon de s’écrire. C’est le cas de æoline, æolis, æschne, æthia, hymenæa, nævus, uræus, vitæ, etc.
- Les mots féminins aiguë et ses composés, ainsi que ciguë, exiguë, contiguë, etc., portent un tréma sur le e, car la prononciation du groupe de lettres « gue » sans ce tréma donne [gǝ] (g dur et e ouvert) comme dans « ligue », tandis que tous ces mots se prononcent [gy] (g dur et u comme dans « du »). Le e tréma (ë) nous rappelle la bonne prononciation à adopter.
- En français, le maximum de e dans un seul mot est de 6, mais la plupart d’entre eux sont des mots composés, des verbes conjugués ou des adjectifs féminins.
- Il existe plusieurs mots contenant 6 e. En voici deux. Dégénérescence et préférentiellement.

Très bien documenté, très intéressant… Aïe, mon français est battu en brèche par E
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Merci Christine. Avant de commencer à écrire cet article, j’avoue que je ne pensais pas qu’il serait aussi long ! Je me disais, 5 ou peut-être 6 questions, ce serait bien. Ha ! Le E m’a pris en otage !
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