« Leet » ou « leet speak » n’est pas une langue, ni même un langage puisqu’on peut écrire en leet à partir de n’importe quelle langue écrite existante. On parle plutôt d’un code graphique par lequel on transforme la graphie traditionnelle par une autre.
Leet vient du mot Elite, mais cette codification graphique n’est pas formelle. On l’utilise dans sa forme de base ou élevée en passant par bien des intermédiaires. Il a été populaire et l’est encore dans la communauté des gamers et des geeks.
La forme la plus simple consiste à transposer certaines lettres de l’alphabet par un chiffre de graphie semblable. Ainsi, les lettres A, B, E, G, I, O, P, S, T, Z se voient remplacées par 4, 8, 3, 6, 1, 0, 5, 9, 7, 2.
Ça donne des mots du style M1CR050F4, 499L3, N37FL1X pour MICROSOFT, APPLE, NETFLIX. Voici une petite citation en graphie leet de base du regretté
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Plusieurs problèmes majeurs ont ensuite suivi lorsqu’on a voulu transposer les 16 autres lettres de l’alphabet. Le premier constat négatif vient du fait que plusieurs symboles sont devenus nécessaires pour reproduire graphiquement avec une certaine ressemblance les autres lettres de l’alphabet. On en utilise parfois jusqu’à 5 ! Pour écrire une lettre d’amour à sa petite amie, elle a le temps de s’enfuir avec votre meilleur copain avant que vous ne l’ayez terminée !
L’autre particularité désavantageuse est qu’un même chiffre remplace parfois plus d’une lettre. Le 7 est venu à remplacer le T, mais aussi le Y. Le zéro servait pour le O, mais aussi pour le D. Le 1 s’est vu offrir le I, mais également la lettre L.
Un autre problème concerne les chiffres. S’ils remplacent des lettres, les chiffres, eux, devaient être maintenant écrits en lettre. Une fois de plus, le processus plairait plus aux tortues qu’aux oiseaux adeptes des gazouillis sur Twitter. L’autre solution généralement utilisée consiste à garder les chiffres tels quels. Cependant on retourne au problème qu’un même chiffre est utilisé pour remplacer plusieurs caractères différents, chiffre ou lettres.
Dans la réalité du leet, aucune façon standard d’écrire certaines lettres ne s’est imposée. Pour les plus graphiquement complexes d’entre elles, comme les H, M et W, on trouve facilement une quinzaine de graphies distinctes, ce qui ne tarde pas d’engendrer un tas de problèmes d’incompréhension ainsi que beaucoup de zigzags rapidement indéchiffrables puisque les lettres formées de plusieurs symboles ne sont pas séparées des suivantes et ne possèdent pas d’espaces entre les différentes lettres. Ce qui rend la lecture périlleuse. Voici un exemple qui n’est pas des plus complexes, bien au contraire.
Je vous donne la traduction de ce texte au cas où votre niveau de leet ne soit pas très élevé.
« How to save the world
by Charles Fudge Muffin »
Leet n’est donc pas conçu pour simplifier l’écriture. Remplacer un M ou un W par quatre symboles graphiques, cette technique s’avère être tout, sauf un raccourci. Ce n’est même pas un système de chiffrage puisque le message sous-jacent est écrit en clair et avec un peu de pratique, un lecteur le moindrement attentif peut comprendre l’intégralité du message sans tutoriel ni ordinateur de décryptage. Quant aux systèmes automatisés de reconnaissance de mots, ça fait belle lurette qu’ils ont intégré la plupart des graphies leet existantes. N’essayez pas d’envoyer un message en leet en croyant que le contrespionnage n’y verra que du feu ! C’était autrefois l’usage essentiel auquel leet était réservé par la communauté des pirates informatiques et autres anonymus de ce monde, mais leurs méthodes de camouflage ont grandement évolué. Aujourd’hui, leet fait partie du folklore.
De plus, l’encodage quasi généralisé des textes en UTF-8 permet d’utiliser une panoplie de signes graphiques supplémentaires bien au-delà de ceux possibles en ASCII. Ce faisant, leet se permet maintenant de n’utiliser qu’un seul signe graphique par lettre. Et si on pousse juste un peu plus loin, puisque leet n’est rien de plus qu’une graphie, certains en ont fait une vraie police de caractères, totalement inutile puisqu’elle vient de détruire le principe même du leet qui est de cacher les lettres sous des identités non repérables par des systèmes peu intelligents.
Voici donc le résultat d’une police nommée « Extreme leet » que vous pouvez télécharger et installer gratuitement en cliquant sur l’hyper lien ci-haut et le résultat lorsqu’on tape les lettres de A jusqu’à Z et ensuite les chiffres.
Dans cet exemple de graphie leet, les symboles utilisés ressemblent beaucoup aux vraies lettres. Toutefois, les A, B, G, I, O, P, T ne sont plus remplacés par les 4, 8, 6, 1, 0, 9 et 7.
Soit dit en passant, les systèmes de reconnaissance de mots se foutent de la graphie apparente, ils utilisent les code ASCII ou UTF sous-jacent pour comprendre les lettres et ainsi les mots. Alors même si votre A ressemble à une vache paissant dans un champ de fraises parce que vous utilisez une police de caractères symbolique, ça reste toujours un A par en-dessous, sauf si vous remplacez votre A par une série de caractères ou si vous piochez dans les codes UTF au-dela de 255.
Aujourd’hui, dans les faits, la graphie leet n’est rien de moins que du snobisme, même si elle a servi un court laps de temps à déjouer les systèmes automatisés de reconnaissance de mots. Maintenant, on voit un peu partout la forme de base, dans des publicités, dans des noms de blogueurs ou de leur site, dans des titres de films (TAK3N, SE7EN) et même dans des marques de commerce, mais l’écriture toute en leet ne s’utilise plus vraiment. Quand un système de camouflage est connu, il a perdu sa raison d’être.
Comme il se doit, le mot « leet » a eu droit d’être transformé en leet, ce qui donne 1337. De plus, dépendant de la police de caractère utilisée, leet se lit à l’endroit ou renversé, tel que montré dans l’image entête.
Alors, lorsque WordPress vous a envoyé un commentaire signalant que vous avez cumulé 1337 étoiles (likes), vous connaissez maintenant pourquoi il a attendu d’être rendu à ce nombre précis, car le nombre 1337 fait lui-même partie des étoiles.
Avez-vous déchiffré le nom de l’auteur de la citation ?