Un bien grand carré de sable

Ça commence à être connu, l’antimatière est semblable à de la matière ordinaire sauf pour les charges électriques qui sont inversées. Ses électrons sont des positrons et les noyaux de l’antimatière sont négatifs plutôt que positifs. Jusqu’ici rien de très excitant si ce n’est que l’une déteste l’autre. Matière et antimatière s’annihilent joyeusement dès qu’elles entrent en contact. Cette transformation de masse en énergie ne laisse aucun résidu, aucun produit dégénéré, aucun déchet. Toute la masse se transforme en énergie pure et nous en connaissons la quantité ainsi produite. Il suffit de la calculer en utilisant la fameuse loi « E = mcc » de mon bon ami Einstein. C’est la quintessence de la transformation énergétique. Il n’existe absolument rien de plus performant. Cela attribue à un gramme de plutonium exactement la même énergie qu’à un gramme de plumes d’oie. Lorsqu’un gramme de matière (n’importe laquelle) est mixé avec un gramme d’antimatière, il en résulte 25 000 kilowattheures, de quoi alimenter annuellement 2 000 foyers.

Toutefois, il reste bien des mystères à élucider à propos des deux sœurs presque jumelles. Elles ne sont pas rigoureusement identiques, sinon notre Univers entier se serait transformé en énergie totale lorsqu’elles se sont crêpé le chignon tout de suite après le big bang. Et puisque nous vivons dans un univers peuplé de matière, celle-ci a donc gagné son combat fratricide. Toutefois, on ne l’explique pas encore tout à fait. On ignore exactement comment l’avantage de l’une sur l’autre est survenu. On a bien quelques pistes de solutions du côté de ce qu’on appelle des brisures de symétries, mais ça ressemble plus à une tautologie qu’à une explication. On estime qu’il est resté une particule de matière pour un milliard de particules détruites. Ça semble peu, mais c’est beaucoup lorsqu’on regarde avec la lorgnette du « pourquoi ».

L’antimatière n’est pas totalement absente de notre quotidien. L’énergie du vide se transforme spontanément en matière sous forme de paires particules-antiparticules qui se retransforment en énergie en s’annihilant. Cette danse funeste nous rappelle que rien dans l’univers n’est stable, pas même le vide, surtout pas le vide.

Produire suffisamment d’antimatière nous permettrait d’embarquer une quantité restreinte de carburant dans nos vaisseaux spatiaux qui pourraient voyager plus vite, donc plus loin. Les scientifiques y travaillent, mais le défi reste de taille. Deux gros problèmes doivent être résolus. Le premier vient du confinement, éviter que l’antimatière touche aux parois de ses contenants qui sont inévitablement faits de matière. Le second est une question de quantité. Si l’on parvient aujourd’hui à fabriquer de l’antimatière, par contre la quantité produite ne permet que des expérimentations très sommaires. Pas plus que quelques atomes. Rien de comparable à ce qui serait nécessaire pour alimenter des moteurs d’engins spatiaux.

Pour l’instant, cette énergie formidable continue de nous échapper, mais on peut logiquement prétendre que des civilisations plus avancées que la nôtre ont déjà les technologies requises pour produire une bonne quantité d’antimatières tout en la confinant adéquatement. N’y voyez aucun miracle, juste une question de savoir-faire. Un jour viendra où nous y arriverons et dès lors, notre Galaxie tout entière deviendra à nous aussi notre carré de sable.

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