La vie t’envoie seulement ce que tu peux endurer

Dans les films, les séries télévisées, les livres, j’entends ou je lis très souvent cette fameuse affirmation lorsqu’un personnage vit de lourdes épreuves et qu’un proche cherche à le rasséréner.

Premièrement, est-ce réellement une phrase pour nous remonter le moral, pour nous aider à mieux se sentir lorsque la vie s’acharne à nous en faire voir de toutes les couleurs ?  Personnellement, elle ne fonctionne pas du tout. Le fait de penser que mes épaules auraient les dimensions requises pour affronter le malheur qu’on « m’envoie » ne m’inciterait pas à relever la tête, mais plutôt à baisser les épaules afin d’attirer de moins gros problèmes. Si j’avais foi en cette assertion, cela signifierait que je croirais au destin et même plus, au marchand d’avenirs.

Dans cette phrase, que signifie vraiment « la vie » ? S’il devait exister une conscience quelconque tapie au fond de « la vie », cela ne pourrait être qu’une déité. Ainsi, cette phrase le présume tout en le camouflant sous le déguisement athée de « la vie » afin de retrancher le côté rébarbatif et impopulaire d’une quelconque entité toute-puissante.

Malgré cet habile camouflage, la phrase sous-tend quand même qu’une certaine entité à la fois malveillante et bienveillante programmerait dans ma vie divers malheurs en tenant compte de la solidité de mes épaules. « Je vais lui en faire baver jusqu’à atteindre ses limites que je veillerai quand même à ne pas dépasser ». Non mais et quoi encore !

En résumé, j’aimerais bien que les gens s’abstiennent de prononcer cette ineptie lorsque leurs élans de sympathie les incitent à vouloir me remonter le moral sans trop d’efforts.

Je propose deux déclarations autrement plus positives tout en ayant la fabuleuse propriété de ne pas être vides de sens.

1. «Si tu as besoin de quoi que ce soit, demande-le-moi».

Avec cet énoncé beaucoup moins ésotérique, plus sensé, le problème est que le déclarant risque de devoir payer un prix. S’il ose utiliser cette expression, il espère parfois silencieusement que son interlocuteur n’y donne pas vraiment suite. Pour éviter d’être pris au mot, par principe de précaution, il utilisera de préférence la phrase échappatoire puisque celle-ci possède la fabuleuse propriété de dégager son émetteur de toute action charitable.

2. « Je partage ta douleur et ta souffrance ».

Déclaration empathique et souvent véridique même si la personne aidante n’a jamais vécu d’événements similaires. Ce n’est pas une nécessité. Partager une souffrance diminue effectivement le poids du malheur, pourvu que cette présence soit significative. Soulager l’affligé d’une partie du poids ne sert à rien si on le lui rend immédiatement. C’est lui montrer une éclaircie dans les nuages pour ensuite recouvrir son ciel de nuées noires.

Pour que cela fonctionne, partager une souffrance ne doit pas être un événement ponctuel, exprimé une seule fois et sans y donner suite. Cette phrase coûtera aussi quelque chose à celui ou celle qui l’utilise sincèrement et ce prix sera probablement du temps. Quant à la quantité requise, sa valeur au moment de la déclaration reste une inconnue. Une bonne raison pour plusieurs d’éviter son utilisation et une fois encore de se rabattre sur celle qui ne coûte absolument rien.

Dans cette forme d’aide, l’important est le degré et surtout la qualité de l’écoute. Passer du temps en compagnie d’un être cher ne signifie pas d’essayer de remplir l’atmosphère de paroles ininterrompues et inintéressantes. Il faut surtout savoir écouter patiemment, calmement, sans jugement et sans tenter de prodiguer un florilège de conseils qui s’avèrent souvent inapplicables ou inappropriés à la situation précise du malheureux.

On peut immédiatement constater qu’une phrase vide de sens comme celle du titre n’aide absolument pas la victime, mais seulement la personne censée la réconforter ou l’aider. On peut l’imaginer comme une façon subliminale de dire « ne compte surtout pas sur moi, je te laisse seul affronter tes problèmes, mais je vais te dire un truc qui va te faire croire le contraire ».

Maquiller sa véritable intention sous un tissu de platitudes représente la façon moderne de montrer aux autres un visage sympathique de soi. Et cette foutue phrase essaye d’accomplir le tour de force d’être positive en surface alors qu’elle est totalement creuse à l’intérieur. En somme, on a affaire à un ballon de baudruche éphémère et éminemment plus fragile au fur et à mesure de l’ascension de l’apparente sincérité de la déclaration.

S’il vous est possible d’exclure cette phrase de votre vocabulaire, rien n’empêche cependant les autres de l’utiliser contre vous. Si vous devez vous farcir cette ineptie, je propose trois manières de réagir.

1. « Tu sembles vraiment bien connaitre l’entité qui s’acharne sur moi. Dans ce cas, utilise ton influence auprès d’elle pour la convaincre de me lâcher les baskets ». Il s’ensuivra une discussion autour du destin, de la fatalité, de la religion ou d’un dieu quelconque. Cette méthode risque de devenir un dialogue de sourds, d’avoir un impact mitigé tout en exigeant un certain niveau d’efforts de votre part.

2. Retrouvez cet article dans mon blogue sous le thème « Humain – comportement » et si vous partagez mon opinion, proposez-lui de le lire. Non seulement vous lui apprendrez le fond de votre pensée, mais vous le ferez en dépensant un minimum d’énergie. Une solution parfaite si vous avez besoin de les économiser. Et il existe une petite chance pour que la personne prononce l’une des deux déclarations positives inscrites ci-devant. Il existe aussi l’autre éventualité, celle qu’elle disparaisse pour de bon, comprenant que ses vraies intentions ont été démasquées. La honte éloigne les gens. Mais qu’aurez-vous perdu, sinon vos illusions sur la personne ?

3.  Utilisez l’esquive et la contre-attaque. « Merci de vouloir me remonter le moral, mais à la place… ». La suite dépend de votre choix entre la première ou la seconde des propositions suivantes. Vous pouvez également les utiliser conjointement.

« J’ai besoin de quelque chose, peux-tu m’aider ? »

« Viens me voir plus souvent, ta présence me fait un bien fou ! »

Comme vous le constatez, on en revient aux deux déclarations positives précédentes, mais cette fois-ci, l’initiative est prise par la personne en détresse sans attendre le bon-vouloir de la personne aidante.

Même, et surtout en situation de vulnérabilité, exprimer clairement ses besoins obligera l’interlocuteur à remiser la fameuse phrase à coût nul. Le sérieux de sa réponse prouvera s’il est un véritable ami et quel est son degré d’importance.

Comme vous pouvez le constater, il est facile de bien paraitre plutôt que d’aider sincèrement nos semblables. Le langage usuel est rempli de ces phrases qui, si on les analyse froidement, démontrent clairement un haut taux d’ignominie, car empreinte d’égoïsme carnavalesque.

Et qui de mieux qu’un Corbot pour les déterrer en exposant ses hideurs dans leur plus grande nudité !

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