L’alchimie n’est pas un mythe

Ceux qui me connaissent savent que j’ai généralement plus d’accointances avec la science qu’avec l’ésotérisme, même si je ne nie pas catégoriquement l’existence de phénomènes que la science est aujourd’hui incapable d’expliquer.

Le titre de cet article se veut donc une vérité scientifique et non pas un slogan pour vendre des livres aux contenus nébuleux. Mais tout d’abord, définissons l’alchimie.

Étymologie

Preuve que l’alchimie a intéressé bien des gens à bien des époques et dans bien des pays, l’étymologie de ce mot s’avère complexe et incertaine. Cependant, au plus près de nous, il nous a été légué par les Arabes comme beaucoup de mots possédant le préfixe al- (alambic, alcali, alcôve, algèbre, almanach). En arabe, le mot se dit (’) ăl-kīmĭyā’ et signifie «pierre philosophale». Au-delà, il vient soit du copte chame «noir» (égyptien), soit du grec tardif khêmia «magie noire».

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Une pierre philosophale est en fait une substance dont les propriétés sont censées:

– transformer des métaux communs (vils) en métaux précieux (argent ou or)
– guérir des maladies graves
– prolonger la vie au-delà de la durée normale

Ces trois fonctions ne sont pas nécessairement remplies par une seule pierre ou ingrédient.

Alchimiste

Un alchimiste est une personne qui s’intéresse principalement à la transmutation des métaux. Les autres propriétés recherchées de la pierre philosophale se sont peu à peu éclipsées au profit de la cupidité. Aujourd’hui, on ne retient que ce rôle.

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Il fut longtemps où les alchimistes étaient bannis, poursuivis et exécutés pour sorcellerie. On peut le comprendre, si quelqu’un pouvait changer le fer, le cuivre ou le plomb en or, les rois seraient devenus pauvres face à la fortune qu’aurait pu détenir un alchimiste et leurs royaumes seraient tombés.

Ainsi, les travaux de recherche des alchimistes se réalisaient dans le plus grand secret, ils utilisaient des pseudonymes et étaient aidés de serviteurs fidèles et discrets.

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L’un des plus grands alchimistes que le monde a connus a pourtant été l’un de leurs plus féroces pourchasseurs. Son nom vous est nécessairement connu, mais pour d’autres raisons que l’alchimie. Il est né en 1643, son nom, Sir Isaac Newton. Oui, le contemplatif des pommes tombant de l’arbre, l’inventeur des fluxions, le maitre de la gravitation universelle, le spécialiste de la lumière. Cet Isaac Newton était aussi alchimiste.

Sous le couvert de son travail qui consistait à être directeur de la Monnaie, il voulait éliminer toute menace de fausse monnaie dans le royaume de Sa Majesté d’Angleterre et des autres terres conquises, il s’employait à faire de multiples recherches en alchimie afin de prendre les vilains de court. Il a toutefois gardé cette activité très secrète et on imagine qu’il en aurait fait de même avec les pommes tombées de l’arbre philosophal.

L’alchimie aujourd’hui

J’affirmais d’entrée de jeu que l’alchimie existe et c’est vrai. En fait, l’alchimie a toujours existé, mais l’humain l’ignorait. Nul besoin d’une pierre philosophale pour transmuter un métal en un autre métal. Certaines lois de la Nature s’en chargent toutes seules. Le défaut est qu’on ne possède aucun contrôle sur les types de métaux créés et l’argent et l’or en sont exclus.

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Au sens strict où l’alchimie consiste à transmuter des métaux, celle-ci existe effectivement, mais on l’appelle plutôt radioactivité.

Effectivement, le cas de l’uranium U est peut-être le plus connu de l’alchimie moderne. Il se transmute en isotope du plomb 206 Pb ou 207 Pb dépendant si on avait affaire à l’isotope 235U ou 238U. Transmuter un produit dispendieux comme l’uranium en vulgaire plomb, ce n’est pas avec ce procédé qu’un gars deviendra Crésus! Mais indépendamment de notre cupidité qui cherche des transmutations préférentielles, la radioactivité est sans conteste une réelle transmutation métallique.

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Il existe tout un tas de transmutations différentes. Le plus souvent, chacune d’elles consiste en une cascade de mutations dont les constituants intermédiaires sont très instables et ne durent que peu de temps avant de muter à leur tour jusqu’à parvenir à un noyau stable.

Car le principe fondamental de la radioactivité est la désintégration d’un noyau atomique qui perd un ou plusieurs protons par fission. Petit rappel, le nombre de protons que contient un noyau atomique définit la nature de l’atome, bref son élément chimique. Quant à la quantité de neutrons qui s’y greffent, ils définissent l’isotope de l’élément chimique et la stabilité ou l’instabilité du noyau.

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Ainsi des noyaux d’uranium 235U ou 238U possèdent exactement le même nombre de protons, soit 92, mais diffèrent sur leur nombre de neutrons, 143 ou 146 pour un total de 235 ou 238 hadrons.

L’uranium 235 se désintègre avec une demi-vie de 700 millions d’années. L’uranium 238 se désintègre avec une demi-vie d’environ 4,5 milliards d’années. En analysant des échantillons de roches, on parvient à les dater très précisément en faisant l’inventaire des isotopes d’uranium et de plomb et en comparant les deux chaines de désintégration pour vérifier leurs correspondances.

Cette méthode a permis de connaitre précisément l’âge de notre bonne vieille Terre, soit 4,54 milliards d’années, n’en déplaise aux créationnistes et autres aficionados de la littéralité de certains textes.

L’or, bâtard!

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L’or contient 79 protons. Ainsi, par fission de noyaux, seuls les éléments en possédant plus sont habiletés à se transmuter en or. Le plomb est l’un d’eux, car son noyau contient 82 protons. Ainsi, les Anciens avaient vu juste en croyant la transmutation du plomb en or possible. Cependant, le plomb contient un noyau très stable. Il existe toutefois deux isotopes capables de se transmuter en mercure (Hg) ou en thallium (Tl) respectivement de 80 et 81 protons. On voit donc que l’or avec ses 79 protons ne se trouvait qu’à un petit saut de certains types de plomb. Cependant, aucun élément connu ne se transforme en or par radioactivité naturelle.

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La création artificielle d’or existe grâce aux accélérateurs de particules qui peuvent bombarder des noyaux de plomb jusqu’à obtenir le nombre de nucléons de l’or. Toutefois, les chances d’y parvenir sont si faibles et les coûts de fonctionnement si astronomiques que cette transmutation forcée s’avère totalement déficitaire.