La théorie de la relativité générale d’Einstein élaborée entre 1907 et 1915 est considérée comme étant la plus importante contribution d’un seul homme à la physique. Il reçut toutefois de l’aide de deux mathématiciens qui lui permirent de compléter son œuvre, Marcel Grossmann et David Hilbert. Cette théorie complexe nous présente un modèle sur la façon dont les objets déforment l’espace-temps pour, en contrepartie, faire bouger ces mêmes objets. Depuis, sa théorie tient bon contre tous les assauts, y compris les plus récents et les plus raffinés, dont l’expérience Microscope. Cette récente tentative cherche à prendre en défaut le postulat qu’a utilisé Einstein pour élaborer sa fameuse théorie.
Un postulat est une affirmation non démontrée servant de point de départ à l’élaboration d’une théorie. Dans le cas de la relativité générale, Einstein a postulé un principe d’équivalence entre lois physiques dans un référentiel tombant en chute libre dans un champ de gravitation et les lois physiques dans un référentiel inertiel.
On connait mieux la formulation suivante. Deux corps, quels qu’ils soient, tomberont de façon identique dans un même champ gravitationnel, peu importe leur masse ou leur densité.
L’expérience du satellite Microscope « Micro Satellite à traînée Compensée pour l’Observation du Principe d’Équivalence » consiste en deux cylindres imbriqués l’un dans l’autre faits de métaux différents, donc de densité différente. Si les deux cylindres tombent de façon identique dans le champ de gravitation, on ne constatera aucun changement dans leurs positions respectives. Dans le cas contraire, ils se déplaceront l’un par rapport à l’autre et le principe d’équivalence sera violé, mettant à mal la relativité générale, ce qui ouvrira la voie à établir une nouvelle théorie de la gravitation.
Pourquoi cette énième expérience sur le même sujet alors que toutes les précédentes se sont soldées par une confirmation du principe d’équivalence ?
Tout d’abord, pour affiner les mesures puisque Microscope est cent fois plus sensible que les précédentes expériences. Une différence pourrait alors être perçue par des accéléromètres là où elle aurait échappé aux expérimentations moins précises.
L’autre raison est encore plus fondamentale. Les deux piliers de la physique actuelle se détestent mutuellement. La chromodynamique quantique et la relativité générale semblent décrire deux univers différents alors qu’elles font partie d’un seul et même monde, le nôtre. Pourquoi le comportement de la matière se modifie-t-il si drastiquement aux très petites et aux très grandes échelles, demeure un mystère total et très dérangeant.
Pourtant, les deux théories résistent jusqu’à présent aux multiples tentatives de plus en plus raffinées visant à prendre en défaut l’une ou l’autre, sinon les deux. La dichotomie actuellement observée agace, frustre et embête les physiciens qui n’y voient qu’un moyen de progresser vers une vérité cachée sous-jacente. Mais les deux édifices théoriques tiennent bon, malgré l’inventivité des expérimentateurs. Par exemple, le satellite Microscope a permis jusqu’à présent de vérifier le principe d’équivalence jusqu’à une sensibilité de 2 x 10-14 (0,000 000 000 000 02) et on espère améliorer cette sensibilité d’un facteur 20 d’ici peu (1 x 10-15).
Même si le principe d’équivalence reste toujours valide, cette expérience permettra d’éliminer d’autres théories concurrentes. Si, par contre, des différences commencent à apparaitre, la théorie des cordes (actuellement repoussée dans les cordes du ring) pourrait prendre du gallon puisqu’elle prédit une différence très faible entre la masse inerte (inertielle) et la masse grave (en champ de gravité).
Il est important de comprendre que toutes les théories ne sont qu’une modélisation de notre Univers et non une représentation exacte de ce qu’il est. Les nouvelles théories émanent des ambiguïtés des précédentes. Il n’est pas dit qu’un jour nous ayons réponse à tout à partir d’une seule théorie unifiée. Par contre, notre compréhension actuelle du comportement de notre monde ne nous satisfait aucunement, malgré notre capacité de prédiction permise soit par la relativité soit par la chromodynamique quantique. C’est comme demander à papa de nous répondre lorsqu’il est question de sujets d’ordre cosmique et à maman lorsqu’on discute d’atomes et de ses constituants. On rêve du jour où nos parents règleront leurs différents une fois pour toutes. Cela pourrait s’avérer impossible, mais jusqu’à présent, on a toujours réussi à trouver un terrain d’entente. C’est seulement lorsqu’on affine le sujet de conversation que de nouvelles différences apparaissent. Cette divergence actuelle résiste aux assauts de millions de théoriciens et expérimentateurs depuis près d’un siècle. Jamais nos efforts n’ont été aussi nombreux et perfectionnés dans le but de faire mentir la gravitation ou son adversaire composé des forces nucléaires faible et forte ainsi que de la force électromagnétique.
La schizophrénie dont est atteint le monde de la physique finira, espérons-le, à être un jour guérie. Pour ce faire, d’autres expériences devront être effectuées avec des moyens toujours plus ingénieux afin d’atteindre des degrés de précision inégalés.
Photo : europe1.fr