J’écris occasionnellement à propos des dérèglements climatiques. Selon moi, ils sont inéluctables, et ce depuis un bon bout de temps.
Je me souviens de ces années avant que les climatologues l’avouent. On battait record sur record et pourtant ces spécialistes refusaient catégoriquement de prononcer le terme « dérèglement », car la moyenne des températures était globalement respectée, malgré d’importantes fluctuations en yoyo. Comme quoi la langue de bois n’est pas l’apanage des politiciens.
Aujourd’hui la cause est entendue, trente ans trop tard. À cette époque, ce sujet me tenait grandement à cœur. Maintenant j’ai jeté la serviette et je me prépare plutôt à subir les intempéries. J’ai acheté un véhicule capable d’affronter des conditions rudes. Bien sûr, il est plus gourmand que mes économes véhicules précédents, mais puisque le mal est déjà fait, je ne ressens aucune culpabilité. Je me suis placé en mode survie et mon véhicule en fait partie.
Ces dernières phrases sont lourdes de sens. Même si la planète entière cessait demain de brûler des énergies fossiles, même si nous changions tous subitement notre façon de vivre, les dérèglements climatiques surviendront quand même. À cause de l’effet hystérésis, changer nos comportements dès maintenant ne renversera pas la vapeur. La Terre a tout absorbé presque sans broncher, mais elle a atteint sa capacité maximale de rétention. Elle va basculer d’un état stable vers un autre état stable. Et croyez moi, on n’aimera pas du tout sa nouvelle température moyenne et les conséquences environnementales qui y seront rattachées. Il nous reste à vivre avec les effets occasionnés par nos décisions passés.
Alors que j’espérais encore, j’ai vécu une très mauvaise période causée par l’indifférence générale. Ça me tuait de connaitre les conséquences certaines de l’usage immodéré des hydrocarbures, du gaspillage indécent de toutes nos ressources et des efforts timorés, pour ne pas dire inexistants, en ce qui concerne la récupération-réutilisation-recyclage. Je craignais et je crains encore les effets conjugués de la croissance de l’humanité sur la planète. Toujours accroitre notre nombre sans rien dérégler d’important, qui peut croire à cette stupidité ? Ce temps où je gardais encore un certain espoir, où j’anticipais la prise en charge de notre avenir par les politiciens, le temps de cette belle utopie est bien révolu.
Aujourd’hui je constate nos stupidités encore bien présentes et je souris. Je souris aux gens surpris par les effets qui commencent à devenir dévastateurs. Je souris de leur naïveté pathétique. Je souris en sachant que ce n’est que le début. Je souris en les voyant encore confiants de pouvoir continuer leur petite vie sans rien changer, comme si la terre n’a qu’un rhume passager. Je souris à leurs malheurs subits et imprévisibles alors qu’ils étaient tellement prévisibles. Je souris de les voir se justifier bêtement pour leurs inactions. Je souris en imaginant leur tête lorsque la suite sera tellement pire. Je souris de leurs pleurs coupables. Je souris de leur désarroi niais. Et je sourirai lorsqu’ils perdront tout.
Je ne rirai pas vraiment de leurs malheurs, mais je serai insensible aux pertes qu’ils subiront. Je ne me moquerai pas d’eux, mais je les laisserai pleurer sans broncher. Je sourirai en pensant que tout cela était évitable, que chaque humain avait la capacité de comprendre depuis longtemps les conséquences actuelles et futures. Je sourirai en empruntant un rictus mi-désabusé mi-accusateur. Je sourirai de ce fiasco global. On peut s’émouvoir du malheur de quelques individus, on ne peut pas s’émouvoir de milliards de cas semblables. Il ne reste plus qu’à sourire pour se donner le courage de traverser les pires événements en latence. Sourire pour éviter de sombrer dans la folie.
Je réponds ici à Sylpheline dont son commentaire s’est perdu dans les méandres du web entre mon téléphone et mon ordi. Tu me demandais ce que signifiait le mot hystérésis que j’utilisais dans l’article.
Bien des gens croient que les choses se passent linéairement. Si on émet six milliard de tonnes de GES par an et que la température n’augmente que d’une infime fraction de degré par an, on peut continuer encore longtemps avant que la température devienne vraiment chaude, on a donc le temps de voir venir,
Malheureusement, cette analyse est totalement fausse. La Terre ne réagit pas linéairement parce qu’elle possède la capacité de stocker les GES. Durant tout le temps qu’elle accumule, la température monte à peine. Par contre, lorsque sa capacité de stockage limite sera atteinte, la température s’emballera jusqu’à une autre valeur d’équilibre qu’on ignore. Et une fois le basculement effectué, même si on cesse toutes les émissions, même si on augmente le piégeage des GES, la température ne diminuera pas pour autant. Il faudra attendre des centaines, voire des milliers d’années avant qu’elle ne rebascule vers le bas, à ce qu’on connait maintenant.
Cet effet combiné d’accumulation relativement passive suivie d’un basculement subit, puis du même comportement en sens inverse, c’est une hystérésis. Le lien avec l’hystérie se comprend bien. Une personne accumule les frustrations en silence jusqu’à une crise d’hystérie qui la rend hord de contrôle.
Le problème est que personne n’a le goût de voir à quoi ressemblera la Terre lorsqu’elle nous pétera une crise et qu’elle cherchera une nouvelle température d’équilibre. Eh ! En passant, ça s’en vient !
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Malheureusement, l »espèce humaine manque de lucidité et vit dans l’aveuglement par peur ou par indifférence. Quelqu’un, à qui je demandais si ce qui se passait l’inquiétait pour l’avenir de ses enfant, m’a répondu: « C’est pas grave, nos enfants vont tout arranger ça. » ! À penser ainsi, il ne restera plus rien à « arranger ».
Merci pour cet article.
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Égoïsme et étroitesse d’esprit à leur paroxisme.
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Oui, sourions devant l’adversité. Mais dis-moi mon Corbot, qu’est-ce que l’effet hystérésis ? Un concentré d’hérétiques ou d’hystériques ou d’hystériques affolés devant cette hérésie, et condamnés quoi qu’il advienne, par les crises multiples qui vont s’enchaîner ?
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C’est tellement vrai!!!! Mais si triste! L’humain apprend lentement et fort mal!
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Sourions tous ! Nous nous en porterons mieux, sans blague. 😀
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