Une auberge de Corbot

Je poursuis ma série d’articles sur mon séjour dans Charlevoix au Québec avec un arrêt à l’auberge L’Estampilles à Baie-Saint-Paul. Le «s» final est voulu… pour des raisons obscures de… numérologie! Enfin! Je ne commenterai pas!

L’Estampilles est une charmante auberge comportant onze chambres de quatre catégories différentes nichée sur la rue Cap-aux-Corbeaux à Baie-Saint-Paul. Évidemment, je ne pouvais rater l’occasion de m’y arrêter, ne serait-ce que pour constater si l’auberge les considère à leur juste valeur!

Toujours sans réservation, je rencontre l’actuel gérant, Régis Barthe qui, malgré la haute saison, réussit à me trouver une chambre. Je me doute bien que, dans ces circonstances, soit il me logera dans la moins dispendieuse, soit l’inverse. Oui, j’ai déjà dormi dans la chambre du Premier ministre canadien au Château Laurier à cause de circonstances semblables.

De fait, j’obtiens la plus modeste de toutes qui, pourtant, s’avère très spacieuse, est équipée de tout le confort moderne, est superbement meublée et décorée avec grand goût. Ici, pas de rusticité, rien de sorti des boules à mites, que du noble comme en témoignent les planchers pur chêne, les abat-jours en verre soufflé, les meubles sélectionnés avec goût et la literie en percale la plus fine.

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Régis Barthe, natif de Perpignan, est arrivé à Charlevoix en 2009. Déjà il se démarque dans la région grâce à sa solide expérience en tant que chef cuisinier et chef pâtissier. Son menu est bien ficelé et sa technique parfaite. J’ai eu le privilège de diner au restaurant intégré à l’auberge et je peux vous assurer que l’expérience en vaut la chandelle. Les quatre services vous emportent sinon au septième ciel, du moins au ciel de Charlevoix. Sans fioritures inutiles ni titres ronflants, ses plats mettent l’accent sur le bon goût au sens propre.

Des rouleaux impériaux dignes de marabouts, une vichyssoise avec un accompagnement-surprise, un fondant de porc confit fait de joues parfaitement cuites, un gratin dauphinois céleste et des asperges juste à point. Comme dessert, un nougat aux saveurs subtiles d’érable et aux textures aériennes.

Le fameux accompagnement-surprise de la vichyssoise est un petit verre de vin de tomate. Ce liquide dont je lui réserve un article indépendant accompagne la soupe à la perfection et permet de faire le chabrot. Cette tradition occitane consiste à rincer le fond d’un bol de soupe avec un alcool afin de ne rien perdre. On se donne bonne conscience en ne perdant rien tout en augmentant un peu son taux d’alcoolémie. J’adore.

Malgré ses obligations diverses et nombreuses, car lui aussi souffre de la pénurie de personnel généralisée, j’ai eu le plaisir de discuter assez longuement avec Régis, un homme à l’image de son pays d’origine, un peu exubérant, fier et déterminé. Mais ce qui définit Régis par-dessus tout est sa passion débordante pour son travail et son dévouement total envers sa clientèle. Un homme d’une autre époque, pourrait-on dire. Je dirais plutôt un exemple venu d’un autre monde. Il nous prouve l’existence rare, mais persistante, d’une façon de vivre peut-être en voie d’extinction dans ce domaine d’affaires, le professionnalisme amoureux.

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De plus, Régis s’est parfaitement intégré à sa région d’adoption et il en parle comme s’il y était natif. On serait tenté d’y croire si ce n’était de son accent du Languedoc toujours bien présent et maintenant fleuri de plusieurs mots et expressions purement québécois. Le mélange des genres s’avère plein d’heureuses trouvailles sémantiques.

Je vous recommande cette auberge sans réserve, mais pas sans réservation. Il faut être un peu Corbot pour venir s’y poser sans l’annoncer, surtout si vous venez de pays lointains. Malgré la réalisation de certains miracles, Régis reste totalement humain et c’est tant mieux. Un sauna, un spa, un bar, une table de billard et de la bonne humeur vous y attendent dans un cadre enchanteur. Bon séjour!

Carpe diem

Le gite

La ville de Baie-Saint-Paul dans Charlevoix au Québec est prisée pour ses magnifiques paysages qui attirent bien des artistes s’établissant à demeure. Leur présence a fait pousser une panoplie de galeries d’art et quelques bons restos. Le tourisme se nourrit de tout cela et la boucle est bouclée.

J’y suis actuellement en vacance, une habitude délaissée depuis plusieurs années que je tente de renouer. Cette région du Québec m’a toujours beaucoup attiré et je vous expliquerai pourquoi une autre fois. Lorsque je pars en vacances, je le fais toujours sur un coup de tête et cette fois-ci n’a pas fait exception. Sans réservation en haute saison, je m’y attendais, entamer la recherche d’une chambre à 17 h risque de se solder par un échec. Qu’importe, la spontanéité possède ses inconvénients et je suis prêt à les subir pour profiter de ses avantages.

Après de multiples appels, les réponses se ressemblent toutes. Une femme m’a cependant suggéré d’appeler un gite situé à une quinzaine de minutes de Baie-Saint-Paul et qui, pour cette raison, risque d’avoir une vacance. Et, effectivement, les propriétaires du gite Carpe Diem me proposent une chambre à prix raisonnable.

Perdu dans un endroit où on ne se rend jamais sans raison, dans un rang longeant deux flancs de montagnes, dans un lieu où vivent tous les animaux de la forêt et très peu d’humains, on retrouve évidemment une petite église de fond de campagne. Nos origines religieuses se retrouvent partout et surtout dans ces régions où autrefois l’on sanctifiaient tous les noms de villages, de rivières, de montagnes, de rues et de patronymes.

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Quant au gite, il est à la hauteur de mes attentes, c’est-à-dire calme, chaleureux, loin de tout et modeste. Je ne suis pas du genre à courir les Marriott et autres grands hôtels impersonnels. Je préfère la compagnie des quelques chattes et poules en liberté qui me tournent actuellement autour que des poules de luxe et des chattes de bars.

Pas de télé, une guitare accrochée au mur, un piano droit, quelques invités discrets venus principalement des Europes, j’en profite pour écrire mes impressions à la lueur blafarde d’une lampe de salon provenant d’une autre époque, comme tout ce qui compose le mobilier et la décoration.

J’ai l’impression de me retrouver au cœur des années 1800 avec la dentelle fine accrochée aux fenêtres, le rustique poêle à bois trônant fièrement dans un coin du salon, les lits aux têtes en fer forgé et le bois partout, omniprésent. Le gite dégage une atmosphère chaleureuse et apaisante, exactement ce dont les vacanciers ont besoin pour terminer sur une bonne note leur excitante journée passée à courir après les baleines, à gravir les sentiers escarpés du parc des Grands jardins ou plus simplement à dévaliser les boutiques du cœur de la ville, à rendre visite à quelques artistes-peintres de la région ou à gouter aux étonnants produits du terroir directement chez les producteurs.

La deuxième autoroute

La route pour se rendre au gite longe une autoroute de fils électriques perdue au beau milieu de la forêt. Ce sont des lignes à haute tension amenant l’hydroélectricité produite à Manicouagan et à la Romaine jusqu’aux consommateurs plus au Sud. Deux séries de trois pylônes se partagent la charge. Ils vont éventuellement bifurquer pour rejoindre l’une ou l’autre des grandes villes québécoises.

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Bien entendu, le passage du courant à très haute tension sur d’aussi longues distances ne s’effectue pas sans produire d’énormes balafres à la forêt. Moins que la coupe systématique des arbres sous les pylônes, ce sont ces géants plantés en pleine nature qui défigurent le plus la beauté des lieux autrefois vierges.

C’est notre tribut à payer pour assurer notre mode de vie moderne et technologique. Ce prix me parait relativement raisonnable, compte tenu des avantages qu’offre cette énergie relativement propre, même si nous la transportons sur d’énormes distances et que nous devons nous taper la vue de ces rangées incessantes des géants évidés qui jalonnent la verte autoroute sur des milliers de kilomètres. Heureusement, la vue à partir du gite est exempte de ces plantations modernes.

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Demain, direction L’Isle-aux-Coudres et ses attraits poétiques, gastronomiques et historiques. Je vous tiens au courant, car je dois terminer ici la rédaction de cet article. Il me reste une chose à faire avant de plonger dans le lit qu’on me prête pour la nuit: carpe diem.