Catena et cousinage

Cousins
Les Québécois et les Français se considèrent souvent comme étant des cousins. Provenant majoritairement de la Bretagne, plusieurs individus ont bravé une longue et éprouvante traversée pour prendre pied et pays en Nouvelle-France.

Plusieurs siècles plus tard, nous continuons de partager une langue commune, plusieurs artistes et autres personnalités. Aujourd’hui et depuis très longtemps, les descendants de ces premiers colons ne forment pas, ni n’appartiennent à la diaspora française. Les Québécois de « souche » forment un peuple individuel et bien que leurs racines furent autrefois plantées en France, les boutures nord-américaines ont créé leur propre espèce, leur propre nation.

Catena
Le mot « catena » provient du latin. Il signifie « chaine ». Son pluriel est « catenae ». Ne jouez pas ce mot au scrabble, il n’apparait pas dans les dicos standards. Cependant, l’Union astronomique internationale (UAI) l’utilise officiellement pour désigner une chaine de cratères d’impact (astroblèmes) ou de dépressions causées par un même phénomène.

On se souvient de la catena causée sur Jupiter après la dislocation de la comète Shoemaker-Levy 9 en 1994. Sur Terre, la plupart des astroblèmes ont disparu. Moins de 200 sont recensés. Dans ces conditions de déficit, les catenae reconnues sont encore bien plus rares.

Œil du Québec
Ainsi surnommé, l’immense astroblème de Manicouagan a été daté de 214 (± 1) millions d’années. Il est répertorié au cinquième rang de tous les astroblèmes terrestres avec ses 100 km de diamètre. Il a été formé par la chute d’une énorme météorite d’environ 4 à 5 km de diamètre et on la soupçonne même d’avoir été l’une des causes potentielles de l’extinction Trias-Jurassique.

Paléogéographie
C’est la discipline scientifique consistant à reconstituer la position des continents sur le globe au fil des ères géologiques. Sachant maintenant que toutes les terres se déplacent les unes par rapport aux autres, il est possible de reconstituer ces puzzles du passé grâce à plusieurs évidences dont le paléomagnétisme imprégné dans les roches constituant les sols d’origine.

La paléolatitude de l’astroblème de Manicouagan à l’époque de l’impact a été évaluée à 22°8′ dans l’hémisphère nord.

Rochechouart
Cette commune française située en Nouvelle-Aquitaine possède également un gros astroblème de 20 km de diamètre nommé Rochechouart-Chassenon. Il a été causé par la chute d’une météorite d’environ 1 km de diamètre. La collision remonte à peu près à la même époque que celle de Manicouagan. De plus, les deux paléolatitudes coïncideraient.

Est-ce une catena ?
Alors, ces deux cratères d’impact forment-ils une catena ? On l’a longtemps cru puisque les différentes datations en tenant compte des marges d’erreur pouvaient le laisser supposer. Cependant, les datations modernes disent peut-être le contraire. La plupart des méthodes utilisées donnent au cratère de Rochechouart-Chassenon un âge plus jeune que Manicouagan, soit de 180 à 206 millions d’années dans le meilleur des cas. On reste tout de même assez éloigné du 213 ou 215 millions d’années de l’œil du Québec.

Faux cousins
Comme les peuples français et québécois, ces deux astroblèmes géants ne sont peut-être que de faux cousins. Il faudrait peut-être encore affiner les datations afin de s’en assurer. Quoi qu’il en soit, que ces deux astroblèmes aient une origine cosmique commune ou non, nous partageons cependant une réalité similaire. Quelque part sur notre territoire, à peu près à la même époque, le ciel nous est tombé sur la tête. Pas étonnant d’être les uns comme les autres de vrais descendants des Gaulois.

À propos d’écoanxiété

Le premier ministre du Québec, monsieur Legault, soulignait durant son passage à la COP26 qu’il n’était pas anxieux, et ce malgré l’alerte lancée par le GIEC qui considère que nous sommes rendus à « minuit moins une » pour sauver l’humanité des changements climatiques.

Comment peut-on interpréter cet optimisme presque débordant ?

Peut-être qu’en bon père de famille, il veut se montrer rassurant et protecteur. En bon général, il tient à garder haut le moral de ses troupes.

Mais quand la maison brûle, le temps des sourires pepsodent n’a plus sa place. Sans paniquer, l’anxiété est certainement de mise afin de prendre les bonnes décisions sans encore une fois les reporter.

Ne pas être anxieux dans des conditions semblables s’apparente dangereusement à du scepticisme. Si M. Legault voulait être un premier ministre responsable, il demanderait à toute la population de cesser de prendre l’évolution du climat à la légère.

Bien sûr, quand une maison brûle, un bon père de famille extrait ses enfants du brasier pour les emmener en lieu sûr. Dans la situation actuelle, il n’y a pas d’autre endroit sécuritaire où nous évacuer. Puisque le réchauffement sévit à la grandeur de la planète et qu’on a oublié de s’équiper d’une planète de sauvetage, on ne peut que passer d’un brasier à un autre et c’est la raison pour laquelle il faut absolument devenir anxieux et même angoissé.

Quand on pourra se réfugier ailleurs que sur Terre, mon écoanxiété diminuera d’un cran. D’ici là, que personne ne vienne me dire qu’elle n’a pas sa place, qu’elle est exagérée ou qu’elle est contreproductive.

Monsieur Legault, si vous voulez vraiment agir en bon père, en bon citoyen et en bon premier ministre, il est plus que temps de devenir anxieux et de le faire savoir à la planète entière pour enfin assumer le leadership que personne ne veut, celui du sauvetage de l’espèce humaine.

Photo d’entête : PHOTO D’ARCHIVES STEVENS LEBLANC

Le salon Clandestin

Ce samedi 4 septembre se tenait le salon Clandestin, un petit salon du livre sans prétention tenu à l’extérieur sur les magnifiques terrains d’une « cabane à sucre » au mont Saint-Grégoire en Montérégie (banlieue de Montréal).

Cet événement était organisé par un groupe privé Facebook, celui des Lecteurs-Lectrices de Fantasy-Fantastique.

Les exposants apportent leur table pliante, leur nappe, leurs présentoirs et leurs livres. Ils les disposent de chaque côté d’un petit chemin qu’empruntent les lecteurs en quête de trouvailles.

Je m’y suis présenté pour la toute première fois en tant qu’exposant. Mon recueil de nouvelles, « Scénarios de fins du monde 1 », correspond aux critères de ce groupe de lecture puisque plusieurs textes sont de nature fantastique tout en ayant pour la majorité d’entre eux un côté, à l’évidence, horrifiant.

La journée fut magnifique, sa température clémente avec son soleil généreux d’une luminosité préautomnale. Les feuilles, pas celles des livres mais des arbres, toujours accrochées aux branches, ont déjà commencé à adopter quelques teintes plus éclatantes que les érables à sucre finiront bientôt par faire exploser en une orgie de couleurs aux imitations réussies d’un gigantesque feu de forêt.

Ces moments quasi magiques furent ponctués de belles rencontres avec des lecteurs enthousiastes et des auteurs dont nous partageons une passion commune, l’écriture. La photo d’entête montre quelques-uns des auteurs-autrices présents durant ce salon vraiment original. Je fais partie de ce collectif sur cette photo. Pour ceux qui me connaissent, prière de ne pas dévoiler mon identité.

J’ai discuté avec deux étudiants amoureux de la lecture, Nathaniel et Li-Anne. Je les ai revus un peu plus tard. J’en ai profité pour leur donner deux livres, SFM1 et DOW. Je sais combien il est difficile de se procurer des livres lorsqu’on promène encore ses fesses sur les bancs d’école. Étrangement, ce geste fut pour moi l’événement le plus satisfaisant de ma journée, plus que mes ventes.

Je remercie également Johanne qui m’accompagnait et tenait le fort (pas dans le sens « bouteille de scotch » du terme) durant mes absences.

Expression québécoise — 9

Lorsque je présente des définitions d’expressions québécoises, elles ne sont pas issues d’un quelconque lexique. Je les explique en contexte selon ma façon personnelle de les comprendre et de les utiliser. Et ne vous laissez pas prendre, malgré sa numérotation, cet article constitue le dixième de la série. Pour les lire tous, rendez-vous sur cette page.

En ce temps de magasinage pour le temps des Fêtes, on voit éclore un nombre record d’une espèce qui se fait un peu plus discrète le reste du temps. Malgré qu’elle sévisse en toutes saisons, il semble que la fin de l’année soit particulièrement propice à la rendre présente. Eh non ! Il n’est pas question des poinsettias. Ce dont je veux vous entretenir aujourd’hui est une sous-espèce de l’espèce humaine, le « taouin ».

L’expression québécoise complète prend généralement la forme « espèce de taouin ! ». On peut facilement imaginer que le sens d’un mot suivant « espèce de… » n’est pas vraiment un compliment et « taouin » ne fait pas exception à cette règle.

Le taouin se démarque de ses synonymes que sont : benêt, cancre, nigaud, imbécile, crétin, âne, stupide et même idiot. Dans plusieurs de ces cas, on peut blâmer la génétique de ne pas avoir favorisé le candidat. Dans d’autres, c’est l’éducation déficiente qui devient la cause des imbécillités commises. Pour le taouin, rien de tout cela, car le taouin est relativement intelligent de nature, la preuve est qu’il agit plutôt intelligemment envers lui-même. L’idiotie s’accapare du taouin dans ses relations envers les autres, puisque sa conscience sociale se situe très loin sur l’échelle des valeurs négatives. Voici quelques cas récents en rapport avec les parkings de centres commerciaux.

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Il y a ceux qui se sont stationnés n’importe comment, qui occupent deux places alors qu’à ce moment-ci de l’année, elles manquent cruellement. D’autres attendent de longues minutes près des portes, bloquant le passage des clients et la circulation des véhicules en espérant trouver une place à trois pas des portes. Hey, le taouin ! Tu vas faire 10000 pas en dedans et tu ne veux pas en marcher plus de 10 à l’extérieur ? D’autres, tout aussi bas sur l’échelle de la stupidité, tournent vingt minutes en rond afin d’obtenir le même résultat que le sédentaire. Deux minutes auraient suffi pour choisir une place plus éloignée et parcourir la distance le séparant des portes, mais ce faisant il n’aurait dérangé personne, tandis qu’en arpentant les allées durant vingt minutes, il est certain d’augmenter considérablement les risques d’accrochage, les taux de frustrations et de pollution. 

D’autres taouins abandonnent leur panier d’épicerie dans le stationnement plutôt que de le ramener dans l’enclos le plus proche. Résultat, le vent le charrie jusqu’à percuter violemment la portière d’une autre auto. Il existe aussi le taouin pilote de course qui roule dans les allées à la vitesse d’un jet en défrisant toutes les vieilles dames au passage. On a le taouin qui fonce sur tout ce qui bloque ou qui ralentit sa progression. Ça m’est arrivé l’autre jour alors que je traversais le passage piétonnier séparant les portes du parking. Je sentais que le taouin voulait absolument passer avant moi alors que ma progression était déjà bien entamée. J’ai failli me faire écrabouiller, mais les taouins ne m’intimident plus depuis bien longtemps, même lorsqu’ils tiennent un volant. Les sachant intelligents, ils finissent par se dire que s’ils m’écrasent, ça leur causera un tas d’ennuis. Bien sûr, à leurs yeux, je ne vaux toujours rien. Il est bien difficile de changer leur façon de penser. Il suffit par contre qu’ils appréhendent des problèmes pour eux-mêmes et leur comportement se modifie.

En réalité, le taouin est un asocial agissant idiotement dès qu’il se retrouve en société. Il est égocentrique, excessif, violent, il déteste tout le monde, il n’a aucune tolérance, il croit évidemment être la personne la plus importante au monde et surtout, il pense que toute la planète devrait agir en conséquence.

« Espèce de taouin » est une expression qu’on pense intérieurement ou qui est souvent exprimée à voix basse à cause de l’insulte implicite. Pourtant, elle décrit parfaitement le misanthrope sorti de sa cage pour venir infester la vie des autres.

Le taouin pense qu’on ne l’aime pas et il a parfaitement raison puisqu’il peut facilement exaspérer vingt personnes par jour. Si la société n’était pas aussi civilisée, le taouin ne pourrait survivre plus d’une saison des Fêtes. Le taouin profite de la tolérance des gens pour continuer ses incivilités, car peu de gens ont le courage de lui dire en pleine face qu’il est une « espèce de taouin ».

Pourtant, c’est la seule façon de réduire leurs impacts négatifs. Il faut qu’ils sachent ce qu’on pense réellement d’eux et de leurs façons d’agir en société. Je vous propose d’oser leur faire connaitre votre opinion en vous écriant « espèce de taouin ! » le plus souvent possible.  Voici quelques façons de l’exprimer selon votre degré de confiance en vous ou de patience envers eux.

Méthode : Un certain doute. Vous ne le dévisagez pas, vous continuez de faire vos activités et vous lâchez « espèce de taouin » d’une voix faible, mais compréhensible, en prenant un ton exaspéré. Cette méthode a l’avantage de laisser planer un doute sur le destinataire véritable, mais en y réfléchissant, il comprendra qu’il était visé. Entretemps, vous aurez déguerpi.

Méthode : Le prof. Vous regardez le taouin dans les yeux, vous faites « non » de la tête en lui disant « espèce de taouin » sur un ton calme et dépourvu de colère, mais à la limite de votre patience. Non dépourvue de tout risque, cette méthode franche et directe permet de lui faire savoir le fond de votre pensée sans ambiguïté, mais d’un ton professoral. Si toutes les personnes frustrées par lui dans sa journée lui disaient « espèce de taouin » sur le mode éducatif, il changerait assez rapidement de comportement.

Méthode : J’en peux pu. Vous gueulez « ESPÈCE DE TAOUIN ! » le plus fort possible en espérant qu’il ne vienne pas vous casser la gueule. L’avantage est la clarté du message et de votre degré de colère à son égard. En revanche, cette méthode comporte le plus de risques. Et pourtant, elle n’apportera pas nécessairement les meilleurs résultats, mais elle fait tellement de bien !

Il existe plusieurs autres méthodes comme la condescendance, le colonel, le boomerang, l’idiot et l’humoriste.

À mon humble avis, l’humour ne fonctionne pas avec le taouin. Il l’utilisera à son avantage pour dédramatiser son comportement en y trouvant une bonne raison de continuer à agir de la sorte. Il se dira que si son comportement vous fait rire, c’est la preuve qu’il n’y a rien de bien grave. Seule l’exaspération sous une forme ou une autre permet d’en avoir raison.

On peut croire, et c’est exact, que le taouin se rencontre plus souvent chez le mâle que chez la femelle. Toutefois, avec l’égalité des sexes, le nombre de taouines effectue une remontée assez spectaculaire.

Il existera toujours des taouins puisque nous agissons tous parfois de cette façon. Habituellement, nous reconnaissons nos torts et nous tentons de ne pas récidiver. En ce qui concerne le taouin, c’est exactement l’inverse. Il cherche à commettre le plus grand nombre de stupidités jusqu’à ce que la société l’en empêche ou le remettre à l’ordre.

Voilà pourquoi c’est si important de leur dire sans gêne et sans crainte : « Espèce de taouin ! »

Q comme dans Québec

Voici donc le douzième article traitant d’une lettre et d’un mot commençant par celle-ci. Vous trouverez tous les autres articles à cette adresse.

Puisque le nombre douze est important dans l’histoire des humains, je lui accorde une lettre mal-aimée, le pauvre Q.

À la petite école, j’ai appris à nommer cette lettre « que » [kǝ]. Si on n’osait même pas prononcer son vrai nom [ky] à cause d’un homonyme vulgaire, ça commençait plutôt mal pour elle. Même sa calligraphie était altérée. Je me souviens des lettres majuscules et minuscules tracées entre deux lignes. Le Q majuscule était devenu une sorte de 2 pédant cherchant à faire disparaitre la queue du cul.

En phonétique, le q se prononce [k] comme la lettre k, comme dans Québec. C’est à se demander à quoi il sert si ce n’est de quelques prononciations distinctes du groupe « qu » comme dans les mots équations ou quartz [kw]. Il peut également prendre la forme [ku] (cou) comme dans le mot équilatéral.

En français, on lui adjoint systématiquement la lettre u, comme si un q ne peut rien faire seul. Je ne démentirai pas cette supposition.

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Dans le dictionnaire épuré de ses sigles, des 485 mots commençant par un q, seulement 6 n’ont pas un u en deuxième place et parmi ceux-ci on retrouve le q lui-même, l’abréviation qqch., l’acronyme QWERTY et Q-mètre, un appareil mesurant le facteur de qualité des bobines afin de connaitre le déphasage du courant qu’elles induisent dans des circuits électriques. Ne restent que 2 mots étrangers, qat et qi gong. Dans tous les mots de langue française, un u (un nu) vient à la rescousse du q (cul).

Plusieurs mots commençant par cette lettre tirent leur origine du chiffre quatre. Je dénombre exactement quatre-vingts mots commençant par la racine quad-, quarante-six dont le début est quart- et vingt-trois autres avec la racine quatr-. Seuls deux mots n’étant pas des abréviations, des sigles ou des composés se terminent par un q, le cinq et le coq.

En mathématique, le ℚ représente l’ensemble des nombres rationnels, c’est-à-dire les fractions (quotient). On voit souvent la forme « p/q » pour désigner une fraction quelconque où p et q sont des nombres entiers.

En minuscule, q est le symbole de l’unité de mesure du quintal valant cent kilogrammes. Autrefois, au Québec, avant notre adhésion au système métrique, un quintal valait 112 livres, à peine plus de la moitié d’un quintal métrique (220,5 livres).

Aucun symbole d’élément chimique ne commence ni ne contient un q. Cette absence est unique dans le tableau périodique. Le becquerel, une unité de mesure de l’activité nucléaire du système international utilise le symbole Bq. Au Scrabble, la lettre Q vaut 8 points sur un maximum de 10.

Dans l’avenir, le mot commençant par un q qui changera nos vies à tout jamais, est qubit. Il est formé du mot bit que tout le monde connait et de la racine qu- pour quantique. Qubit est donc un bit quantique, l’unité de calcul avec laquelle fonctionnent les ordinateurs quantiques.

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La province de Québec tire son nom d’un mot algonquin signifiant « là où le fleuve se rétrécit ». Cet endroit correspond à l’actuelle ville du même nom, capitale de la province. La façon d’écrire ce mot amérindien a beaucoup changé avant de se stabiliser. Qvebecq, Quebeck, Kebbek et Kébec ont tous été antérieurement utilisés.

Aujourd’hui, au Québec, « tout commence par un Q et finit par un bec », dixit l’indépendantiste Pierre Bourgault dans les paroles de la chanson « Entre deux joints » de Robert Charlebois. Si le Québec parvenait à son indépendance, il serait le deuxième pays dont le nom commence par un Q, l’autre étant le Qatar.

Dans le langage de l’OTAN utilisé en aviation et à bien d’autres endroits, la lettre Q est justement représentée par le mot Québec habituellement prononcé à l’anglaise [kw].

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On définit souvent les Québécois comme des gens imaginatifs, artistiques et complexés. Évidemment, cette courte description ne peut qu’être réductionniste, mais elle me parait dans l’ensemble plutôt juste. Nous craignons le jugement des autres peuples. La critique nous atteint facilement et profondément.

La nation évolue à grande vitesse depuis les années 1960, depuis notre révolution tranquille, et elle ne cesse de se transformer. Un grand défi est de conserver notre côté « tissé serré » tout en accueillant généreusement les gens provenant de l’immigration. Étant noyés dans une mer d’anglophones partout autour de nous, notre sensibilité face à notre culture nous rend naturellement craintifs. Et pourtant, nous sommes un peuple très pacifique et particulièrement fier de l’être. 

Évidemment, cet article ne prétend pas décrire le Québec et les Québécois en long et en large. Je tiens cependant à souligner qu’entre ces deux mots commençant par un q, nous préférons largement le premier au second. La qualité avant la quantité, cela aussi est une assez bonne façon de décrire la moyenne des Québécois.

Pour terminer cet article parlant de q, s’il parait vulgaire, sans lui, que serions-nous ? Certainement un k désespéré.

Papiers d’amours

Le papier et l’amour partagent plusieurs aspects. Tous deux peuvent être vierges, fragiles, sensibles, mais ils peuvent également être froissés, coupants et acides.

Aujourd’hui, il ne sera question que du beau côté du papier. Vous êtes amoureux des beaux papiers ? Alors cet article s’adresse tout particulièrement à vous, car les joyaux que je m’apprête à vous montrer sont remplis d’amour et sont nés pour écrire l’amour. Je vous parle des papiers sortis tout droit de la Papeterie Saint-Gilles.

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Je me trouve de nouveau à Saint-Joseph-de-la-Rive dans le comté de Charlevoix au Québec sur le bord du majestueux Saint-Laurent. Saint-Joseph-de-la-Rive est construite sur un étroit cordon de terre en ayant le massif montagneux des Éboulements dans son dos et les battures à ses pieds. C’est à cet endroit que l’on retrouve l’étonnante papeterie Saint-Gilles. Dire qu’elle fait dans l’artisanal, c’est peu dire. Cette papeterie ne vend que du papier entièrement fait à la main, à base de coton et de… fleurs cueillies en ces lieux. Quant au coton lui-même, il provient de la récupération effectuée à des usines où certaines fibres s’avèrent inutilisables pour la confection de tissus. En récupérant ces mal-aimés, la papeterie obtient sa principale matière première, l’industrie cotonnière des revenus supplémentaires et des déchets en moins. Le deuxième intrant est constitué de fleurs, trois sortes indigènes intégrées à la pâte avant l’étape du calandrage.

Les produits issus de leur procédé artisanal vous transportent à une autre époque, au temps où l’on se plaisait à écrire sur une surface vivante et souple créée exclusivement pour y imprégner des mots importants dont leur rôle consistait à rester indélébiles.

L’écriture; les mots; chaque lettre déposée sur ce papier revêt une importance impossible à reproduire et peut-être impossible à comprendre lorsqu’on n’écrit qu’à l’ordinateur. Sur ce papier, il faut penser longuement avant d’écrire, on n’écrit donc pas n’importe quoi. Les mots redeviennent précieux et occupent une place unique sur cette surface ne supportant pas l’erreur.

Les papiers Saint-Gilles nous replongent aux bases de l’écriture qui est d’écrire le plus joliment possible une pensée à transmettre à la postérité. Transmettre du savoir, transmettre des idées, transmettre des sentiments, déclarer son amour. Les papiers Saint-Gilles s’y prêtent à merveille. Personne ne peut rester insensible à un mot, à un billet, à une lettre, à un poème écrit sur ce papier déjà lui-même plein d’amours. L’atelier produit aussi du papier à aquarelle et acrylique pour ceux préférant les mots plus imagés et colorés.

Mon histoire avec cette papeterie date de très longtemps. Je ne rate pas une occasion de m’y arrêter lorsque le vent me transporte dans ce merveilleux coin de pays. Trop peu fréquentes, ces visites, mais Montréal ne se trouve malheureusement pas à proximité.

En tête de cet article, vous pouvez admirer mon tout nouveau cahier de poésie, une œuvre splendide disponible en deux teintes de papier et en plusieurs saveurs de fleurs. Il serait hasardeux pour moi de vous promettre de ne rien écrire de noir dans ce beau cahier, puisque l’encre possède souvent cette teinte et que je suis un Corbot. J’essayerai toutefois de lui réserver les moins méchants de mes poèmes.

Ne soyez pas si surpris ! Oui, je compose des histoires d’amour qui ne finissent pas toujours par une fin du monde. Un Corbot ne croasse pas incessamment, parfois il parvient aussi à décrire des moments heureux. N’est-ce pas le cas pour cet article à propos des papiers Saint-Gilles dont je suis amoureux ? Voici donc un éventail de ces œuvres papetières, toutes 100 % coton, si on fait abstraction des insertions florales.

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Dans l’ordre habituel. Les deux premiers papiers « Blanc pur fil » et « Vieux parchemin » sont exempts de fleurs. On poursuit avec « Fleur bleue » et « Chant d’été » ornés de phragmite et de salicaire.

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Viennent ensuite « Épervière » et « Charlevoix » agrémentés, on s’en doute, d’épervière et enfin le « Salicaire mauve ».

Faut-il le spécifier, ces papiers resteront intacts au fil du temps. Alors, quoi de plus romantique qu’une noble déclaration d’amour inscrite sur un papier qui l’est tout autant !

Pour les arts picturaux, les papiers sont disponibles dans les formats populaires standards et ils peuvent être calandrés ou non. Puisque je vous préserverai toujours de mes piètres talents dans ce domaine, j’ai déjà donné mes achats à une amie qui en fera un bien meilleur usage. Vous verrez peut-être ces papiers un jour si elle daigne me montrer ses œuvres.

La papeterie Saint-Gilles se targue de livrer ses produits un peu partout dans le monde. Vous pouvez donc choisir de venir les acheter ici en main propre ou de vous les procurer en restant bien assis à votre pupitre. La première option vous permettrait peut-être de me croiser. Si vous aimez écrire sur du beau papier, d’autres points communs existent sûrement entre nous ! Un chassé-croisé de poèmes amoureux écrits sur du Saint-Gilles ! Je choisirais le blanc, toi la couleur parchemin. Que c’est romantique !

Corbot ! Réveille-toi !

Croaaa ?

Le chemin du Roy, le temps d’une paix

Il existe deux façons et demie de parcourir le chemin entre les villes de Montréal et de Québec en passant par la rive nord du fleuve Saint-Laurent. Deux façons et demie, me direz-vous ? Et vous vous répondrez : « Certainement une histoire tordue à la Corbot ! » Laissez-moi vous expliquer la demi-façon de faire la chose.

Si vous êtes pressé ou blasé, ce serait dommage, l’autoroute 40 Est vous amène d’un point à l’autre en 165 minutes à vitesse permise. Les 250 km du cordon de béton se déroulent presque sans heurts, sans intersections, sans bouchons (une fois sorti de Montréal) et sans panoramas. La route passe loin du fleuve, loin des villages, loin de tout ce qui pourrait entraver le flot constant de véhicules.

Les touristes choisissent bien souvent cette option et, malheureusement, ils ratent le meilleur de ce qu’ils sont venus voir, soit la Nouvelle-France. Ils se forgent un horaire très serré afin de visiter un maximum de sites convenus et oublient souvent l’importance des distances dans un pays aussi grand que le Québec. Plutôt que des vacances, ils se livrent à une course permanente et finissent par se faire pousser des cernes jusqu’au menton.

L’alternative intelligente est de prendre son temps en évitant d’en faire trop. De toute façon, une bonne partie des touristes finissent par revenir, car sur place ils ont compris l’essentiel de ce que nous avons à offrir et ce ne sont pas nos autoroutes. En se pressant moins, le touriste futé choisira peut-être la route 138 Est, le chemin du Roy, pour se rendre à Québec à partir de Montréal. Cette route autrefois primitive longe le fleuve sur de très grandes portions et vous fait passer par tous les villes et villages. La plupart se sont convertis avec le temps à la vie moderne, mais tous ont un petit quelque chose à offrir de la Nouvelle-France.

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Je ne vous propose pas de les visiter si votre but réel est de vous rendre à Québec, mais vous découvrirez quand même une facette bien plus intéressante de notre histoire. Et vous voudrez certainement vous arrêter à plusieurs reprises, le temps d’une photo pittoresque.

Il est difficile pour moi de vous donner une estimation du temps requis pour compléter l’itinéraire, surtout si vous ne contournez pas la ville de Trois-Rivières située à mi-trajet. En planifiant le double du temps requis par l’autoroute 40, vous aurez quand même un aperçu valable.

Oui, je n’ai pas oublié, voici la demi-solution restante. À l’époque, la route 138 a été construite, elle aussi, en contournant occasionnellement le véritable chemin du Roy afin de préserver certains villages ou portions de villages où le passage de la grand-route aurait obligé la destruction de plusieurs maisons anciennes.

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Lorsqu’une bifurcation du genre est annoncée par un panneau indicateur routier bleu, le chemin du Roy vous propose de quitter la route 138 pour vous engager sur une bretelle qui vous ramènera un peu plus loin sur la grand-route. En empruntant ces segments, préparez-vous à effectuer un saut dans le temps. À plusieurs occasions, vous découvrirez la véritable Nouvelle-France campagnarde, agricole et religieuse.

Les bâtisses ont toutes été retapées avec un souci de conserver l’atmosphère d’antan. Le clin de bois est maintenant imputrescible et les fleurs abondent, les granges ne risquent plus de s’effondrer l’hiver, mais l’essentiel de l’apparence originale est préservé. Dans ces bourgs, le temps semble s’être arrêté, l’air respire la paix. Vous voudrez y acheter une maisonnette, tellement vous vous sentirez bien instantanément, même si votre passage ne dure que quelques instants. Certains tronçons doivent s’effectuer à 20 km/h, car la route très étroite se partage entre les véhicules à contresens, les vélos ainsi que les promeneurs à bottines. Respirez… le temps d’une paix.

Une auberge de Corbot

Je poursuis ma série d’articles sur mon séjour dans Charlevoix au Québec avec un arrêt à l’auberge L’Estampilles à Baie-Saint-Paul. Le «s» final est voulu… pour des raisons obscures de… numérologie! Enfin! Je ne commenterai pas!

L’Estampilles est une charmante auberge comportant onze chambres de quatre catégories différentes nichée sur la rue Cap-aux-Corbeaux à Baie-Saint-Paul. Évidemment, je ne pouvais rater l’occasion de m’y arrêter, ne serait-ce que pour constater si l’auberge les considère à leur juste valeur!

Toujours sans réservation, je rencontre l’actuel gérant, Régis Barthe qui, malgré la haute saison, réussit à me trouver une chambre. Je me doute bien que, dans ces circonstances, soit il me logera dans la moins dispendieuse, soit l’inverse. Oui, j’ai déjà dormi dans la chambre du Premier ministre canadien au Château Laurier à cause de circonstances semblables.

De fait, j’obtiens la plus modeste de toutes qui, pourtant, s’avère très spacieuse, est équipée de tout le confort moderne, est superbement meublée et décorée avec grand goût. Ici, pas de rusticité, rien de sorti des boules à mites, que du noble comme en témoignent les planchers pur chêne, les abat-jours en verre soufflé, les meubles sélectionnés avec goût et la literie en percale la plus fine.

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Régis Barthe, natif de Perpignan, est arrivé à Charlevoix en 2009. Déjà il se démarque dans la région grâce à sa solide expérience en tant que chef cuisinier et chef pâtissier. Son menu est bien ficelé et sa technique parfaite. J’ai eu le privilège de diner au restaurant intégré à l’auberge et je peux vous assurer que l’expérience en vaut la chandelle. Les quatre services vous emportent sinon au septième ciel, du moins au ciel de Charlevoix. Sans fioritures inutiles ni titres ronflants, ses plats mettent l’accent sur le bon goût au sens propre.

Des rouleaux impériaux dignes de marabouts, une vichyssoise avec un accompagnement-surprise, un fondant de porc confit fait de joues parfaitement cuites, un gratin dauphinois céleste et des asperges juste à point. Comme dessert, un nougat aux saveurs subtiles d’érable et aux textures aériennes.

Le fameux accompagnement-surprise de la vichyssoise est un petit verre de vin de tomate. Ce liquide dont je lui réserve un article indépendant accompagne la soupe à la perfection et permet de faire le chabrot. Cette tradition occitane consiste à rincer le fond d’un bol de soupe avec un alcool afin de ne rien perdre. On se donne bonne conscience en ne perdant rien tout en augmentant un peu son taux d’alcoolémie. J’adore.

Malgré ses obligations diverses et nombreuses, car lui aussi souffre de la pénurie de personnel généralisée, j’ai eu le plaisir de discuter assez longuement avec Régis, un homme à l’image de son pays d’origine, un peu exubérant, fier et déterminé. Mais ce qui définit Régis par-dessus tout est sa passion débordante pour son travail et son dévouement total envers sa clientèle. Un homme d’une autre époque, pourrait-on dire. Je dirais plutôt un exemple venu d’un autre monde. Il nous prouve l’existence rare, mais persistante, d’une façon de vivre peut-être en voie d’extinction dans ce domaine d’affaires, le professionnalisme amoureux.

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De plus, Régis s’est parfaitement intégré à sa région d’adoption et il en parle comme s’il y était natif. On serait tenté d’y croire si ce n’était de son accent du Languedoc toujours bien présent et maintenant fleuri de plusieurs mots et expressions purement québécois. Le mélange des genres s’avère plein d’heureuses trouvailles sémantiques.

Je vous recommande cette auberge sans réserve, mais pas sans réservation. Il faut être un peu Corbot pour venir s’y poser sans l’annoncer, surtout si vous venez de pays lointains. Malgré la réalisation de certains miracles, Régis reste totalement humain et c’est tant mieux. Un sauna, un spa, un bar, une table de billard et de la bonne humeur vous y attendent dans un cadre enchanteur. Bon séjour!

Carpe diem

Le gite

La ville de Baie-Saint-Paul dans Charlevoix au Québec est prisée pour ses magnifiques paysages qui attirent bien des artistes s’établissant à demeure. Leur présence a fait pousser une panoplie de galeries d’art et quelques bons restos. Le tourisme se nourrit de tout cela et la boucle est bouclée.

J’y suis actuellement en vacance, une habitude délaissée depuis plusieurs années que je tente de renouer. Cette région du Québec m’a toujours beaucoup attiré et je vous expliquerai pourquoi une autre fois. Lorsque je pars en vacances, je le fais toujours sur un coup de tête et cette fois-ci n’a pas fait exception. Sans réservation en haute saison, je m’y attendais, entamer la recherche d’une chambre à 17 h risque de se solder par un échec. Qu’importe, la spontanéité possède ses inconvénients et je suis prêt à les subir pour profiter de ses avantages.

Après de multiples appels, les réponses se ressemblent toutes. Une femme m’a cependant suggéré d’appeler un gite situé à une quinzaine de minutes de Baie-Saint-Paul et qui, pour cette raison, risque d’avoir une vacance. Et, effectivement, les propriétaires du gite Carpe Diem me proposent une chambre à prix raisonnable.

Perdu dans un endroit où on ne se rend jamais sans raison, dans un rang longeant deux flancs de montagnes, dans un lieu où vivent tous les animaux de la forêt et très peu d’humains, on retrouve évidemment une petite église de fond de campagne. Nos origines religieuses se retrouvent partout et surtout dans ces régions où autrefois l’on sanctifiaient tous les noms de villages, de rivières, de montagnes, de rues et de patronymes.

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Quant au gite, il est à la hauteur de mes attentes, c’est-à-dire calme, chaleureux, loin de tout et modeste. Je ne suis pas du genre à courir les Marriott et autres grands hôtels impersonnels. Je préfère la compagnie des quelques chattes et poules en liberté qui me tournent actuellement autour que des poules de luxe et des chattes de bars.

Pas de télé, une guitare accrochée au mur, un piano droit, quelques invités discrets venus principalement des Europes, j’en profite pour écrire mes impressions à la lueur blafarde d’une lampe de salon provenant d’une autre époque, comme tout ce qui compose le mobilier et la décoration.

J’ai l’impression de me retrouver au cœur des années 1800 avec la dentelle fine accrochée aux fenêtres, le rustique poêle à bois trônant fièrement dans un coin du salon, les lits aux têtes en fer forgé et le bois partout, omniprésent. Le gite dégage une atmosphère chaleureuse et apaisante, exactement ce dont les vacanciers ont besoin pour terminer sur une bonne note leur excitante journée passée à courir après les baleines, à gravir les sentiers escarpés du parc des Grands jardins ou plus simplement à dévaliser les boutiques du cœur de la ville, à rendre visite à quelques artistes-peintres de la région ou à gouter aux étonnants produits du terroir directement chez les producteurs.

La deuxième autoroute

La route pour se rendre au gite longe une autoroute de fils électriques perdue au beau milieu de la forêt. Ce sont des lignes à haute tension amenant l’hydroélectricité produite à Manicouagan et à la Romaine jusqu’aux consommateurs plus au Sud. Deux séries de trois pylônes se partagent la charge. Ils vont éventuellement bifurquer pour rejoindre l’une ou l’autre des grandes villes québécoises.

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Bien entendu, le passage du courant à très haute tension sur d’aussi longues distances ne s’effectue pas sans produire d’énormes balafres à la forêt. Moins que la coupe systématique des arbres sous les pylônes, ce sont ces géants plantés en pleine nature qui défigurent le plus la beauté des lieux autrefois vierges.

C’est notre tribut à payer pour assurer notre mode de vie moderne et technologique. Ce prix me parait relativement raisonnable, compte tenu des avantages qu’offre cette énergie relativement propre, même si nous la transportons sur d’énormes distances et que nous devons nous taper la vue de ces rangées incessantes des géants évidés qui jalonnent la verte autoroute sur des milliers de kilomètres. Heureusement, la vue à partir du gite est exempte de ces plantations modernes.

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Demain, direction L’Isle-aux-Coudres et ses attraits poétiques, gastronomiques et historiques. Je vous tiens au courant, car je dois terminer ici la rédaction de cet article. Il me reste une chose à faire avant de plonger dans le lit qu’on me prête pour la nuit: carpe diem.

Il faut d’abord savoir mourir

Le Québec et quelques états du centre-nord-ouest des É.U.A. ont été les seuls endroits sur la planète à subir une «anomalie» climatique à la baisse cet hiver. J’utilise le terme « anomalie », puisque la norme est maintenant au réchauffement, ce qui s’est produit de façon très marquée un peu partout et surtout en Sibérie où les records de clémence se sont succédé quotidiennement durant des mois.

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Ce n’est pas la première année que le Québec se retrouve à l’opposé de la tendance mondiale. J’en ai parlé l’an dernier et aussi en 2017. Ça commence donc à devenir une réalité annuelle et j’essaye de comprendre les causes derrière cette bulle de froid stationnaire au-dessus de notre territoire durant la saison blanche.

Tout d’abord, elle suit étrangement bien nos frontières et ce n’est certainement pas dû au hasard. Puisque l’est des É.U.A. est fortement peuplé, l’air plus chaud engendré par la très grande activité humaine empêche l’air froid arctique de pénétrer profondément les états de la Nouvelle-Angleterre. Lorsqu’on regarde l’est de l’Amérique du Nord la nuit à bord de la Station Spatiale, les lumières tracent très bien cette barrière sud.

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Lorsque la baie d’Hudson n’est pas entièrement gelée en surface, l’eau agit également comme une barrière thermique poussant l’air froid plus à l’est, donc au-dessus des terres québécoises. L’océan Atlantique qui borde la frontière est agit de même. Voilà comment le Québec se retrouve avec trois frontières thermiques qui emprisonnent l’air froid arctique qui s’engouffre allègrement par la quatrième et qui se retrouve sans porte de sortie. L’air arctique peut stagner longtemps, engendrant des précipitations abondantes, surtout sous forme de neige ou de verglas.

Oui, la glace s’est aussi mise de la partie pour nous faire vivre un hiver compliqué. Des épisodes de verglas alternant avec des chutes de neige importantes, les toits des édifices se sont retrouvés avec de lourds mille-feuilles difficiles à pelleter. Plusieurs toits se sont effondrés. Ici, chez moi, ma porte d’entrée pivotait avec grandes difficultés, signe évident d’un surpoids au-dessus de nos têtes. Heureusement, des pluies abondantes ont eu raison des blocs de glace avant qu’ils ne causent des dégâts.

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On peut s’estimer chanceux d’être épargnés par le réchauffement global. Un jour viendra où on le subira comme partout ailleurs dans le monde, mais en attendant, les sports d’hiver restent encore possibles sur notre territoire, plus pour très longtemps, je le crains. Lorsque l’Arctique se sera suffisamment réchauffé, il n’existera plus d’air glacial nordique pour venir occuper le territoire québécois en hiver.

On remplacera nos sapins par des cocotiers et nos épinettes noires par des palétuviers. On glissera sur des dunes, on jouera à la crosse plutôt qu’au hockey, on pourra oublier sa bouteille d’eau dans l’auto sans risque de gel. On saura que notre vie a suivi un cours différent lorsqu’en janvier, les gars se promèneront avec des chemises fleuries plutôt qu’à carreaux et des bermudas au lieu de combinaisons à grandes manches.

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Une saison me manquera particulièrement et ce n’est pas l’hiver, mais sa fin, le printemps. Quels étourdissements je vis lorsque je retrouve toutes ces jolies femmes dans leurs accoutrements printaniers après la saison sage! Non, rien ne vaut ces moments magiques, pas même trois degrés supplémentaires, pas même les ananas, pas même un été permanent.

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Le printemps, le prime temps, la renaissance, mais pour enfin renaitre, il faut d’abord savoir mourir.