Les Égyptiens et la roue

Dans l’article précédent concernant des savoirs anciens, je devais mesurer précisément une corde à 1320 coudées royales égyptiennes à partir d’un bout de bois mesurant une coudée. Par la multiplication nécessaire, j’engendre une importante erreur qui peut être diminuée si je sais utiliser adéquatement la roue. Cependant, je ne cesse d’entendre partout dans des reportages scientifiques que les Égyptiens ne connaissaient pas la roue.

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Je considère qu’il est totalement faux de dire que les Égyptiens ne connaissaient pas la roue, même concernant ceux de l’ancienne Égypte. La roue aurait au moins 5500 ans et étant un peuple commerçant avec tous les autres peuples, même s’ils ne l’ont pas inventé, ils ne pouvaient pas ignorer cet objet simple tiré d’un billot de bois ou d’une pierre taillée.

C’est ridicule de croire qu’ils n’auraient pas connu la roue, mais qu’ils construisaient des temples bardés de colonnes circulaires. Ils n’auraient jamais vu des segments rouler au sol, ils n’auraient jamais pensé à les transporter en les roulant! Ça me fait penser à la compétition où les athlètes soulèvent et basculent un pneu de camion géant. J’ai toujours envie de rire et de leur dire qu’ils n’ont qu’à le faire rouler s’ils veulent tant le déplacer.

Small garden radishLorsque j’entends cette fichue affirmation que les Égyptiens ne connaissaient pas la roue, elle a le don de soulever ma pilosité aussi sûrement qu’un radis est capable de le faire. Oui, je déteste les radis au point de me hérisser les poils. Que voulez-vous? Ne me jugez pas, vous ignorez si l’un d’eux n’a pas voulu m’étouffer dans une vie antérieure et j’en suis peut-être resté traumatisé.

Un jour alors que je regardais un autre reportage sur l’Égypte et que j’entendais le commentateur s’égosiller à répéter cette insanité, j’ai soudainement tout compris.

Bien sûr, j’avais raison (bien sûr!). Les Égyptiens connaissaient la roue, c’est indéniable, mais ils ignoraient une chose la concernant et c’est à propos d’un de ses usages. Les Égyptiens ignoraient, non pas la roue, mais la poulie, et plus précisément les poulies multiples.

Utilisée seule, une poulie est un outil intéressant, sans rien de très particulier. Pour monter une charge de 100 kilos, il faut suspendre un contrepoids de valeur supérieure. Mais utilisées en groupe de deux ou plus, les poulies engendrent un bien étrange principe qui est la démultiplication du poids requis pour soulever une charge.

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Deux poulies divisent par deux le poids nécessaire à soulever une charge. En multipliant le nombre de poulies, on parvient alors à soulever des charges importantes en divisant d’autant la valeur du contrepoids nécessaire.

Le concept physique de travail d’une force nous aide à comprendre le principe des poulies multiples.

W = Fd

À travail W égal, je peux monter une charge de 100 kg sur 10 m ou monter une charge de 50 kg sur 20 m. Le travail dans les deux cas sera équivalent. La poulie double me permet d’utiliser une charge de 50 kg pour faire contrepoids à une charge de 100 kg si je double la distance, donc en tirant 20 m de corde pour hausser le poids de 10 m.

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C’est le principe d’un bloc à chaine avec lequel vous parvenez à soulever sans effort un moteur d’automobile sans recourir à aucune autre énergie que celle de votre bras. En revanche, pour soulever le moteur de 10 cm, vous devez tirer une dizaine de mètres de chaine.

Si les Égyptiens avaient connu le principe des systèmes à poulies multiples, on l’aurait associé au soulèvement de leurs énormes charges. On imagine alors que la poulie serait apparue sur certaines œuvres picturales et dans certains écrits, ce qui n’est pas le cas.

Ainsi, lorsque vous entendrez que les Égyptiens ne connaissaient pas la roue, vous saurez qu’il faut entendre qu’ils ne connaissaient pas le principe des poulies multiples, mais ils connaissaient à coup sûr celui de la simple roue utilisée comme roue de charrette, comme meule, comme tour ou même comme poulie simple.

Et, de grâce, ne reprenez pas à votre compte cette damnée affirmation totalement fausse. Mon poil restera bien lisse sur ma peau et je ne me retrouverai pas avec un relent de radis dans la bouche.

Ceci étant dit, dans un prochain article, j’utiliserai une simple roue pour améliorer la précision de la mesure de la longueur de la corde destinée à tracer la base de la pyramide de Khéops.

Ariane 6, histoire d’un flop annoncée ?

Le consortium européen Arianespace vient d’approuver la finalisation de la fusée Ariane 6 pour une mise en service en 2020 avec un premier vol prévu le 16 juillet de la même année. En étude depuis 2009, puis en phase architecturale depuis 2012 jusqu’à sa version approuvée en décembre 2014, il aura fallu tout ce temps pour accoucher de ce qui sera probablement, à mon avis, un fiasco financier.

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Illustration d’une fusée Ariane 6 en vol

Deux facteurs principaux influencent les carnets de commandes: le coût et la fiabilité des lancements. Ariane 5, vous aurez compris que c’est la version précédente et celle actuellement en usage, a été développée dans des années où l’Europe pensait imiter les Américains avec une navette nommée Hermes. Ce projet n’a jamais vu le jour. Ainsi, la fusée Ariane 5 exige des charges payantes lourdes pour des coûts de lancement acceptables. Sa bonne fiabilité est un critère important de sa réussite actuelle.

Cependant, le paradoxe est que plus les satellites s’alourdissent, moins Ariane 5 devient intéressante face à la concurrence. Elle est capable de mettre 10 tonnes en orbite géostationnaire, mais les satellites actuels frisent les 5 tonnes sur la balance. Il devient alors très difficile de trouver un deuxième satellite au poids complémentaire dans la même fenêtre de lancement. Donc, plutôt que de partager les coûts de lancement, un seul opérateur de satellite doit seul les assumer et ce scénario ne fait qu’augmenter en fréquence.

Durée 1min06 : Décollage d’une fusée Ariane 5

Ariane 6 est censée régler ce problème en assurant un coût de lancement équivalent à ceux d’Ariane 5 lorsque celle-ci est munie de 2 satellites géostationnaires pour une charge maximale de 6 tonnes.

Oubliez les premiers étages réutilisables dans son design, sa seule véritable particularité sera peut-être une quelconque polyvalence de configuration, mais encore là, celle-ci ne me convainc pas du tout.

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Retout sur Terre et atterrissage quasi simultané des deux boosters latéraux de la fusée Falcon Heavy, concurrente d’Ariane.

 

Elle est, selon moi, pensée et conçue dans un autre siècle et la concurrence lui fera savoir assez rapidement. Bien entendu, si elle garde la bonne réputation de fiabilité de sa sœur, elle accaparera un certain pourcentage des lancements, mais elle ne fera pas un tabac. Puisque cette fiabilité est reconnue seulement après un bon nombre de lancements sans pépins aucuns, elle végètera durant ses premières années d’existence au bas du tableau des lanceurs.

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Durant ce temps, la concurrence continuera de s’améliorer et de confirmer des coûts toujours plus intéressants pour ceux dont l’idée farfelue fut de prendre l’idée d’une navette, sa réutilisation, et de la transposer dans une technologie moins fragile et mieux maitrisée, celle des fusées.

Bien sûr, la concurrence peut subir des difficultés techniques et financières qui permettraient à Ariane 6 de devenir un lanceur plus apprécié, mais quand on axe son succès sur les déboires de ses concurrents, la déconvenue est à nos portes.