Savoirs anciens, la Terre sphère

Pour ceux qui auraient raté les précédents articles, sachez que j’ai voyagé dans le temps pour discuter avec le pharaon Khoufou (Khéops) en vue de lui construire une belle pyramide. Pour l’occasion, il m’a remis un étalon de mesure, un bout de bois appelé «coudée royale égyptienne», qui se distingue d’une coudée populaire par une longueur plus élevée.

Vous pouvez lire ou relire les articles précédents en cliquant sur ce lien et sur celui-ci ou passer directement à la suite qui relate la façon dont j’ai établi que la Terre est une sphère voilà 4 500 ans. D’autres articles suivront pour expliquer comment il a été possible de mesurer les dimensions de la Terre et ensuite en arriver à déterminer la longueur d’une coudée royale égyptienne.

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— Grand Khoufou, connaissez-vous la provenance du bâton servant de coudée royale égyptienne étalon que vous m’avez remise l’autre jour afin que je mesure la base de votre future pyramide?

— Charbonneux Corbot, sachez que cette mesure étalon m’a été léguée par mon père, le maigrelet et détestable Snéfrou, lui-même bâtisseur d’horribles pyramides devant l’éternel Rê. Que Dieu-Soleil ait son âme, mais surtout qu’il la garde!

— Personne ne sera plus célébrissime que vous, oh! Pharaonique Ornithorynque et votre future pyramide mystifiera toutes les générations ainsi que votre père pour l’éternité!

— Il n’a jamais voulu m’apprendre d’où provenait cette coudée royale. C’était un être mesquin et imbu de sa personne. En construisant une pyramide plus impressionnante que les siennes, je veux le remettre à sa place, bien plus que de laisser ma propre trace dans ce monde. Ma pyramide servira surtout à déclasser ses affreuses constructions bringuebalantes afin qu’il gagne un peu d’humilité dans l’au-delà.

— Si vous m’en donnez l’ordre, grand Hurluberlu, je vous apprendrai comment votre père a obtenu cette coudée royale étalon.

— Vous connaissez sa provenance? Dites-moi tout ce que vous savez, c’est un ordre, ténébreux corvidé!

— Comme vous voulez, oh Cœlacanthe silicaté! Vous avez dû le constater, cette mesure ne provient pas du pharaonique coude de votre père. En fait, elle émane de plus grand que lui, puisqu’elle a été inspirée par la Terre mère en personne.

— J’aime ça! Racontez-moi tout. Mon détestable de père Snéfrou va se retourner dans son sarcophage et ses bandelettes vont lui décoller du corps! J’en pisse déjà de plaisir dans mon pharaonique pagne!

— Votre père voulait une mesure étalon royale pour distinguer ses constructions de celles du peuple. La coudée populaire devait évidemment être plus courte que celle qui serait utilisée pour ses propres réalisations. Il m’embauche donc afin de concevoir une mesure plus longue que la coudée populaire, mais dans des proportions relativement proches afin qu’elle reste pratique. Il voulait utiliser sa propre coudée, mais elle s’avérait plus courte que la coudée populaire en usage parmi le peuple. Je lui ai bien fait sentir que l’idée d’une coudée pharaonique inférieure à l’autre le rabaisserait. Il m’a alors demandé de trouver une longueur qui transcenderait toutes les époques et tous les pharaons après lui. Une coudée intemporelle.

— Ça lui ressemble. Tout devait être éternel, même ses excréments! Continuez, emplumé conseiller, je veux tout savoir.

gnomon

— Bien sûr, Grandiose Alphatocophérol. Un jour durant un de mes voyages à la limite du Soudan en passant par la Nubie en Haute-Égypte, j’observe que mon bâton de marche planté bien à la verticale dans le sol ne crée aucune ombre au sol!

— Vous dites qu’en Nubie, le Soleil monte si haut dans le ciel qu’il peut totalement faire disparaitre les ombres?

— À une certaine époque durant l’année, l’ombre du bâton au zénith se confond avec lui. Un corbeau en vol continue de faire une ombre au sol, mais celle-ci est parfaitement à la verticale avec l’oiseau.

— Je vois. Ici à Gizeh, le Soleil crée toujours des ombres au sol, peu importe la journée ou l’heure dans l’année. Les cadrans solaires le montrent bien.

Cadran-solaire-égyptien

— Et voilà ce qui est surprenant. En remontant le Nil vers le sud, le Soleil semble se comporter différemment tandis que si je m’éloigne vers l’ouest ou vers l’est, je ne noterai aucun changement dans le comportement des ombres.

Mais pourquoi les ombres sont-elles plus courtes lorsque nous allons au sud en Nubie? C’est vraiment très étrange! Et encore plus si elles restent identiques lorsqu’on adopte une direction perpendiculaire.

Méridien-Gizeh-Assiout

 

— Les ombres sont plus courtes à Assouan, à Louxor et même tout près à Assiout. Plus on remonte le Nil, plus les ombres raccourcissent, oh! Honorable Peroxyde d’hydrogène. Ce phénomène passe presque inaperçu si nous restons près de Gizeh.

— Et en quoi ce comportement de Rê vous a-t-il permis de déterminer la coudée royale égyptienne de mon père?

— Le dieu Rê n’a rien à voir avec la différence des longueurs des ombres, le dieu Soleil reste le même partout, c’est la Terre qui se montre différente à lui puisqu’elle est… hum… ronde.

— Ronde? Ronde comme une assiette ou ronde comme une boule?

— C’est une boule qui tourne sur elle-même, votre Éternel Encéphalogramme. J’ai mesuré la longueur des ombres qu’un bâton de cinq coudées projetait au sol ici à Gizeh ainsi qu’à Assiout lors de la même journée de l’année. Avec ces informations, je suis parvenu à calculer les dimensions de notre Terre. J’ai ici un schéma pour vous montrer à quoi mes travaux ont ressemblé.

— Et vous avez utilisé les dimensions de la Terre-boule pivotante pour définir celle de la coudée royale.

— C’est exact.

Ombres-Gizeh-Assiout

— Mais si la Terre est ronde, pourquoi ne glisse-t-on pas alors que, d’après votre théorie, nous nous retrouvons sur son flanc?

— Pour simplifier, dites-vous que nous sommes tous attirés par le centre de la Terre. Peu importe notre position sur Terre, il est donc impossible de glisser puisque le bas se trouve toujours parfaitement à la verticale sous nos pieds.

— Je comprends. Je vais donc vous demander quelque chose de plus pour ma pyramide, cher Caliméro. En plus d’utiliser la coudée royale, vous allez intégrer les dimensions de notre Terre dans celles de mon bâtiment.

— Oui, votre Majestueux Polypropylène.

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Dans un prochain article, je poursuivrai mon récit afin d’en arriver à mesurer la circonférence de la Terre et toujours avec les moyens connus et disponibles à l’ère de Khéops.

Savoirs anciens — mesurer avec une roue

Contrairement à la croyance populaire éperonnée par des déclarations malheureuses dans de mauvais documentaires scientifiques, les Égyptiens connaissaient parfaitement la roue. Lire mon article à ce sujet.

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Cet article explique comment je peux améliorer la précision de la longueur de la corde utilisée pour tracer la base de la pyramide de Khéops à partir d’une roue. Vous pouvez cliquer ici pour lire le premier article concernant le traçage de cette base de 440 coudées royales égyptiennes de côté à partir d’outils des plus rudimentaires.

Une roue simple permet d’améliorer la précision d’une mesure de longueur par rapport à une courte règle, comme la coudée royale étalon, un bout de bois d’une cinquantaine de centimètres de long.

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Dans l’exemple utilisé dans l’article traitant de la base de la pyramide où je devais mesurer une corde de 1320 coudées à l’aide d’un étalon d’une longueur d’une seule coudée, il est évident qu’après un nombre aussi important de reports de la règle sur la corde, celle-ci devait certainement mesurer quelque chose de bien différent des 1320 coudées requises, et ainsi je m’exposais à servir de tartare aux lions du pharaon. Tenant trop à terminer ma vie ailleurs que dans des estomacs félins, j’ai voulu m’assurer que la corde mesurait le plus précisément possible la longueur requise.

Je ne pouvais pas débarquer au 25e siècle avant notre ère devant Pharaon Khéops avec un appareil de mesure au laser, je devais utiliser les moyens disponibles à cette époque et la roue m’est apparue être l’outil idéal pour affiner la précision des dimensions.

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La façon dont je m’y prends est de reporter la longueur de la coudée royale sur un arc de cercle correspondant à une valeur fractionnaire exacte d’un tour complet de roue afin d’additionner cette longueur étalon au fur et à mesure que je tourne la roue en longeant la corde.

La difficulté consiste à mesurer un périmètre valant le plus précisément possible un multiple exact d’une coudée. Aujourd’hui, on sait que le rapport du périmètre sur le diamètre d’un cercle est π, un nombre irrationnel, et qu’ainsi la quadrature du cercle est impossible. Je me contenterai donc de la technique essais-erreurs pour me rapprocher de plus en plus d’une roue ayant un périmètre valant le plus précisément possible un nombre entier de la coudée.

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Toujours en utilisant la coudée étalon fournie par Khoufou, je taille une pierre en forme de roue en lui donnant un périmètre légèrement plus grand que 6 coudées afin de l’abraser par la suite jusqu’à la valeur précise. Pourquoi ai-je choisi de fabriquer une roue dont le périmètre vaudra exactement 6 coudées et pas 5 ou 8 ou un autre multiple? Un cercle divisé en 6 arcs identiques inscrit un hexagone régulier dont chacun de ses côtés vaut exactement le rayon du cercle (figure). Et si je divise 1320 coudées par 6, j’obtiens le nombre entier 220, donc un nombre exact de tours de roue. Ce nombre 220 s’inscrit dans la même structure numérique que 330, 440 et 550, les trois longueurs du triangle rectangle choisi pour tracer la base de la pyramide. Ce sont tous des nombres divisibles par 110.

Je fais rouler ma roue sur la coudée étalon pour m’apercevoir que les 6 arcs de cercle sont légèrement plus longs que la coudée. Je place alors la roue sur un pivot et je l’abrase jusqu’à ce que les 6 arcs de cercle mesurent en tout 6 coudées.

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Muni de cette roue de 6 coudées, je mesure la corde pour la couper à 1320 coudées en calculant le nombre de tours de la roue. Lorsque j’atteins 220 rotations complètes, je coupe la corde à cet endroit précis. Je viens d’augmenter de façon très importante la précision de la longueur de la corde. Je peux maintenant la plier pour y placer les repères à 440, 880 et 330 coudées afin de respecter les mesures requises dans le processus.

La roue devient un moyen plutôt efficace d’accroitre significativement la précision des mesures de longueur en plaçant bout à bout des étalons de mesure sans rajouter ou retrancher des intervalles. Grâce à l’utilisation d’une roue, j’ai prouvé à Pharaon que sa future grande pyramide possédera une base carrée de 440 coudées de tous les côtés.

Dans un prochain article, j’aborderai l’étrange longueur de la coudée royale égyptienne.

Les Égyptiens et la roue

Dans l’article précédent concernant des savoirs anciens, je devais mesurer précisément une corde à 1320 coudées royales égyptiennes à partir d’un bout de bois mesurant une coudée. Par la multiplication nécessaire, j’engendre une importante erreur qui peut être diminuée si je sais utiliser adéquatement la roue. Cependant, je ne cesse d’entendre partout dans des reportages scientifiques que les Égyptiens ne connaissaient pas la roue.

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Je considère qu’il est totalement faux de dire que les Égyptiens ne connaissaient pas la roue, même concernant ceux de l’ancienne Égypte. La roue aurait au moins 5500 ans et étant un peuple commerçant avec tous les autres peuples, même s’ils ne l’ont pas inventé, ils ne pouvaient pas ignorer cet objet simple tiré d’un billot de bois ou d’une pierre taillée.

C’est ridicule de croire qu’ils n’auraient pas connu la roue, mais qu’ils construisaient des temples bardés de colonnes circulaires. Ils n’auraient jamais vu des segments rouler au sol, ils n’auraient jamais pensé à les transporter en les roulant! Ça me fait penser à la compétition où les athlètes soulèvent et basculent un pneu de camion géant. J’ai toujours envie de rire et de leur dire qu’ils n’ont qu’à le faire rouler s’ils veulent tant le déplacer.

Small garden radishLorsque j’entends cette fichue affirmation que les Égyptiens ne connaissaient pas la roue, elle a le don de soulever ma pilosité aussi sûrement qu’un radis est capable de le faire. Oui, je déteste les radis au point de me hérisser les poils. Que voulez-vous? Ne me jugez pas, vous ignorez si l’un d’eux n’a pas voulu m’étouffer dans une vie antérieure et j’en suis peut-être resté traumatisé.

Un jour alors que je regardais un autre reportage sur l’Égypte et que j’entendais le commentateur s’égosiller à répéter cette insanité, j’ai soudainement tout compris.

Bien sûr, j’avais raison (bien sûr!). Les Égyptiens connaissaient la roue, c’est indéniable, mais ils ignoraient une chose la concernant et c’est à propos d’un de ses usages. Les Égyptiens ignoraient, non pas la roue, mais la poulie, et plus précisément les poulies multiples.

Utilisée seule, une poulie est un outil intéressant, sans rien de très particulier. Pour monter une charge de 100 kilos, il faut suspendre un contrepoids de valeur supérieure. Mais utilisées en groupe de deux ou plus, les poulies engendrent un bien étrange principe qui est la démultiplication du poids requis pour soulever une charge.

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Deux poulies divisent par deux le poids nécessaire à soulever une charge. En multipliant le nombre de poulies, on parvient alors à soulever des charges importantes en divisant d’autant la valeur du contrepoids nécessaire.

Le concept physique de travail d’une force nous aide à comprendre le principe des poulies multiples.

W = Fd

À travail W égal, je peux monter une charge de 100 kg sur 10 m ou monter une charge de 50 kg sur 20 m. Le travail dans les deux cas sera équivalent. La poulie double me permet d’utiliser une charge de 50 kg pour faire contrepoids à une charge de 100 kg si je double la distance, donc en tirant 20 m de corde pour hausser le poids de 10 m.

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C’est le principe d’un bloc à chaine avec lequel vous parvenez à soulever sans effort un moteur d’automobile sans recourir à aucune autre énergie que celle de votre bras. En revanche, pour soulever le moteur de 10 cm, vous devez tirer une dizaine de mètres de chaine.

Si les Égyptiens avaient connu le principe des systèmes à poulies multiples, on l’aurait associé au soulèvement de leurs énormes charges. On imagine alors que la poulie serait apparue sur certaines œuvres picturales et dans certains écrits, ce qui n’est pas le cas.

Ainsi, lorsque vous entendrez que les Égyptiens ne connaissaient pas la roue, vous saurez qu’il faut entendre qu’ils ne connaissaient pas le principe des poulies multiples, mais ils connaissaient à coup sûr celui de la simple roue utilisée comme roue de charrette, comme meule, comme tour ou même comme poulie simple.

Et, de grâce, ne reprenez pas à votre compte cette damnée affirmation totalement fausse. Mon poil restera bien lisse sur ma peau et je ne me retrouverai pas avec un relent de radis dans la bouche.

Ceci étant dit, dans un prochain article, j’utiliserai une simple roue pour améliorer la précision de la mesure de la longueur de la corde destinée à tracer la base de la pyramide de Khéops.