À Peine

The loner

Au revoir, puisses-tu être repartie
Tes incursions remplies d’impacts
Caustique tu dissous mes réparties
Malgré l’armistice de notre pacte

Vieille ennemie, nouvelle épreuve
Émerger du cauchemar m’est pénible
Ployant devant le fardeau de la pieuvre
Mes os craquent et tu restes impassible

Peine et haine inséparables
Vilaines ou en frasques
Sœurs jumelles détestables
Je subis vos bourrasques

Demeurer stoïque et froid
Enfoui sous un maitre de fermeté
Marmoréen, solide effroi
Échec du désillusionné

Vieille amie, nous le fûmes jadis
Sous ton poids j’étais, sûr, vivant
Souriant de tes noirs auspices
Une idioties dorénavant

Tapi dans un océan de douleurs
Transparent au corps d’aurélie
Fuyant a tout pris ton malheur
Éloigner ton hégémonie

Cancer dur comme l’acier
Escarre vive, un ulcère
Tu crois en la terre brûlée
Ravage en mes artères

Voyant ton travail de sape
Toujours prête à éclore
En ce jour je te frappe
Pour te passer le mors

À Peine, une faveur
Recouvre ta liberté
Pars et sévis ailleurs
T’ayant déjà tout donné

Sous la contrainte des créatures

Dans mon dernier article traitant de l’écriture de fiction, j’abordais le concept de la création de personnages crédibles. Ils doivent se démarquer les uns des autres et pour ce faire, l’auteur doit cesser de puiser dans ses propres expériences ou lectures passées. Inventer des vies totalement imaginaires auxquelles les lecteurs croiront instantanément reste un exercice pouvant s’avérer complexe et périlleux, mais rempli de satisfaction pour un auteur réussissant ce délicat travail. Parfois, les inspirations adoptent de bien curieux chemins pour atteindre notre conscience. Voici un exemple.

J’avais besoin de créer un être troublé. Une image m’est soudainement apparue de lui et, étrangement, celle-ci prenait peu à peu la forme d’un poème. Une fois l’exercice terminé, je possédais tout ce dont j’avais besoin pour l’insérer dans la trame du livre, son passé, sa façon de penser, son état d’esprit. Lorsque je l’ai inscrit dans l’histoire, j’ai dû respecter son schème en le faisant réagir conséquemment, tout en lui fabriquant un discours représentatif de sa nature. Ma créature était devenue autonome et m’imposait des choix que je n’avais pas prévus en amont. Le livre prenait ainsi une tournure évolutive orientée différemment de mes désirs initiaux. Le personnage me contraignait à accepter ses réactions naturelles ou à le jeter par-dessus bord et à tout recommencer.

N’ayant pas la possibilité d’insérer le poème, il est devenu orphelin. Je vous le présente, n’hésitez pas à me dire si sa lecture vous transmet une certaine image dudit personnage.

J’abrite la haine

J’abrite la haine
Depuis le jour où je suis né
Depuis le sein trop refusé
Depuis les caresses oubliées
J’ai pleuré à m’en fendre l’âme
J’ai vidé des torrents de larmes
Inutiles solitaires vacarmes

J’abrite la haine
Depuis mes premiers jours d’école
Pris dans ce corps chétif à l’os
Incapable de défendre ce fol
Je vis otage des malins
J’envie les rages du destin
J’emplis d’orages mes deux mains

J’abrite la haine
L’adolescent sans avenir
Les filles aux regards sans désirs
Je me recourbe et je soupire
Je me destine à la violence
Ne me dis pas ce que t’en penses
Tu ne pèses rien dans la balance

J’abrite la haine
L’adulte aussi est pris au piège
Incantations et sortilèges
On me contraint au gris ou beige
Le bonheur toujours en cavale
Tous mes espoirs, je les ravale
Foutu, combat contre le mal

J’abrite la haine
Avec tes sales manigances
Tu crois à ton intelligence
Mais quelle déplaisante résistance
Tu redoutes mon regard oblique
Je confronte ta piètre logique
Remplis de mensonges empiriques

J’abrite la haine
Ce monde est meilleur pour les autres
Ni prédicateur ni apôtre
Une vie heureuse si tu te vautres
Mes pensées n’intéressent personne
Elles dérangent trop pour qu’elles résonnent
On les abrille ou les maçonne

J’abrite la haine
Funeste tsunami d’émotions
Volcanisme en ébullition
Nucléarisé champignon
Surtout ne me fais pas rager
Je t’explose sans même broncher
Humanité déshumanisée

J’abrite la haine
Je hais ce monde et ses sujets
Je hais les rois et leurs laquais
Je hais mes voix et leurs secrets
Je hais les merveilles en exil
Je hais mon existence futile
Je hais l’univers inutile

J’abrite la haine

Haïr la haine

Haïr est un verbe chargé de sens, un verbe lourd de sens. Je ne parle pas de détester ou tout autre substitut édulcoré. Haïr ne souffre d’aucun substitut. C’est un superlatif puisqu’il ne laisse place à aucune nuance. C’est un verbe à utilisation restreinte, car il est à destruction massive. Il a donc tout d’un verbe qu’on devrait… haïr par-dessus tout.

Les personnes haïssables sont celles qui incitent à la haine. Ainsi, ce verbe et ses nominatifs, adjectifs et adverbiaux s’autoalimentent, ils n’existent que parce qu’ils sont autoréférentiels.

Peu importe notre éducation, nous sommes tous confrontés un jour à avoir des pensées haineuses. L’important est de rapidement dégonfler ce ballon, ce que la plupart des gens réussissent naturellement à faire. Pour les autres, ils la cultivent et récoltent donc ses fruits qu’ils projettent tout autour d’eux. Le problème se situe à ce niveau. Car pour se débarrasser des gens haineux, on doit finir par les haïr et donc commettre les mêmes crimes que ceux pour lesquels on les juge. Ils ont donc réussi à nous faire ressentir une émotion qu’on se refuse et qu’on leur refuse.

C’est pourquoi il n’existe qu’une seule solution. C’est de ne haïr qu’une seule chose, c’est la haine elle-même, ses porteurs et ses promoteurs. Rien de plus. Ainsi, le cercle autrefois vicieux aura une origine externe et un aboutissement interne. Pourvu que l’on partage tous la même définition de ce qu’est la haine.

À cause de cette impossibilité de la définir de façon univoque, voilà une autre excellente raison de haïr la haine! »

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