Luminosité orchestrale

On rencontre parfois des musiciens de talent qui semblent avoir compris quelque chose de différent et qui marquent les œuvres interprétées d’un caractère céleste et infusant à l’auditoire une béatitude planante que seuls des musiciens d’exception parviennent à engendrer. Maestro Nézet-Séguin est l’un d’eux. La sensibilité qu’il insuffle à son orchestre, l’Orchestre Métropolitain de Montréal, s’apparente à de la magie. Ton badin ou contemplatif, accents de piété ou de sombreur, marques d’humour ou de douleur, sa musique est ressentie telle qu’il l’exige de ses musiciens. À la fin d’une représentation, le sourire fendu jusqu’aux oreilles, les tutti prouvent hors de tout doute que leur principal interprète est parvenu à leur soutirer le maximum et le meilleur d’eux-mêmes.

Cet orchestre a présenté hier soir leur premier concert en sol étranger et voici l’introduction de la critique musicale de Mario Girard de La Presse avec un lien vers l’article entier. «On m’avait dit que le public de Dortmund, en Allemagne, du moins celui de la musique classique, était sage, limite ronfleur. Je ne sais pas si quelqu’un a mis de l’ecstasy dans les verres des 1500 spectateurs du Konzerthaus venus entendre hier soir l’Orchestre métropolitain de Montréal et Yannick Nézet-Séguin, mais ceux-ci ont offert un accueil délirant aux artistes montréalais.»

Ce genre d’effet ne représente plus une exception, mais plutôt la normalité dans la vie de cet ensemble musical. Partout où ils passent, l’orchestre et son maestro galvanisent et conquièrent les auditoires les uns après les autres. Certains soirs, on se croirait à un concert rock tellement la salle livre des applaudissements et des cris nourris. Pourtant, quand on pense à la moyenne des gens qui fréquentent ces salles, un public plutôt âgé et fort peu déplacé, il se passe quelque chose d’unique et surtout d’extrêmement talentueux.

Une erreur souvent faite par certains maestros est d’augmenter les tempi afin de plaire aux plus jeunes, incapables apparemment d’apprécier la lenteur des choses. J’en parle dans un autre article à paraitre très bientôt. Mais l’Orchestre Métropolitain se garde bien de succomber aux chants des sirènes. Alors, que font-ils pour réinventer l’interprétation des œuvres bien souvent pluricentenaires? Je parlerais de luminosité. Chaque instrument est exploité comme si son porteur était voué à accomplir une action héroïque. On a très, et trop souvent pensé que la musique symphonique devait générer l’équivalent d’un seul et vaste instrument polyphonique. Ce n’est pas totalement faux, mais pas nécessairement vrai. Chaque soliste dans l’orchestre exploite au mieux ses talents. On le sent surgir de l’ensemble pour livrer un moment de musique unique pour ensuite retourner produire la sonorité symphonique alors qu’un autre soliste prend sa relève avec le même désir de s’élever tout en étant transporté par ce flot continu de notes et d’accords. Le total de l’ensemble est plus grand que la somme des parties. On appelle cela de la synergie et en musique, cela devient la qualité d’une prestation symphonique basée sur des talents individuels au service de l’œuvre et Nézet-Séguin permet à tous ces talents de se cristalliser en un ensemble cohérent et scintillant.

Bien souvent, on parle des musiciens d’orchestre comme étant moins talentueux que les concertistes et qu’ils acceptent par dépit un poste au sein d’un orchestre. Les concertistes se vouent à une variété d’œuvres choisies alors que les musiciens d’orchestre se voient appelés à jouer une bien plus vaste sélection d’œuvres musicales. Les talents des deux types de musiciens sont différents, mais pas moins exigeants. Nézet-Séguin rend hommage à son orchestre à chaque spectacle, car le maestro ne serait rien sans lui. Cette marque de reconnaissance est totalement sincère et ses musiciens le ressentent et le lui rendent par des prestations exceptionnelles. Je suis totalement convaincu qu’aucun d’entre eux ne voudrait se voir actuellement concertiste, car la place qu’ils tiennent dans l’orchestre est vue et entendue comme étant non seulement importante, mais grandiose.

Photo: yannicknezetseguin.com

L’OSM OSE

Vous reconnaissez ce sigle ? Non, ce n’est pas l’Organisation mondiale de la Santé. L’ordre des lettres diffère. Pas l’osmose, mais l’OSM ose. On touche maintenant au but. Oui, car l’OSM (l’Orchestre Symphonique de Montréal) ose nous présenter des concerts absolument divins. Et surtout, dans une salle exceptionnelle, extraordinaire, la Maison Symphonique de Montréal à la Place-des-Arts.

La musique classique a ses adeptes et ses détracteurs, je n’en ferai pas le sujet de cet article. Mais sachez qu’on retrouve régulièrement des artistes populaires de chez nous venus s’exercer à jouer avec l’Orchestre ou présenter des textes accompagnés de musique de circonstance. Que vous préfériez le rock, le métal, le hip-hop, le country ou… le classique, vous devez vivre au moins une fois l’expérience d’une matinée ou d’une soirée à la Maison Symphonique. Vous verrez, elle sera non seulement étonnante, mais absolument délirante.

Imaginez n’avoir mangé que des patates depuis toujours et soudainement, on vous convie à un festin gastronomique. La comparaison n’est pas si éloignée de la vérité. Vous n’aurez jamais entendu la musique être restituée de façon aussi divine et poignante. Sans aucun artifice technologique autre que celui des instruments, de la salle et de la virtuosité des musiciens, peu importe l’endroit où l’on se situe, les harmonies nous enveloppent, nous transportent et nous émeuvent au plus profond de notre âme.

Choisissez un concert, n’importe lequel, mais de grâce ne boudez surtout pas votre plaisir de ressentir la musique comme vous ne l’avez jamais vécue. Et si, par-dessus le marché, vous choisissez une œuvre mettant en scène l’incroyable orgue Casavant comprenant 6489 tuyaux, un tout petit peu plus qu’une flûte de Pan, alors là, vous vivrez la totale.

Si je vous ai convaincu d’aller y faire un tour, arrivez tôt et attardez-vous à admirer la beauté de la salle, la sobre douceur de son bois, ses proportions parfaites, ses formes invitant à l’épouser le temps de laisser les notes, même les plus délicates, vous envahir totalement. Elles persisteront longtemps après la fin du concert et certaines ne vous quitteront plus jamais. Le seul aspect moins plaisant, je l’avoue, c’est l’irrépressible sentiment d’avoir beaucoup trop attendu avant d’y avoir mis les pieds. Je prends donc maintenant les bouchées doubles. De fabuleuses soirées m’attendent et vous attendent tout autant. Allez-y hardiment et vous vous découvrirez un tout nouveau sens, celui de l’écoute, celui qui n’a jamais vraiment bien écouté, celui qui saura maintenant apprécier l’art musical dans ses formes les plus symphoniques.

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