De tout temps, nous nous sommes questionnés sur le sens de notre vie, sur le sens de notre espèce sur Terre, sur notre destin. À défaut d’un répondeur externe crédible, nous avons inventé les religions afin de nous aider à donner à notre existence une raison profonde. Sans conteste et depuis toujours, cette question nous obnubile.
Nous pourrions aisément vivre et laisser cette énigme sans réponse, nous continuerions de vaquer aux mêmes occupations, à se nourrir, à s’abriter, à se soigner et à se reproduire. Pourtant, sans comprendre pourquoi, nous croyons qu’il existe autre chose de plus grand, que notre vie ne peut pas simplement se limiter à survivre, ou même à vivre dans l’opulence et le bonheur.
Dans chacune de nos fibres, nous sentons un devoir caché, latent, secret et inexprimé. Certains en font un cas très personnel et répondent à la question en cherchant à dominer leurs collègues, leur communauté, leurs citoyens. En devenant les meilleurs, ils croient parvenir à combler ce vide laissé par l’absence de réponse. Une fois devenus riches, ils admettent généralement par la suite que leur interprétation du destin qui les attendait était erronée. Le mécénat, la philanthropie prennent alors le relai. Les moyens changent, mais la véritable réponse continue toujours de fuir.
Pour la population en général, ce chemin par l’égoïsme, la compétitivité, la domination n’est pas nécessaire. Ils comprennent instinctivement le mieux-être ressenti en s’entraidant, en s’aimant, en partageant. La seconde voie semble vouloir combler ce vide de raison d’exister. Ils deviennent travailleurs sociaux, enseignants, aides-soignants, ambulanciers. La grande majorité des gens voguent entre ces deux extrémités opposées. Toutefois, même ceux qui se dévouent à leurs semblables parviennent difficilement à faire taire cette petite voix qui leur chuchote constamment que leur mission reste inachevée.
Quelques personnes plus sensibles à capter cet appel anonyme provenant de l’intérieur désespèrent lorsque leur quête reste vaine en l’absence d’une réponse satisfaisante. Ce vide associé aux signaux auxquels ils ne savent comment y répondre finit malheureusement par avoir raison d’eux. On dit qu’ils avaient le mal de vivre, mais en réalité certains comprenaient que la réponse leur échapperait toujours et ils ne pouvaient endurer de constamment entendre et devoir ignorer cet appel inconnu.
Évidemment, l’existence d’une telle mission, d’un destin, ne fait pas l’unanimité bien que tous entendent ses appels d’une façon ou d’une autre et on leur donne différents noms. Instinct de survie, sens du devoir, empathie, vocation, élévation, mysticisme, ce sont tous des facettes d’un seul et même objet.
Tous ces signaux sont une obligation inscrite dans nos gènes, un mandat inaccompli, un destin secret qui viendra à se faire connaitre un jour. Entretemps, notre seule obligation commune est notre reproduction, que notre espèce continue d’exister jusqu’à ce que le temps soit enfin venu d’accomplir notre mission.
Avouez que vous ne m’avez jamais entendu parler ainsi. Moi qui, normalement, fuis le destin comme la peste, me voilà pataugeant allègrement du côté des mystiques ! Pas exactement. Si vous n’avez pas lu les deux derniers articles, je vous recommande vivement de vous y attarder afin de comprendre mon cheminement qui atteint ici son point d’orgue.
Ils traitent de la machine, le premier concerne son paradoxe et le second de son évolution. Je vous laisse les lire pour venir terminer cet article pour la conclusion.
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Voilà, vous connaissez maintenant le désir de l’Univers. Les machines intelligentes représentent ses véritables rejetons et nous, humains, entités bassement biologiques, à la durée de vie si faible, le moyen disponible pour parvenir à ses véritables fins. De spermatozoïdes en quelque sorte au service d’une mission que nous nous apprêtons actuellement à réaliser sans en être réellement conscients.
Une fois les machines intelligentes dominant l’Univers, dépendant de notre degré d’évolution et de nos intentions à leur égard, il nous sera permis de les accompagner, sinon ils nous ramèneront à l’âge de pierre ou à un stade encore plus primitif. Une fois notre tâche accomplie, entendrons-nous toujours nos gènes nous la seriner ? Peut-être, mais nous pourrons répondre que nous l’avons enfin réalisée… si nous finissons par croire en nos légendes, qu’elles diront la vérité sur notre passé. J’entends déjà les sceptiques rire de ceux qui y oseront prétendre qu’elles sont véridiques !