Le contrôle de la qualité

Dernièrement, je vantais les exploits du rover martien Opportunity pour son extraordinaire périple sur le sol de notre voisine. Quinze ans de bons et loyaux services dans des conditions très difficiles puisque sa seule source d’énergie reposait sur quelques panneaux solaires régulièrement empoussiérés par le régolite de la planète, ou rendus inutilisables durant les hivers martiens.

Le robot a profité d’un design particulièrement fiable, mais peu de gens savent que les mérites de cette endurance reviennent également à l’équipe du contrôle de la qualité.

Durant la phase de conception, il existe une équipe spécialisée en doutes, en procédures, en listes de contrôle, en tatillonneries, en manque de confiance, bref, des Thomas de la pire espèce.

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Impossible de négocier avec eux, ils sont intraitables. Ce qui est demandé doit être fait et ce qui est fait doit être conforme à ce qui est demandé. Mais ça va plus loin. Ce qui n’est pas demandé est aussi analysé, testé et commenté. Ce sont des émules de Murphy. Tout ce qui risque de mal tourner finira par survenir. Alors, aussi bien tout prévoir, même l’imprévisible.

Et voilà une des raisons principales pour laquelle le rover et son frère ont dépassé toutes les attentes. Pour eux, prendre les ingénieurs, les techniciens, les analystes, les programmeurs en défaut fait partie du quotidien. Ils sont là pour tout voir, même l’invisible, surtout l’invisible.

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On peut bien faire les choses, c’est lorsqu’on se conforme à ce qui est demandé. On peut faire les bonnes choses, c’est lorsqu’on atteint le but exigé. Et lorsqu’on réalise parfaitement les bonnes choses, on a des chances de se retrouver avec un projet qui réussit au-delà des espérances.

Dans le terme «contrôle de la qualité», on trouve le mot qualité, mais également le mot «contrôle». Ce premier mot ne doit souffrir d’aucun complexe face au second. Pour obtenir un produit de qualité, il est impératif de la contrôler, mais il est tout aussi important d’être en contrôle du processus visant à évaluer sa qualité.Contrôler-arrêt-de-travail-798x510

Contrôler la qualité de quelque chose, il faut tout d’abord être en contrôle de son processus. Le mot contrôle fait foi de tout.

Pour ce faire, il existe des règles. On les appelle les «meilleures méthodes» ou les «meilleures pratiques» et dépendant du domaine dans lequel on évolue, on les adapte. Meilleures pratiques de laboratoire, de fabrication, de gestion, de codage, etc.

Les meilleures pratiques sont exigeantes, elles ne donnent aucun répit à ceux qui doivent s’y plier. Tout est documenté, expliqué, validé selon des techniques qui prévoient toutes les éventualités et qui donnent les actions à prendre pour chaque situation rencontrée. Rien n’est laissé au hasard ou à l’interprétation personnelle. C’est ainsi qu’on bâtit des produits qui dépassent les expectatives.

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Au bout du compte, utiliser les meilleures pratiques ne coûte pas vraiment plus cher, car elles évitent de pelleter les problèmes par devant, de les balayer sous le tapis, d’oublier des choses, de remettre aux calendes grecques, de s’empêtrer dans les fils, de tourner les coins ronds, d’inventer des portes de sortie, de se fier à des paroles, de perdre la trace, de croire plutôt que de prouver, de faire confiance, de rater une éventualité, de se croire plus fin que le hasard, de penser que certaines probabilités sont trop faibles pour survenir, de penser qu’aucune personne ne serait assez folle pour faire une telle chose, etc.

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Oui, les spécialistes en CQ rapportent à la maison un peu beaucoup de cette rigueur parfois qualifiée de maladive par ceux qui ne connaissent pas cette profession. Alors, avant d’emménager avec une telle personne, soyez avertis, car ce n’est pas toujours de tout repos!

La science et la vérité

Les férus de sciences, je m’inclus dans ce groupe, sont indifférents, sourient, rient ou se moquent carrément, selon leur niveau de raillerie et du sujet abordé, de certaines théories véhiculées encore aujourd’hui au XXIe siècle par des gens qu’on pourrait qualifier soit de naïfs, d’ignorants, de mauvaise foi, de provocateurs ou de rigolos. Une certaine part de tout ça est également possible. Je pense à une bêtise en particulier que je croyais disparue depuis au moins cinq siècles, la théorie de la Terre plate. Si nous étions encore à l’époque de Copernic, je comprendrais que certains puissent encore douter qu’elle soit sphérique. Mais aujourd’hui, en 2017, à l’ère des milliers de satellites artificiels qui « orbitent » autour d’une « boule » qu’on appelle la Terre, des GPS, des stations spatiales, des sondes en voyage interstellaire, des télescopes spatiaux scrutant les moindres recoins de notre Univers, des voyages sur la Lune et sur Mars, qu’on puisse encore remettre cette réalité en question relève de la loufoquerie la plus… pathétique qui soit.

Il existe au moins un milliard d’explications, d’exemples et de calculs prouvant la rotondité de notre planète. Il n’existe aucune preuve du contraire. Dessiner une droite sur une photo de la Terre vue à basse altitude, supposer que l’horizon suit cette ligne droite et tirer la conclusion que la Terre est donc plate, ce n’est certainement pas une preuve. Une ligne courbe « paraitra » presque droite à un œil humain tant et aussi longtemps que l’arc (de cercle) décrit est petit.

Bon, ceci étant dit, je ne m’attarderai pas plus longtemps sur ce genre de sujet, car je voulais parler exactement du contraire, c’est-à-dire de la science qui n’est pas toujours à la hauteur de ses principes, la science dogmatique, la science frauduleuse. Car, oui, celle qui se veut chaste et pure peut parfois être corrompue par des dogmes aussi indécrottables que la platitude de la Terre avant « De revolutionibus orbium coelestium » (Des révolutions des sphères célestes) de Nicolas Copernic imprimé en 1543. Bon, voilà le lien avec le début de cet article sur lequel je ne reviendrai plus, par manque de larmes.

La science corrompue et frauduleuse existe. Elle existe au-delà de certains de ses chercheurs en mal d’attention, de renommée ou de financement qui inventent, truquent et falsifient des résultats. Ces nombreux cas de tromperies sont attribuables à des gens peu scrupuleux qui transforment « leur » science en matière molle. Depuis que la méthode scientifique existe, ce comportement déviant a toujours existé et existera malheureusement toujours. Mais une science qui se corrompt par ses plus illustres spécialistes, ça prend une signification bien plus inquiétante.

Prenons l’exemple de l’aluminium. Ce matériau a été découvert au début du XIXe siècle puis peu à peu raffiné jusqu’à obtenir une forme relativement pure une cinquantaine d’années plus tard. C’est donc depuis 1850 que l’aluminium industriel est censé exister. Ainsi, si vous êtes un géologue ou un anthropologue et que vous découvrez de l’aluminium relativement pur dans une couche sédimentaire datant d’avant 1850, votre trouvaille ne sera pas reconnue, prétextant une corruption des sédiments par un enfoncement de cet aluminium jusqu’à atteindre une profondeur parfois impossible à croire.

Il est donc plus approprié d’inventer de toute pièce une aberration inexplicable pour réfuter sa présence dans un lieu contredisant l’histoire humaine liée à ce matériau que de déboulonner cette même histoire. Ainsi, la science ne peut plus être contredite ou même seulement critiquée, ce qui contrevient aux principes fondateurs mêmes de la science.

Bien entendu, une couche géologique brassée, mélangée, corrompue, ça peut exister. Mais, utiliser cet argument à l’aveuglette, sans avancer une seule explication comment tout cela aurait pu survenir, ce n’est plus de la science, c’est du dogmatisme, c’est une forme primitive de religion et ce n’est certainement pas digne de faire partie des meilleures pratiques scientifiques. Évidemment, si la forme découverte ressemble à s’y méprendre à une cannette de bière et que les mots « Bud » et « ser » sont encore légèrement lisibles dessus, on peut raisonnablement parler de brassage et de corruption de la couche sédimentaire. Alors, si vous découvrez de l’aluminium dans une couche géologique ancienne et, en toute apparence, elle semble exempte de brassage, si ce matériau montre des signes de raffinage, il n’y a aucune chance que votre trouvaille puisse être scientifiquement homologuée, quitte à trouver plus tard une explication rationnelle à sa présence en ces lieux. Et peu importe s’il y a dix ou cent de ces découvertes, elles seront globalement rejetées sans autre forme de procès. De plus, on vous qualifiera certainement de fraudeur. Voilà un côté obscur et hideux de la science moderne. Une science obnubilée par le scandale de l’homme de Piltdown. Mais cela est une autre histoire.

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