Une journée d’été magnifique, un peu trop chaude à mon goût, malgré un mercure indulgent. Le soleil bénéficie de l’air relativement pur pour mieux nous assommer. Ma casquette endure l’épreuve en silence, mais pleure tout de même quelques larmes de sueur.
Vous voyez dans cet article des clichés que je viens de réaliser à deux pas de chez moi à Montréal. Le plan d’eau, c’est la rivière des Prairies, un bras du fleuve Saint-Laurent ceignant la rive nord de l’ile de Montréal. La largeur de la rivière à cette hauteur atteint environ un kilomètre.
Le niveau de cette rivière et celui de son affluent demeurent très bas à cause de la chaleur et du manque de précipitations. Le débit du seul émissaire des Grands Lacs est régulé par une série de barrages contrôlant les niveaux des cinq immenses résidus d’eau douce de la dernière grande glaciation. La linéarité du fleuve exempt de méandres confirme sa jeunesse, mais aussi que son eau coule dans une faille géologique majeure, la faille Logan, séparant les Appalaches au sud du bouclier Précambrien au Nord.
À cette hauteur, les rives sont gardées à leur état naturel et les oiseaux aquatiques viennent y nicher en grand nombre. Canards noirs, colverts, branchus, huards, pluviers, hérons et mouettes n’ont pas à se disputer le territoire beaucoup plus vaste que leurs besoins. Ça ne les empêche pas toutefois de participer à des petites sauteries en groupe où leur promiscuité contraste avec la vastitude des paysages. La grégarité se décline chez bien des espèces autres que l’humaine.
Les bosquets environnants regorgent d’oiseaux discrets, parulines, sittelles, chardonnerets, mésanges et étourneaux, mais la chaleur les cloue sur place, les rendant invisibles puisque les prédateurs rôdent en permanence. Le parc se situe à une dizaine de mètres au-dessus du niveau d’eau actuel. Au printemps, la rivière en crue atteint sa bordure. Le boulevard Gouin tout près est parfois inondé. La différence des niveaux saisonniers est impressionnante, et ce malgré les barrages régulant les débits. Maintenant, c’est tout le contraire et la navigation de plaisance peine à éviter les hauts-fonds. Tant mieux, ça fait moins de moteurs pour la polluer.
Le temps de rebrousser chemin est arrivé, confirmé par le niveau d’eau dans ma petite bouteille. Je dévisse mon trajet jusqu’à l’appart, heureux de la promenade, mais aussi d’une fraicheur retrouvée.
Je vois la vie comme à bord d’un voilier. Aussi plaisante que soit la navigation où le marin découvre des mers et des iles magnifiques, il n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il jette l’ancre dans une anse qui lui servira de havre.