Je t’ai crue en crue

À l’instar de la rivière, le noyé coule vers d’insondables lointains.

Début mai, les eaux de la Rivière-des-Prairies gonflent sans vraiment présumer des conséquences exactes. D’année en année, son niveau fluctue entre la bénignité et la catastrophe. Encouragé par la fonte des précipitations accumulées durant l’hiver, le cours d’eau s’enorgueillit parfois au-delà de la bienséance.

Journey’s End

Cette année, les berges et les terrains riverains souffrent peu de ses écarts annuels. Ils ont juste été suffisamment inondés pour entasser toutes sortes de débris naturels ou anthropiques. Troncs, branches, branchages et copeaux mêlés de bidons, gobelets, masques et autres débris les accompagnent, le tout gisant en amas à la limite de la crue des eaux. La proportion des uns et des autres donne un aperçu de la négligence humaine.

Les bernaches sont de plus en plus nombreuses à s’entasser sur les rives qui ont vécu le ravage causé par les blocs de glace des embâcles. Ces chevaux-blancs ont maintenant abandonné les lieux pour se consumer en direction de la mer, laissant le champ libre aux majestés ailées.

La plupart des promeneurs ont compris l’importance de ne pas nourrir les oiseaux. Ils les observent à distance malgré la fâcheuse habitude des volatiles à envahir le parc pour se nourrir alors qu’il existe une multitude de terrains à l’état sauvage en mesure de leur offrir herbe, sécurité et tranquillité. Mais les bernaches elles aussi préfèrent se pavaner. Les femelles se préparent à pondre dans un nid construit à même le sol et parfois situé un peu trop près du passage des humains et de leur chien. Mais qui sommes-nous pour juger ce comportement téméraire alors que nous nous établissons au pied des volcans ?

Sans vraiment être en état de contemplation, j’observe la rivière prenant les airs d’un fleuve grandiose. Occasionnellement, elle écume blanc face aux assauts des vents frais d’ouest. Même si beaucoup d’eau passe sous ses ponts, elle résiste plutôt bien à l’envie de modifier son parcours, et ce malgré ses sautes d’humeur printanières. Le reste de l’année, elle continue à se la couler douce dans son lit.

Que de beautés dans cette force tranquille et pourtant indomptable ! Oui, nous pouvons la harnacher, retenir ses eaux et même la dévier, mais nous ne pourrons jamais l’empêcher de se déverser d’une quelconque façon. Elle a précédé notre arrivée et elle nous survivra. Pour elle, la présence humaine ne sera rien de plus qu’un court intermède durant lequel elle aura été légèrement bouleversée par nos agissements, mais également par notre fragilité, car il est si facile de s’y noyer !

À l’instar de la rivière, placide, j’écoule… les jours.

Maudite mégère de mer…le

Cette histoire n’est pas un conte. C’est un vendredi après-midi, je tente de relaxer au camping alors qu’il fait froid, humide, venteux et qu’il pleut. Bref, un temps idéal pour les canards, moins pour les humains. Comme à mon habitude, je commence à écrire quelques lignes sans trop penser au mauvais temps. La nature a besoin de pluie, je lui dois ma respectueuse placidité.

La pluie incite les vers de terre à sortir du sol, le temps idéal pour les merles de faire leur épicerie. J’aperçois un mâle juché sur un poteau de clôture. Il fait le beau, l’important, avec sa gorge bien colorée puisque nous sommes à la pariade. Il chante sans trop s’égosiller, je le soupçonne de vouloir attirer une compagne.

Et voilà justement une femelle qui atterrit sur la pelouse pas très loin du mâle. Elle est beaucoup moins flamboyante que lui, je la trouve même terne et hirsute. Le mâle quitte son juchoir pour aller se poser pas très loin d’elle. J’anticipe un début de cour, mais je me trompe. Je conclus très vite qu’ils forment déjà un couple et voici mes raisons de le penser.

La femelle ne fouille pas le sol, elle se contente « d’invectiver » le mâle sans discontinuer. Celui-ci n’y porte pas trop attention. Il se contente d’observer les alentours sans trop de conviction. Sa mission de découvrir de juteux lombrics semble plombée par les cris enroués de sa compagne.

Je me questionne. Comment un aussi joli jeune mâle s’est-il uni à cette espèce de mégère apparemment sur son retour d’âge ? Comme pour me conforter dans mon analyse, le mâle reprend sa position au sommet du poteau, il chante en dansant, probablement pour attirer une autre femelle sans partenaire. Malheureusement pour lui, aucune autre candidate ne pointe le bout de son bec. Tournée vers lui, la femelle au sol intensifie ses vociférations. Elle n’accepte pas du tout cette démonstration de masculinité.

Dépité, l’oiseau retourne au sol sans conviction. Sa détestable compagne s’en rapproche bourrée de reproches. La patience du mâle a-t-elle atteint sa limite ? L’élastique de la mienne est déjà bien étiré. À sa place, je l’aurais subitement planté là en m’envolant très loin d’elle pour ne plus y retourner.

C’est à ce moment précis que le mâle a un comportement que je n’aurais jamais imaginé. Avec le bout de son bec jaune vif, il lui donne quelques petits coups sur le sommet du crâne. Rien de violent, rien de bien méchant, juste une sorte de subtil signal qu’il en a plein le gésier et qu’elle ferait mieux de cesser ses récriminations.

Le message semble avoir été partiellement compris. La chipie espace ses cris par de longs silences sans toutefois y mettre définitivement un terme. Le mâle retourne se pavaner en hauteur au vu et au su de sa femelle. Sa fidélité ne lui est sûrement pas acquise. Il regrette certainement sa faiblesse d’avoir choisi cette détestable compagne.

Par la suite, je n’ai plus revu ce ménage bizarrement apparié. Le désagréable comportement de la femelle était-il dû à un état de santé dégradé comme ses plumes pouvaient le laisser supposer ? Le mâle s’était-il donné le mandat de rester avec elle à cause de son état fragile ?

Je n’ai pu faire autrement que de dresser un parallèle avec des couples d’humains. Je ne peux pas croire que les oiseaux et tous les animaux n’ont aucun sentiment comparable aux nôtres. Observer leurs comportements fournit la preuve du contraire.

Ici, l’indulgence et la patience du mâle étaient évidentes, et ce malgré ses désirs manifestes de copuler avec une pimpante jeunesse. À l’opposé, l’âge ou l’état de santé de la femelle semblaient causer ce comportement exaspérant. Je n’ai plus jamais constaté pareils agissements chez aucun autre couple d’oiseaux.

Voilà comment une journée des plus moche m’a procuré un éblouissant souvenir. Alors plutôt que de maugréer des insultes au temps, donnez-lui l’occasion de manifester des beautés inattendues. Car de la pluie naissent les plus jolies fleurs, pourvu que vous preniez le temps de les observer sereinement.

Catena et cousinage

Cousins
Les Québécois et les Français se considèrent souvent comme étant des cousins. Provenant majoritairement de la Bretagne, plusieurs individus ont bravé une longue et éprouvante traversée pour prendre pied et pays en Nouvelle-France.

Plusieurs siècles plus tard, nous continuons de partager une langue commune, plusieurs artistes et autres personnalités. Aujourd’hui et depuis très longtemps, les descendants de ces premiers colons ne forment pas, ni n’appartiennent à la diaspora française. Les Québécois de « souche » forment un peuple individuel et bien que leurs racines furent autrefois plantées en France, les boutures nord-américaines ont créé leur propre espèce, leur propre nation.

Catena
Le mot « catena » provient du latin. Il signifie « chaine ». Son pluriel est « catenae ». Ne jouez pas ce mot au scrabble, il n’apparait pas dans les dicos standards. Cependant, l’Union astronomique internationale (UAI) l’utilise officiellement pour désigner une chaine de cratères d’impact (astroblèmes) ou de dépressions causées par un même phénomène.

On se souvient de la catena causée sur Jupiter après la dislocation de la comète Shoemaker-Levy 9 en 1994. Sur Terre, la plupart des astroblèmes ont disparu. Moins de 200 sont recensés. Dans ces conditions de déficit, les catenae reconnues sont encore bien plus rares.

Œil du Québec
Ainsi surnommé, l’immense astroblème de Manicouagan a été daté de 214 (± 1) millions d’années. Il est répertorié au cinquième rang de tous les astroblèmes terrestres avec ses 100 km de diamètre. Il a été formé par la chute d’une énorme météorite d’environ 4 à 5 km de diamètre et on la soupçonne même d’avoir été l’une des causes potentielles de l’extinction Trias-Jurassique.

Paléogéographie
C’est la discipline scientifique consistant à reconstituer la position des continents sur le globe au fil des ères géologiques. Sachant maintenant que toutes les terres se déplacent les unes par rapport aux autres, il est possible de reconstituer ces puzzles du passé grâce à plusieurs évidences dont le paléomagnétisme imprégné dans les roches constituant les sols d’origine.

La paléolatitude de l’astroblème de Manicouagan à l’époque de l’impact a été évaluée à 22°8′ dans l’hémisphère nord.

Rochechouart
Cette commune française située en Nouvelle-Aquitaine possède également un gros astroblème de 20 km de diamètre nommé Rochechouart-Chassenon. Il a été causé par la chute d’une météorite d’environ 1 km de diamètre. La collision remonte à peu près à la même époque que celle de Manicouagan. De plus, les deux paléolatitudes coïncideraient.

Est-ce une catena ?
Alors, ces deux cratères d’impact forment-ils une catena ? On l’a longtemps cru puisque les différentes datations en tenant compte des marges d’erreur pouvaient le laisser supposer. Cependant, les datations modernes disent peut-être le contraire. La plupart des méthodes utilisées donnent au cratère de Rochechouart-Chassenon un âge plus jeune que Manicouagan, soit de 180 à 206 millions d’années dans le meilleur des cas. On reste tout de même assez éloigné du 213 ou 215 millions d’années de l’œil du Québec.

Faux cousins
Comme les peuples français et québécois, ces deux astroblèmes géants ne sont peut-être que de faux cousins. Il faudrait peut-être encore affiner les datations afin de s’en assurer. Quoi qu’il en soit, que ces deux astroblèmes aient une origine cosmique commune ou non, nous partageons cependant une réalité similaire. Quelque part sur notre territoire, à peu près à la même époque, le ciel nous est tombé sur la tête. Pas étonnant d’être les uns comme les autres de vrais descendants des Gaulois.

Comment nous avons perdu le combat pour le climat

Les climatosceptiques ont convaincu une bonne partie de la population et surtout les politiciens de ne rien entreprendre en matière de protection de l’environnement en usant de démagogie et d’arguments fallacieux. 

Leur technique repose sur l’expérience acquise avec le tabac qui a permis aux entreprises cigarettières de retarder la reconnaissance de la nuisance des fumées pour la santé durant plusieurs décennies. Premièrement, tout nier en bloc. Ensuite, pleurnicher en plaidant l’économie, les emplois, les libertés individuelles. Ensuite, acheter l’intégrité de certains chercheurs en finançant leurs travaux. Et enfin, dénigrer les études les plus sérieuses en criant à l’impossibilité des prédictions inquiétantes en vociférant des insultes comme « alarmistes, farfelues, abjectes, contreproductives » et j’en passe des meilleures.

Dans l’autre plateau de la balance censé faire contrepoids à cette guérilla démagogique, le GIEC édulcorait son discours, le fleurissait de minauderies, d’ellipses, allégeait les prédictions en choisissant systématiquement parmi la panoplie d’études, celles qui paraissaient les moins graves et ainsi les moins probables à survenir.

Dans une confrontation à l’issue fatale pour l’humain comme celle mettant en jeu le climat de la planète, la justesse et la précision des arguments ne comptent pour rien du tout. Les climatosceptiques n’ont eu aucun remords à mentir effrontément en criant au scandale et à la fraude scientifique alors que c’était eux qui baignaient hardiment dans cette fange nauséabonde. S’il est honorable d’opposer une fleur à un bazooka, la candeur n’a jamais gagné aucune guerre.

Parlez-en aux Ukrainiens. Lorsque vous ne choisissez pas de faire la guerre, lorsqu’elle vous est imposée, soit vous vous écrasez, soit vous vous battez. Et si vous choisissez le combat, soyez certains qu’aucune demi-mesure ni aucune fleur ne vous sauvera. Seul le plus motivé des défenseurs aura une quelconque chance de gagner la bataille.

Craignant par-dessus tout d’être considéré comme étant alarmiste, de peur de ne pas être pris au sérieux, le GIEC nous a fait perdre la guerre que nous lui avions demandé de gagner pour le bien et la survie de l’humanité. Maintenant, cet organisme pantelant ne sert plus qu’à observer les conséquences de nos lâches inactions motivées par l’enfouissement des véritables signaux d’urgence. Aujourd’hui, ils constatent et comparent les résultats à leurs prédictions effectuées au fil des ans. Et devinez quoi ? La réalité les dépasse largement, évidemment, puisqu’elles avaient été systématiquement mitigées.

Un menteur éhonté dira systématiquement que ce sont les autres qui mentent. Alors, si nous traitons les climatosceptiques de menteurs, nous ne nous distinguons plus d’eux. C’est pourquoi dans un conflit, le poids de la vérité est totalement nul. Il faut simplement combattre de toutes nos forces en fourrant dans la machine de guerre toute notre énergie et malheureusement ne pas se soucier des « qu’en dira-t-on ».

Le GIEC a choisi une autre tactique éminemment perdante en brandissant la sincérité et en plus, grandement édentée. Leurs responsables n’ont certainement pas fait West Point, Saint-Cyr ou Saint-Jean, car ils auraient tôt fait d’apprendre que la première victime d’une guerre est et sera toujours la vérité.

C’est pourquoi, en temps de conflit, utiliser la vérité comme arme ultime revient à aligner un mourant tenant une lanterne en étant vêtu de blanc. Il n’a aucune chance de ne pas se transformer en cadavre qui ne servira strictement à rien d’autre qu’à montrer à son opposant son éblouissante incompétence au combat.

La beauté du faucon pèlerin

De tous les oiseaux évoluant à nos latitudes intermédiaires, certains présentent une beauté touchante. J’élimine volontairement le corbeau de cette liste par souci d’équité envers les autres représentants de cette classe d’animaux dite « Aves ».

Bien que le canard branchu, le chardonneret, le cardinal, le geai bleu, l’oriole de Baltimore, le harfang ou la mésange charbonnière soient des plus spectaculaires, que dire du faucon pèlerin ?

Ici où je vis, niche actuellement un oiseau au sommet de la tour de l’Université de Montréal. Bien que les doigts soient habitués à se délier pour traiter de son apparence générale passablement suggestive, en ce moment, le principal sujet de discussions est cette femelle faucon couvant quatre œufs de couleurs brun et beige. Les nuances de couleurs arborées par ce spécimen m’éblouissent.

Je dois avouer que le bleu s’avère être ma couleur favorite. Non, contrairement à ce que vous pourriez penser, ma couleur préférée, moi, LeCorbot, ce n’est pas le noir, car celle-ci n’est pas une couleur, mais une « absence de couleur ». Pour preuve, mettez des cartons de toutes les couleurs dans une pièce privée de lumière et ils apparaitront tous identiques, c’est-à-dire noirs. Le noir est ce qui reste lorsqu’on a retiré toutes les couleurs.

Vous pouvez admirer cet oiseau et ses comportements en direct sur YouTube. https://youtu.be/ex996QexEfQ

Le premier œuf a été expulsé le 16 avril et le quatrième le 23 avril 2023, donnant une moyenne d’environ 54 heures entre les pontes. La boite de bois a spécialement été conçue pour recevoir l’oiseau qui n’en est pas à sa première année à cet endroit. La première éclosion est prévue pour le 23 mai. D’ici là, l’oiseau devra se nourrir occasionnellement. Ses proies sont les autres oiseaux, y compris les corbeaux, qu’il attaque le plus souvent en piqué. On le dit l’oiseau pouvant atteindre la plus grande vitesse au monde, plus de 400 km/h. Ses proies sont assommées sur le coup et il utilise son bec pour briser les vertèbres cervicales de ceux qui ont réussi à vivre à l’impact de la collision.

La femelle est de taille plus importante que le mâle, une cinquantaine de centimètres pour elle et une quarantaine pour lui. L’envergure dépasse parfois le mètre. Quant au poids, il varie de 600 g pour les petits mâles à 1 300 g pour les grosses femelles.

Étrangement, au Québec, on le retrouve uniquement dans deux petites bandes aux extrémités nord et sud de la province. À l’Université de Montréal, on l’observe depuis 2007. En France, selon Wikipédia, « Le faucon pèlerin sédentaire est surtout présent sur les reliefs montagneux des Vosges, Alpes, Pyrénées, Jura et Massif central. Il a aussi progressé sur les falaises littorales de la Bretagne et reconquis celles de la Normandie, de la Picardie et du Pas-de-Calais. »

Le faucon pèlerin n’est pas grégaire puisqu’il requiert un vaste territoire pour se nourrir et subvenir aux besoins de sa progéniture. Chaque couple est facilement distant de quelques kilomètres.

Il a peu de prédateurs sinon quelques oiseaux de proie. Son espérance de vie dans la nature tourne autour de treize ans. S’il leur convient, ils nichent au même endroit d’année en année. Ils n’aiment pas s’installer dans des lieux à découvert et près du sol, c’est pourquoi ils choisissent généralement des falaises avec un surplomb, sous les ponts ou plus rarement comme ici au sommet d’un gratte-ciel. Noter toutefois à l’Université de Montréal l’installation d’un abri artificiel constitué d’une boite de bois ouverte sur le côté, munie d’un fond rocheux pour imiter un sol naturel et choisi aux couleurs de la femelle pour mieux la camoufler.

Grâce à la caméra web installée à proximité, tout le monde peut suivre en direct l’évolution de la couvaison, les éclosions ainsi que les comportements des poussins et de leur mère jusqu’à leur départ. Espérons que tout se passera bien pour cette belle famille, mais la vie animale reste bien plus cruelle que la nôtre. Il ne faudra pas s’étonner de la disparité entre les oisillons et la préférence de la mère à mieux nourrir les plus vigoureux au détriment des autres puisque quatre œufs s’avèrent une nichée passablement importante pour ce type d’oiseau.

Profitez de ces moments uniques pour partager quotidiennement une quinzaine de minutes d’observation et de discussion avec les enfants. Voir la vie animale en action et en direct, la regarder évoluer jour après jour restera à jamais gravée dans leur mémoire. Et si des moments difficiles surviennent pour l’un ou l’autre des individus, ils permettront d’expliquer les aléas de la vie, ses injustices inhérentes et leurs conséquences parfois désastreuses.

Peut-être cette leçon de vie aidera-t-elle à arrondir les angles les plus capricieux.

Le musher

« Musher » se prononce à l’anglaise : mocheur [mɔʃœʀ], il désigne le conducteur d’un traineau à chiens. Cet article vous aidera à mieux reconnaitre les principaux types de meneurs dans une équipe et à mieux comprendre leurs différences et leurs rôles grâce à l’analogie avec un attelage de traineau à chiens.

J’ai longtemps été directeur d’une base de plein air. L’hiver, les clients pratiquaient le ski alpin, le ski de fond, le télémark, la raquette ou le patin. Certains, plus téméraires ou plus inconscients, allaient jusqu’à tenter l’expérience de la planche à voile sur glace.

Un hiver, j’avais embauché un animateur bien particulier, un musher, et bien entendu avec ses chiens qui étaient, eux, payés en croquettes de poulet. Son traineau faisait la joie de notre clientèle férue d’exotisme innu. Son travail était très exigeant, car entretenir, préparer et entrainer un attelage complet lui prenait tout son temps. On a souvent tendance à idéaliser certains métiers et celui de musher tombe dans cette catégorie. Il ne suffit pas d’aimer les chiens, d’en réunir une flopée et de les atteler au hasard pour obtenir une meute efficace capable de suivre les instructions prononcées par un humain se tenant derrière elle. Et oubliez le fouet qui ne servait autrefois qu’à générer un claquement supersonique, et surtout pas à flageller les tire-au-flanc.

Notre musher était constamment à la recherche de bons chiens qu’il cherchait à obtenir sans se ruiner, quitte à les entrainer plus longtemps. Il m’expliquait qu’un bon traineau est composé de bêtes au caractère et aux qualités bien différentes. De plus, le choix de la position de chacun dans l’attelage s’avère critique. Le gros de l’attelage sans compétence spécifique est placé au centre de l’attelage. Leur position exacte dépend des interactions entre eux. Jeunes avec vieux pour l’expérience et l’émulation, mâles avec femelles pour le désir de plaire, tout amalgame menant à augmenter leur capacité à tirer plus fort et plus longtemps était pris en compte.

Les plus costauds (swing dogs) sont installés plus près de traineau alors que les plus intelligents (team dogs) sont attelés juste derrière le chien leader. Ce dernier est toujours en tête de l’attelage. Ce chien ne fait pas partie des plus forts, bien au contraire. Sa principale qualité est de bien comprendre et d’obéir aux ordres du musher. Il est également le plus rapide afin de toujours rester devant les autres. Son intelligence ne mettra pas en danger l’attelage advenant un ordre pouvant compromettre la sécurité du traineau puisqu’il sait que le musher ne peut pas toujours tout voir. Le rôle crucial du leader fait généralement de lui le chien le plus dispendieux d’un bon attelage.

Au plus près du traineau sont attelés les chiens (wheel dogs) possédant la puissance brute. Grâce à leur grande énergie, ce sont eux qui parviennent à mettre le traineau en mouvement et à franchir les obstacles difficiles. Toutefois ces actions s’avèrent rapidement très épuisantes. C’est pourquoi, une fois en déplacement, le traineau doit poursuivre sa glisse sans s’arrêter, ce rôle étant dédié aux chiens du milieu. Ainsi, tous les animaux travaillent à maintenir l’allure en relayant leurs efforts selon les aléas du terrain pour garder le rythme sans mourir à la tâche.

Parmi les wheel dogs, une place bien particulière est réservée au chien dominant tous les autres, généralement le plus puissant et expérimenté, mais cela dépend surtout de son caractère. Situé au plus près du traineau, il observe et note le comportement de tous les autres chiens et si l’un d’eux ne s’avère pas à la hauteur de ses attentes, il règlera la situation lorsque le musher les détellera.

Un parallèle évident se trace entre un attelage de chiens et un groupe de travail efficace d’humains. Et il est crucial de comprendre une toute première distinction qu’ont entre eux le leader et le dominant. Si mener et diriger le groupe est laissé au leader, alors contrôler et maintenir ou rétablir une situation est la prérogative du dominant.

Le dominant, qualifié de chef de meute, parle peu et agit le moins souvent possible, mais il voit tout ce qui se passe et chaque intervention de sa part s’avère sans appel. Par sa grande expérience et son indicible influence, il amorce le travail et ensuite il comble les passages à vide. Il décerne les compliments tout autant que les mauvaises notes. On ne lui tient pas tête bien longtemps et même le leader se soumet à lui. Chacune de ses interventions en est une qui aurait pu être évitée.

Le leader, lui, sait garder le cap. Il reste fidèle aux ordres du directeur. Il réagit adéquatement si des obstacles se dressent devant l’équipe. Il peut les contourner sans oublier la mission première. Le reste de l’équipe le suit par convention et nécessité plutôt que par la crainte qu’il ne dégage pas. On se fie cependant à son jugement, et plus encore si un deuxième leader lui vient en appui, le soutient et le remplace parfois. Il évalue l’ensemble de l’effort fourni, mais sa place en tête de convoi atrophie grandement ses capacités à jauger le travail individuel des autres membres de l’équipe, et ce contrairement au chef de meute. Il fournit rarement la même énergie brute que le reste de l’attelage, sauf en de rares occasions.

On peut facilement s’apercevoir de l’avantage d’un travail d’équipe lorsque celle-ci est équilibrée. Dans une grande équipe, on ne saurait se passer d’au moins un leader, d’au moins un dominant et d’une bonne quantité de wheel, de swing et de team judicieusement agglomérés pour former des duos, des trios, des quatuors et plus, dont leur efficacité sera basée sur l’émulation, la bonne entente et même l’attirance.

Comme dirigeant, apprenez à composer de bonnes équipes et à distribuer les différents rôles aux bons individus. Comme dans les sports d’équipe, osez modifier vos combinaisons au fil des événements afin de trouver le meilleur amalgame du moment.

Comme équipier, sachez trouver votre place naturelle au sein de vos groupes de travail. Apprenez à acquérir graduellement de l’expérience. Apprenez à discerner les rôles officiels ou officieux des autres membres et à interagir en conséquence.

Si vous devenez le leader, ne vous méprenez pas sur ce rôle en vous croyant en droit d’imposer vos propres vues et idées aux autres. Ne cherchez pas à dénigrer le travail d’autrui même si leurs efforts apparents (ou même réels) semblent disproportionnés.

Une bonne équipe ne sera jamais formée d’individus aux qualités semblables. Ça prend de bons leaders et chefs de meute, mais il faut d’autres membres qui se contenteront des rôles un peu plus effacés, moins prestigieux, mais tout aussi importants pour obtenir un résultat d’ensemble correspondant aux attentes d’un musher (celui qui dicte les objectifs).

Dans les petites équipes de deux, trois ou quatre individus, il est crucial de définir ceux qui joueront le rôle de leader et de chef de meute. Ça évite à coup sûr des conflits si personne n’essaye de s’arroger tous les pouvoirs ou ceux qu’ils ne peuvent adéquatement les assumer.

Analysez les projets qui auraient dû réussir et qui échouent. Vérifiez la composition de leurs équipes et bien souvent vous tomberez sur la cause intrinsèque. Une équipe ayant trop ou trop peu de vrais chefs (leaders et chefs de meutes), une équipe trop peu polyvalente, une équipe grevée de conflits irrésolus et permanents, une équipe qui n’apprécie pas suffisamment le travail collectif composé de différents types d’efforts survenus à des moments distincts et effectués par divers individus.

Lors de la composition d’une équipe, énumérez les qualités primaire et secondaire de chaque individu afin de leur donner leur rôle principal, mais aussi un rôle auxiliaire. Leader, chef de meute, wheel, swing ou team, lorsqu’on maitrise l’art de bien comprendre ces rôles, on accroit fortement les chances de succès d’une équipe.

Soyez ce genre de musher qui sait estimer les distinctions individuelles afin de mener vos projets à la réussite qui ne saurait survenir en composant des équipes à votre unique image. Il suffit de bien se faire comprendre des leaders et le collectif suivra naturellement. Dans le cas contraire, laissez quelqu’un d’autre y veiller, car sachez-le, un musher ne s’arroge jamais le rôle de chef de meute puisque celui-ci doit faire partie intégrante des membres de l’équipe de travail.

Un dirigeant (musher) qui s’inscrit en tant que leader ou chef de meute commet deux erreurs. Conformément à ses pouvoirs intrinsèques, aux yeux des autres, il ne sera jamais un équipier égalitaire et s’il le devient, il ne pourra plus correctement effectuer son travail de dirigeant.

Pour ceux qui ont tout lu cet article, si aujourd’hui vous n’aviez qu’un seul rôle d’équipier à jouer à la perfection (humainement parlant), lequel vous conviendrait vraiment ? Musher, leader, chef de meute, wheel, swing ou team ?

Les volcans de la décennie

La liste des volcans de la décennie est dressée par l’Association internationale de volcanologie et de chimie de l’intérieur de la Terre (sigle « IAVCEI » en anglais).  Les volcans s’y retrouvant sont dignes d’une étude particulière à la lumière de leur histoire éruptive large et destructive et de leur proximité avec des régions peuplées.

Ainsi donc, le mont Erebus basé en Antarctique n’apparaitra jamais sur cette courte liste même si son comportement venait à se dégrader puisqu’il ne menace personne. De même, aucun supervolcan n’y est inscrit même si ces monstres peuvent dévaster des continents entiers, car aucun d’entre eux ne montre de signes d’éruptions imminents (en temps géologique).

Les volcans susceptibles de voir leur nom inscrit sur cette liste doivent également répondre à plusieurs critères spécifiques liés à leurs types d’éjectats. Certains d’entre eux sont déjà en éruption, mais pas tous, loin s’en faut.

Voici donc en ordre alphabétique les seize volcans dignes d’intérêt pour la décennie actuelle.

On remarque dans cette énumération plusieurs noms inconnus. D’autres au contraire nous sont bien familiers comme l’Etna, un volcan pour le moins hyper actif. D’autres ont le don de grandement nous inquiéter, comme c’est le cas du Vésuve et du Santorin, pas pour leur humeur présente, mais pour leur passé hautement sulfureux ainsi que pour les nombreuses populations vivant aujourd’hui à leur pied.

J’ai comparé cette liste à celle de la décennie 1990-2000 pour vérifier si les volcanologues la modifient peu ou beaucoup au fil du temps. Force est de constater qu’ils ont de la suite dans les idées (ou de la paresse mentale) puisque voilà plus de trente ans, cette liste qui comportait un nom de moins recensait les quinze mêmes volcans que ceux apparaissant actuellement. Le seul nom rajouté depuis est celui du mont Rainier.

À propos de ce dernier, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, j’ai déjà écrit un article le concernant. Disons qu’il est un proche cousin du mont St Helens, les deux faisant partie de la célèbre chaine des Cascades. Cependant, celui-ci dresse sa cime blanche dans la cour arrière d’une flopée de villes et villages de l’état de Washington aux États-Unis d’Amérique. Un brutal réveil comme on lui prédit signerait une catastrophe majeure. La photo ci-devant le représente dans toute sa majesté. Comme vous pouvez le constater, la montagne semble enceinte et ce qu’elle enfantera proviendra directement des enfers. Ce stratovolcan menace plus de 1,5 million d’habitants et même s’il semble plutôt calme, il est voué à totalement disparaitre en crachant violemment ses entrailles.

Noter que le Mauna Loa à Hawaï s’est réveillé à plusieurs reprises depuis la décennie 1990-2000, confirmant ainsi les prédictions des scientifiques.

Quant au Nyiragongo en RDC, le 22 mai 2021, le volcan connaît une nouvelle phase éruptive. Deux coulées se sont déversées dont l’une s’est arrêtée tout juste aux limites de la ville de Goma. 

En Indonésie, le Merapi menace 1,1 million d’habitants, tous empaquetés comme des sardines sur deux de ses flancs. Sa dernière éruption date tout juste du 27 novembre 2022.

Au Mexique, le majestueux volcan Colima menace grandement les 200 000 habitants de la ville homonyme. Une activité volcanique intense de type majoritairement explosif le rend particulièrement dangereux.

On ne s’étonnera pas de constater qu’il existe plus d’un volcan sous haute surveillance au Japon, il s’agit du mont Unzen qui a émis plusieurs nuées ardentes entre 1990 et 1995 et du mont Sakurajima dont la plus récente éruption d’envergure est survenue le 24 juillet 2022, forçant l’évacuation préventive de plusieurs zones d’habitation.

Le majestueux duo Avatchinski-Koriakski situé à l’extrême est de la Russie peut paraitre presque inoffensif puisqu’aucune éruption n’a entraîné de lourds dégâts matériels ou même des victimes humaines depuis belle lurette, mais sa proximité avec la ville de Petropavlovsk-Kamtchatski, la capitale du kraï du Kamtchatka et la nature explosive de ses éruptions ne laisse rien de présager de bon lorsqu’il entrera de nouveau en colère.

Les Philippines, bien connues pour ses nombreux volcans actifs, dont le tristement célèbre Pinatubo qui a explosé en 1991, possède également sur l’ile de Luçon le volcan actif Taal, une structure géologique très originale puisque le mont émerge au milieu du lac du même nom (la caldeira), mais sa curiosité ne s’arrête pas là. Cette ile contient dans son cratère un petit lac qui contient également une toute petite ile en son centre. On observe donc une ile dans un lac dans une ile dans un lac dans une ile ! Évidemment, sa présence sur la liste de la décennie ne tient pas à son originalité et les volcanologues ont eu raison de l’y inscrire puisque le 12 janvier 2020, il est entré en éruption après 43 ans de calme relatif.

Le Galeras est un volcan andin situé en Amérique du Sud, plus précisément en Colombie. Il entre fréquemment en éruption et certaines ont entraîné des dégâts matériels, mais aussi des morts comme en 1993. Le type éruptif, la fréquence élevée de ses éruptions ainsi que la proximité de la ville de San Juan de Pasto font en sorte qu’il représente un très bon candidat pour apparaitre sur la liste des volcans de la décennie.

La Papouasie–Nouvelle-Guinée n’est pas en reste. Située sur une faille tectonique propice à engendrer des volcans, l’un des plus dangereux se nomme Ulawun. Les laves émises par l’Ulawun au cours d’éruptions majoritairement explosives classent l’Ulawun parmi les volcans gris de la ceinture de feu du Pacifique. Le 26 juin 2019, l’Ulawun entre en éruption, provoquant un regain important d’activité sismique ainsi que l’évacuation de la région.

Le Santa María est situé dans le sud-ouest du Guatemala, tout juste au sud de l’importante capitale Quetzaltenango. Il fait partie de la chaine du Sierra Madre du Chiapas, une fourmilière de volcans qui domine la plaine côtière aux abords de l’océan Pacifique. Sa dernière éruption date du 22 juin 1922 et un siècle plus tard, elle est toujours en cours !

Le Teide est un stratovolcan situé sur l’ile de Tenerife, dans l’archipel des iles Canaries. Sa dernière éruption explosive remonte approximativement à l’an 800, il semble donc étonnant de retrouver son nom sur cette liste. Cependant, le risque d’une violente éruption n’est pas écarté et si elle devait survenir, elle pourrait avoir des conséquences très sévères sur cette ile, ses habitants et les innombrables touristes qui y circulent.

Je ne m’étendrai pas très longtemps sur le cas de l’Etna. Son importante activité éruptive, ses coulées de lave très fluides et la proximité de zones densément peuplées ont fortement joué en sa faveur pour l’inclure dans la liste des volcans de la décennie. J’ajouterai simplement ceci, je considère les habitants vivant à proximité comme étant dotés soit d’une insouciance de cigale, soit de gonades en amiante.

Que dire du Santorin ? Un volcan ayant vécu des centaines de violentes éruptions, crachant cendres et lave sur une période de plusieurs millions d’années. Une ultime explosion survenue il y a de cela 3600 ans fit éclater l’ile, ne laissant qu’un croissant rocheux au milieu de la caldeira sous-marine. La dernière grande éruption survint en 1925 et d’autres plus modestes se s’étalèrent jusqu’en 1950. Aujourd’hui, la présence de quelques fumeroles nous rappelle que sous les eaux un monstre sommeille.

Et à tout seigneur tout honneur, je termine cette déclinaison par le volcan probablement le plus emblématique et le plus célèbre de tous, le fameux Vésuve. En l’an 79 de l’ère actuelle, il ravage entre autres les villes d’Herculanum et de Pompéi. Ce faisant, la montagne est décapitée d’un bon tiers. Il est l’archétype du volcan gris causant des éruptions pliniennes, nom provenant justement de Pline l’Ancien qui y mourut et de Pline le Jeune qui décrivit les événements pour lesquels il fut un témoin direct. Aujourd’hui, la ville de Naples et ses 4 millions d’habitants pile sur les pieds de la montagne qui, pour l’instant, reste relativement stoïque, mais il serait totalement déraisonnable de s’y fier puisqu’elle demeure l’un des volcans les plus dangereux au monde.

Pour terminer ce long article, vous aurez sûrement remarqué la belle distribution géographique de ces seize volcans même si à certains endroits la Nature a été bien plus généreuse qu’à d’autres. Toutes les listes montrent des tares et celle-ci ne fait pas exception. Malgré qu’elle soit dressée par des volcanologues, elle ne sert qu’à ceux qui ne le sont pas. Pour leur part, il ne leur viendrait pas à l’idée d’utiliser cette courte liste pour définir leurs priorités. Les plus étudiés, les plus surveillés de tous brillent parfois par leur absence.

Aucun mot sur le Popocatepetl ou sur le Kelud. Silence total autour des multiples volcans d’Islande et rien sur les dangereux volcans des Antilles que sont le Piton de la Fournaise, la montagne Pelée et la Soufrière. Pas plus que le Cumbre Vieja, le Cotopaxi, Mayon ou l’Ijen n’y apparaissent.

Le fait que cette liste reste figée depuis près de quarante ans me questionne fortement sur sa pertinence. Je ne rejette pas tous les volcans qui y apparaissent, cependant je retirerais certainement le Mauna Loa, un volcan rouge qui a démontré son aspect bénin quasi total lors de ses dernières frasques et j’en ajouterais quelques autres, dont plusieurs parmi ceux que je viens de mentionner.

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À propos d’écoanxiété

Le premier ministre du Québec, monsieur Legault, soulignait durant son passage à la COP26 qu’il n’était pas anxieux, et ce malgré l’alerte lancée par le GIEC qui considère que nous sommes rendus à « minuit moins une » pour sauver l’humanité des changements climatiques.

Comment peut-on interpréter cet optimisme presque débordant ?

Peut-être qu’en bon père de famille, il veut se montrer rassurant et protecteur. En bon général, il tient à garder haut le moral de ses troupes.

Mais quand la maison brûle, le temps des sourires pepsodent n’a plus sa place. Sans paniquer, l’anxiété est certainement de mise afin de prendre les bonnes décisions sans encore une fois les reporter.

Ne pas être anxieux dans des conditions semblables s’apparente dangereusement à du scepticisme. Si M. Legault voulait être un premier ministre responsable, il demanderait à toute la population de cesser de prendre l’évolution du climat à la légère.

Bien sûr, quand une maison brûle, un bon père de famille extrait ses enfants du brasier pour les emmener en lieu sûr. Dans la situation actuelle, il n’y a pas d’autre endroit sécuritaire où nous évacuer. Puisque le réchauffement sévit à la grandeur de la planète et qu’on a oublié de s’équiper d’une planète de sauvetage, on ne peut que passer d’un brasier à un autre et c’est la raison pour laquelle il faut absolument devenir anxieux et même angoissé.

Quand on pourra se réfugier ailleurs que sur Terre, mon écoanxiété diminuera d’un cran. D’ici là, que personne ne vienne me dire qu’elle n’a pas sa place, qu’elle est exagérée ou qu’elle est contreproductive.

Monsieur Legault, si vous voulez vraiment agir en bon père, en bon citoyen et en bon premier ministre, il est plus que temps de devenir anxieux et de le faire savoir à la planète entière pour enfin assumer le leadership que personne ne veut, celui du sauvetage de l’espèce humaine.

Photo d’entête : PHOTO D’ARCHIVES STEVENS LEBLANC

 Un jour comme un autre

Les jours se suivent et ils ont tous la même durée, la même forme cyclique. Tous commencent par un lever et se terminent par un coucher du soleil. Les heures de ces événements changent avec la révolution de notre Terre autour de notre étoile, mais encore là ce comportement reste cyclique.

Nous grandissons, nous nous apparions, nous nous reproduisons, puis nous mourons. Durant notre vie adulte, nous travaillons, nous dépensons notre salaire, nous entretenons et réparons nos possessions, puis nous recommençons. La vie semble simple et pourtant elle ne l’est pas. Sous des airs répétitifs, chaque jour nous apporte un soupçon de différence qu’on peut apprécier ou exécrer.

Je ne parle pas des gros malheurs occasionnels, décès, divorces, opérations chirurgicales. Je ne parle pas des gros bonheurs inhabituels, mariages, naissances, voyages. Je parle de moments presque anodins qu’on passe souvent sous silence parce qu’ils ne semblent pas suffisamment spéciaux pour être mémorisés et ensuite divulgués.

Pourtant, à l’instar des révolutions de notre planète autour du soleil, les révolutions humaines ne se produisent pas subitement comme on pourrait être porté à le croire. Elles se forment une brique à la fois, un changement ténu à la fois, une subtile différence à la fois, un tout petit arc de cercle à la fois.

Un jour comme un autre, la révolution contre les changements climatiques éclatera. Mais elle ne naitra pas ce jour-là, elle aura pris naissance dans le cœur de tous ceux qui observent et qui attendent, qui accumulent jour après jour les soupçons de différences, qui ont l’espérance mais ont perdu l’espoir.

Un jour comme un autre, lorsque le soleil se sera levé comme tous les matins, un jour comme un autre le pavé sera jeté dans la mare, un jour comme un autre les empêcheurs éternels seront réduits à se taire et à suivre, un jour comme un autre ne sera pas un jour comme les autres.

Un jour viendra où la folie humaine s’arrêtera. Reste à savoir si un jour, les historiens se rappelleront, écriront et raconteront ce qui se tramait dans le cœur de bien des gens depuis tant d’années ou s’il ne restera plus d’historiens pour perpétuer la connaissance de ce jour apparemment comme un autre où tout a basculé.

La brume

On dit de la brume qu’elle est un vampire éphémère, incapable d’endurer le moindre rayon de soleil

On dit de la brume qu’elle imite la fumée pour mieux égarer les insouciants au sein de son infinie blancheur

On dit de la brume qu’elle flotte entre deux mondes, indécise duquel abandonner et duquel se raccrocher

On dit de la brume qu’elle masque les plus extraordinaires paysages pour les préserver de la destruction humaine

On dit de la brume qu’elle préfère l’immobilité au mouvement, le monochrome à l’arc-en-ciel et le silence à la musique

On dit de la brume qu’elle est un voile opaque ondoyant au fil du vent pour attirer notre regard loin de la laideur du monde

On dit de la brume qu’elle n’est que nuages déprimés contenant trop de larmes n’ayant jamais coulé sur les joues de la Terre

On dit de la brume qu’elle blanchit la noirceur immaculée du Corbot, qu’elle camoufle son vol pour que les animosités insensibles et profiteuses ne l’atteignent plus.