Existe-t-il plusieurs vérités ?

La réponse est simple, c’est non. Il ne peut pas exister plusieurs vérités sur un même sujet. Il existe plusieurs points de vue autour de certains faits, mais la vérité est un film aux caméras infinies qui n’ont rien raté depuis toujours. Le problème est qu’il n’existe aucun moyen d’accéder à ce film pour le visionner.

On doit donc se contenter de points de vue différents et bien souvent divergents. Personne ne remettra en cause sa propre objectivité et sa sincérité devant les autres. Et pourtant, tous le monde embellit, élude, charcute la vérité pour que son point de vue soit retenu afin que la situation lui devienne favorable.

On a tous des faits à cacher, des pensées à taire, des paroles à faire oublier, des actes à enterrer et surtout des objectifs à atteindre. Comment peut-on accuser qui que ce soit de ne pas s’intéresser à la vérité alors qu’on évite soi-même de tout dévoiler sur la partie de la vérité que l’on connait ?

En ce qui concerne les journalistes et certains politiciens, la seule accusation pouvant tenir la route est celle voulant que ceux-là ne s’intéressent pas au point de vue de ceux-ci. Mais si une réputation avérée de mythomane précède les présidents et autres grosses pointures politiques, comment peut-on espérer demander aux journalistes de croire  au point de vue qu’ils cherchent à transformer en vérité forcée ? Et lorsque plus aucun journaliste n’embarque dans leurs manipulations, les politiciens utilisent Twitter ou d’autres tribunes directes pour mentir aux citoyens. 

Aujourd’hui, la vérité n’a plus aucun sens, mais en a-t-elle déjà eue puisque la seule et pure vérité restera indéfiniment inaccessible ? Les journalistes le savent. Ils recomposent donc une histoire complète à partir de bribes d’informations glanées un peu partout et lardées de ouï-dire provenant de sources d’informations de moins en moins fiables, et ce malgré de multiples recoupements puisque les quantités de sources différentes s’épuisent.

Le véritable problème de l’époque web 3.0, plus personne ne s’intéresse à se rapprocher le plus possible de la vérité. La popularité des télé-réalités est représentative de ce mouvement. Quoi de plus faux que les télé-réalités ! Si au moins ce nom transportait de l’ironie, mais non. Il signifie exactement le sens actuel qu’on donne au mot « réalité » : une fiction, une farce, une apparence, un divertissement. La réalité pseudo-véridique est devenue risible, caricaturale, un show aux décors en carton, un désir de d’emberlificoter, y compris soi-même afin que la vie soit autre que celle qui nous habite.

Les égoportraits sont représentatifs de cet état d’esprit. Les gens s’inventent une histoire bidon et ils se prennent en photos, mais surtout et voilà où la situation s’aggrave, ils les diffusent. Dans un passé pas si lointain, ces mêmes personnages auraient été internés pour avoir publié ce genre de contenu totalement irréel, signe d’une maladie mentale. Aujourd’hui, on envie ceux et celles qui excellent dans l’exercice de cette activité pathologique où le mensonge est roi et qui édicte la façon de se comporter en société pour pouvoir être vu, être connu et suivi, quitte à tout inventer, à tout déformer et surtout à taire la petite partie de vérité détenue.

Non, la vérité restera toujours inaccessible et à défaut d’avoir les moyens de s’en rapprocher, les gens préfèrent se créer une bulle d’existence aussi fausse qu’une lubie, aussi pathétique qu’une mythomanie, aussi stupide que l’époque dans laquelle on vit.

Photo : Thomas Kast

Qui gagne perd

Oui, vous ne m’apprenez rien, j’ai inversé le dicton, mais pas sans raisons qu’une partie d’entre vous n’aimera probablement pas. Mais ne suis-je pas LeCorbot?

Dans sa forme originale, ces trois petits mots veulent signaler que nous devrions conserver un esprit positif face à l’adversité ou dans la défaite. Voir le bon côté d’une situation, tirer des leçons d’une expérience pour mieux rebondir. Malgré son côté «youpélaïe», je souscris à cet adage pourvu qu’il ne reste pas une coquille vide, qu’il ne serve pas à camoufler la réalité, qu’il ne serve pas de machine à amnésie.

En le renversant, je veux attirer l’attention sur un mécanisme souvent absent de nos analyses et surtout des discours et promesses faites par tous les acteurs dans nos sociétés. Que cache l’usage des mots «gagner», «progrès», «prospérité»? Quel est l’envers de la médaille?

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Le jeu naturel des promoteurs d’un projet consiste à passer ses conséquences négatives sous silence. Mais nous qui entendons ce qu’ils nous disent, nous devrions instinctivement nous répéter le titre de cet article afin de découvrir les aspects moins reluisants et camouflés d’un projet ou d’une idée. Qui gagne perd.

Tout comme le principe de la conservation de l’énergie, on ne progresse pas sans délaisser quelque chose d’équivalent. Reste à savoir quoi. Plus l’information contradictoire reste secrète, inconnue, plus le doute sur les vertus dudit projet devrait grimper en flèche.

Il est triste de constater que nous aimons nous faire emplir de mensonges éhontés, ayant tous été bercés au son des histoires aux fins heureuses. Nous oublions volontairement le principe fondamental que l’univers ne fonctionne jamais que dans un seul sens. Chaque hausse de quelque chose est obligatoirement accompagnée d’une baisse d’autre chose, sinon son équilibre global serait rompu.

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Pour leurs promoteurs, éluder les aspects les moins reluisants d’un projet peut se comprendre. Mais notre naïveté face à ces omissions, elle, demeure indéfendable. Nous avons le devoir de débusquer les conséquences enterrées du côté obscur.

Évidemment, vous comme moi sommes incapables de devenir ces enquêteurs à moins de s’y consacrer entièrement. Il existe, ou du moins il existait encore récemment, des journalistes, des organes d’information dédiés à cette importante et essentielle tâche de regarder de l’autre côté du médaillon, d’y découvrir la vérité cachée et de déchiffrer son contenu.

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Malheureusement, toutes les fois que certaines personnes relayent intégralement leurs nouvelles, elles les privent des moyens nécessaires pour qu’ils puissent effectuer leur travail correctement. En voulant démocratiser l’information, au contraire, elles affaiblissent le seul système vraiment en mesure de contrebalancer le poids de ceux qui cachent la partie abjecte des informations. Qui gagne perd.

Lire une douzaine de fois le même texte ne me rendra pas mieux informé puisque de façon générale, ces copies n’ont pas été commentées, bonifiées, critiquées. Pas plus qu’elles n’ont été assemblées, comparées, analysées, synthétisées avec d’autres articles sur le même sujet. Elles ont tout bonnement été récupérées à des fins personnelles au nom d’un accroissement inexistant de la démocratisation et même à son détriment certain. Les vertus démocratiques des copistes des âges sombres existaient avant Gütenberg et avant internet, plus maintenant. Qui gagne perd.

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Toutes nos actions, même en apparence les plus positives, possèdent une contrepartie obscure. Aurons-nous le courage de chercher à connaitre à quoi et à qui nous nuisons? Qui gagne perd.