Un orage passe

Le temps est à l’orage. Humide, suffocant, stagnant, l’air apparait translucide, voilé, indécis. Le tonnerre annonce l’entrée en scène imminente de la pluie subite et peut-être forte, mais déjà j’en doute.

Je me tiens à la porte, grande ouverte, pendant le temps où c’est encore possible. J’observe le ciel, comme pour y découvrir l’importance de l’orage. Je l’évalue de faible ampleur, mais qui sait puisque je suis conscient que mes yeux n’embrassent qu’une partie de la dépression? Les nuages ont pris cette teinte gris-bleu acier, caractéristique des cumulonimbus moyennement chargés, un autre indice en faveur d’un passage sans trop de dégâts. Je me fie également aux intervalles plutôt longs entre les grondements de tonnerre encore distants, pour l’instant.

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J’imite mon père décédé depuis longtemps déjà. Il ne manquait jamais une occasion de se planter dans le cadrage de la porte d’entrée pour regarder en action ces forces de la Nature. Aussi loin que mes souvenirs me le permettent, je me tiens près de lui, observant ses rares et brèves expressions. Stoïque mais pas dénué d’intérêt. Il ne dit rien, ou presque, souvent une seule phrase laconique par épisode. «Ça va passer en vent». «On va bientôt voir de gros clous». «L’orage se rapproche». «Il va nous éviter».

Il se trompait rarement, sinon jamais. Ou plutôt je ne me rappelle pas s’il se trompait. Ça n’a pas vraiment d’importance. Une fois sa prédiction avérée, il attendait un peu, puis il rentrait. Je n’aurais jamais osé rentrer avant lui… ou après lui. Je n’obéissais à aucun ordre, il agissait, je faisais simplement comme lui, comme un garçon avec son père, comme un père qui sait et le garçon qui lui aussi veut savoir.

 

Je regarde les nuages évoluer rapidement. Des éclairs apparaissent au loin. Le tonnerre ronronne moins, ses éclats deviennent plus craquants, signe que l’orage se rapproche. L’air est presque irrespirable tellement il stagne.

Quelques gouttes de pluie éparses précurseurs de l’ondée se manifestent timidement, comme des estafettes venues excuser l’arrivée intempestive d’un général tonitruant.

La direction du vent imminent décidera du sort de ma porte. L’effet Venturi consiste en un soufflet créé par les nuages bas qui poussent l’air accumulé sur une plus grande altitude devant eux, comprimant cette masse gazeuse et l’expulsant dans le sens de leur progression.

Ça y est, voilà l’air qui bouge et sa température qui dégringole, victime de la loi de la pression des gaz. En quelques secondes, j’apprécie déjà la chute rafraichissante du mercure et l’effet de cette baisse amplifiée sur ma peau par la légère brise.

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Une nuée plus sombre passe au-dessus de ma tête. Le vent se renforce, mais la pluie reste encore relativement sage. Un important éclair déchire le ciel juste devant moi, son pendant sonore le suit de peu. La tempête se rapproche, je le remarque également par les cimes des arbres au loin qui oscillent avec moins de grâce et plus d’emportement. La pluie devient moins timorée, je ferme la porte à contrecœur, je m’assois tout près pour en rater le moins possible malgré les vitres zébrées de coulisses qui font obstruction à mes observations.

Le tonnerre s’intensifie, je le sens presque à ma verticale, mais j’ai vécu bien pire. Jusqu’à présent, ma prévision s’avère, cet orage ne rentrera pas dans les annales. La pluie refuse de se déchainer malgré de subites et brèves sautes d’humeur. Les coulisses aux carreaux des fenêtres se transforment en un enduit coulant plus homogène. Paradoxalement, j’y vois mieux.

Le plus gros coup de tonnerre jusqu’à maintenant se fait entendre. Presque au même moment, la pluie cesse presque entièrement et le ciel au loin s’éclaircit de plusieurs tons. L’orage s’éloigne en ramenant les conditions atmosphériques précédentes. D’importance trop faible pour agir efficacement contre la canicule, je retrouve les chaleurs humides désagréables.

La pluie en rémission, je rouvre ma porte en pensant toujours à mon père. Il m’a transmis ce goût, ce plaisir d’observer les orages. Merci, papa, pour ce joli cadeau.

Galaxies satellites de la Voie lactée

Peu de gens savent que la Voie lactée a des galaxies qui lui tournent autour. Certains connaissent les deux nuages de Magellan, le grand et le petit. Encore moins nombreux sont ceux qui connaissent la galaxie du Sagittaire. Alors je ne chercherai pas ceux qui savent qu’à ce jour, on a recensé une nuée de 55 galaxies se pavanant autour de notre jolie Galaxie afin d’avoir l’honneur un jour… de se faire bouffer par elle.

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Ne soyez pas triste, la Voie lactée est devenue aussi vaste et belle grâce à ce mécanisme d’accrétion. Il en fut toujours ainsi et un jour on fera de même avec elle. Quoique ce sera une union plutôt qu’un repas puisque nous fusionnerons avec notre voisine, la galaxie d’Andromède, la seule galaxie primaire autre que notre Voie lactée à être visible à l’œil nu malgré les 2,55 millions d’années-lumière qui nous en sépare.

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Pour certaines des galaxies satellites, elles constituent probablement les restes d’un festin passé alors qu’autrefois, on les croyait primordiales, c’est-à-dire les premiers regroupements d’étoiles de notre Univers. On peut croire en la possibilité des deux types, des mariées et de vieilles louves solitaires capturées puis maintenues prisonnières par la force gravitationnelle de notre grande Galaxie.

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La saison des nuages noctulescents

Un nouveau mot à insérer dans votre dictionnaire personnel si vous ne le connaissiez pas déjà.

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Les nuages noctulescents sont des nuages filamenteux de haute altitude qui sont éclairés par le Soleil par en dessous, ce qui les rend très brillants du fait que le Soleil est couché depuis environ une demi-heure. Comme vous pouvez le remarquer, le résultat est plutôt spectaculaire.

Ces nuages sont aussi appelés nuages polaires mésosphériques, nuages nocturnes lumineux ou nuages noctiluques. Un jour, les scientifiques finiront par arrêter d’inventer d’autres termes et en adopteront un seul. Toutefois, la popularité du terme noctulescent va grandissant. Cela veut dire «visible la nuit». Attention à la version anglaise de ce terme qui lui ressemble, mais n’est pas identique. Les apôtres de Shakespeare disent «noctilucent».

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Si vous habitez au-delà du 45e parallèle, vous avez des chances de les admirer en regardant vers l’ouest, une bonne demi-heure après le coucher du soleil. C’est donc durant le crépuscule sombre que ces nuages sont visibles.

J’ignorais qu’il existait une saison pour les admirer. Apparemment, elle vient tout juste de commencer. La carte suivante montre le pôle Nord et les nuages noctulescents il y a deux jours. Vous pouvez les voir en bleu plus pâle près du 80e parallèle. Plus ils seront visibles, plus le bleu pâlira. Ils s’étendront pour atteindre des latitudes plus basses.

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