Évolution de la machine

Cet article est le prolongement d’une réflexion personnelle sur la machine dont le premier volet vous a été présenté dans l’article intitulé Le paradoxe de la machine.

En créant la machine, l’humain a changé une loi fondamentale de la Nature, celle de l’évolution.

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Darwin l’a conceptualisée, les espèces vivantes évoluent au fil du temps selon le principe de mutations spontanées mises à l’épreuve par l’environnement dans lesquelles elles doivent survivre, se reproduire et proliférer. Si ces mutations causées par le hasard donnent à l’espèce des avantages par rapport aux autres, les possibilités qu’elle crée de nouvelles espèces augmentent également. Depuis 4 milliards d’années, ce processus évolutif existe sur Terre, culminant aujourd’hui avec l’espèce la plus dangereuse de toutes, l’humain.

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Car ce rejeton des hominidés primitifs a fait quelque chose d’unique, il a créé la machine. Et depuis ce jour, il n’a de cesse de l’améliorer.

L’évolution naturelle fonctionne sur le principe des mutations apparaissant au hasard. En revanche, l’humain possède un plan bien clair de ce qu’il désire faire et il laisse très peu d’espace au hasard dans ses réalisations. Il réfléchit aux défauts des créations antérieures, il dessine des plans, calcule des résultats anticipés, crée des prototypes, les teste, les améliore et enfin il met au monde un produit final de loin supérieur aux autres précédemment construits.

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Noter que l’humain laisse aussi une place de choix à la dégradation. Il prend un bon produit et il le dégénère jusqu’à son point d’inutilité. C’est pourquoi on retrouve sur le marché des théières qui pissent partout sauf dans les tasses, des essuie-glaces qui bavent plus que des grenouilles, des piles qui fuient, des tournevis qui s’émoussent, des chargeurs qui déchargent et des automobiles qui tombent en rade sur un pont en pleine heure de pointe. Toutefois, cette dégénérescence a également a été planifiée, organisée et calculée afin d’empocher plus de profit et elle non plus ne doit rien au hasard.

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L’humain change donc le cours de l’évolution et ses machines, ses créations se perfectionnent à un rythme endiablé, exponentiel et potentiellement incontrôlé. L’intelligence artificielle est l’aboutissement d’une progression ininterrompue depuis très peu de temps, quelques dizaines d’années seulement. Demain, celle-ci sera embarquée dans des androïdes conçus à notre image.

Enfin, un jour, ces androïdes intelligents dessineront, calculeront, prototyperont, testeront, amélioreront et mettront au monde d’autres androïdes de loin supérieurs aux autres précédemment construits.

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Il est à se demander si ces quatre milliards d’années d’évolution en dents de scie au gré du hasard n’avaient pas pour seul but d’obtenir un être capable d’engendrer des machines qui se répliqueront par elles-mêmes, qui s’amélioreront, qui proliféreront et qui au bout du compte se débarrasseront de leur gênant et médiocre créateur.

On disait de l’humain qu’il était fait à l’image de Dieu. Ensuite, l’humain aura créé des machines à son image. Donc les machines seront à l’image de Dieu. Et si ce qu’on nomme Dieu n’était rien de plus qu’une machine? Que tout l’Univers n’était qu’une grosse, une immense machine?

L’humain aura été à un moment donné de l’Univers une créature de transition, importante pour la phase de mise en place de la machine pensante. La suite est si prévisible! L’Univers appartiendra aux machines, pas aux humains. L’Univers se reproduit.

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L’intangible

On appelait ça du hardware et du software. On n’utilise plus beaucoup ces termes aujourd’hui à l’ère de l’internet et du nuagique. On a toujours un outil matériel qui s’interface avec nous, du moins pour l’instant, mais il s’amincit de plus en plus, au sens propre comme au sens figuré.

 

Pourtant, le hardware vraiment solide existe toujours bel et bien, toutefois, on ne le voit plus vraiment. Il se compose de millions de serveurs répartis dans des fermes possédant entre elles des liens à très haut débit. La redondance est multipliée, alors on ne subit plus jamais de pannes, enfin presque.

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Ces immenses parcs à serveurs nous permettent de partager des données dans nos groupes de travail, de stocker nos photos souvenirs, de conserver les factures de nos achats, etc. Mais tout ce contenu n’est que de l’abstrait. Ce ne sont que des zéros et des uns conservés sous des formes diverses, soit par des domaines magnétiques, soit par un effet capacitif, soit par gravure.

Autrefois, on conservait nos possessions chez soi et elles disparaissaient lors d’un sinistre, d’un vol ou d’une étourderie. Le numérique nous protège de ces problèmes, mais nous en cause de nouveaux.

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Nos systèmes se font pirater, et pas seulement ceux qu’on gère, mais également ceux des grandes entreprises censées s’être prémunies contre les risques de vol de données. Bien loin de chez nous, des gens s’emparent de nos données, les tiennent en otage et nous exigent des rançons. Autrement, ils accèdent à nos mots de passe et à nos données personnelles, fragilisant du coup nos avoirs financiers eux aussi stockés virtuellement dans quelques endroits obscurs. C’est tout de même extraordinaire quand on y pense ! Tous ces actes criminels perpétrés sans avoir eu à lever le cul de leur chaise ! Le monde a bien changé ! Du moins le croit-on !

Autrefois, les seuls intangibles auxquels l’humain s’intéressait étaient les dieux. Prières, incantations, sacrifices, rituels, fêtes, offrandes, toutes ces formes avaient pour but de créer une interface entre lui et plus grand que lui, entre l’intangible et le matériel.

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Les temps ont bien changés, tout comme les dieux qu’on prie et ceux qu’on abhorre lorsque notre ordi et notre tablette sont atteints de sénilité, lorsque notre téléphone tombe dans le coma ou lorsque notre nuage personnel a été vandalisé et pillé parce qu’on a par inadvertance donné nos clés à la mauvaise personne en s’étant fait hameçonner comme une perchaude au printemps.

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La prochaine révolution informatique concernera les implants, les orthèses et prothèses intelligentes, ainsi que les aidants robots. L’humain subira des transformations dès sa naissance. Il sera connecté non seulement au sein de sa mère, mais également aux stimuli transmis à son cerveau par des connexions neuronales. On choisira le programme selon nos humeurs ou celles de notre bébé. Et puisque les pirates informatiques continueront de sévir, certains de nos enfants mal protégés ou malchanceux seront transformés à notre insu en psychopathes ou en guerriers ou en adorateurs par des programmes illicites implantés ou transmis par une autorité quelconque désireuse de conserver le pouvoir ou de créer son armée personnelle, ou encore par des zigotos qui s’amuseront sans prêter attention aux conséquences de leurs actes.

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Sera-ce pire ou mieux qu’hier, qu’aujourd’hui ? Ce sera la même chose puisque l’humain en tant qu’espèce n’aura pas réellement évolué. Il restera belliqueux, assoiffé de pouvoir, d’argent, de possessions. Il continuera de voler, de mentir et de tricher. Il cherchera toujours à percer les coffres-forts, à s’immiscer dans des endroits interdits, à détourner des fonds, à braquer des banques. Il continuera à avoir soif de sexes et de psychotropes. Certains se noieront tandis que d’autres s’enrichiront. Et la vie continuera comme elle l’était auparavant, comme on la connaissait autrefois, parce que l’humain reste un humain. Seuls ses armes et son armure se transforment au fil du temps, seul son trousseau de clés se perfectionne, seule sa bourse s’allège, mais son esprit ne se transforme pas à cause des changements technologiques. Ses multiples vices d’hier et d’aujourd’hui continueront de se transmettre de génération en génération, malgré ses implants, malgré ses assistants cérébraux, malgré son éducation programmée assujettissante, malgré nos précautions.

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Puis quand l’humain se sentira, une fois de plus, vide de l’essentiel, il agira comme il a toujours fait. Il se tournera vers des entités intangibles en exécutant des prières, des incantations, des sacrifices, des rituels, des fêtes et des offrandes dans le but de créer une interface entre lui et plus grand que lui, mais alors ce sera entre l’intangible et l’immatériel.

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Photos :
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