Les récents séismes à Lombok et le Petit Âge glaciaire

À la jonction des plaques tectoniques australienne, eurasiatique et pacifique, l’Indonésie est constituée de 13466 iles et ilots et contient pas moins de 150 volcans en activité, faisant de ce pays le champion des séismes et des éruptions volcaniques.

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Récemment, l’ile de Lombok a fortement tremblé à cinq reprises. Il faut savoir que Lombok abrite un énorme volcan, le mont Rinjani, le deuxième volcan le plus élevé d’Indonésie culminant à 3726 mètres. Ce volcan gris (explosif) occupe toute la partie nord de l’ile. Les derniers séismes, tous en périphérie et à faible profondeur, pourraient indiquer une remontée importante du magma au cœur de la montagne.

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La forme particulière du mont Rinjani laisse paraitre les cicatrices de son passé mouvementé. En plus de son cratère principal situé à l’est, la montagne montre clairement un vaste affaissement à l’ouest qui se termine dans le lac Segara, lequel entoure toute la moitié ouest du sommet du volcan.

Ce lac s’avère être la caldeira du stratovolcan Samalas, l’ancêtre du Rinjani qui a explosé en l’an 1257. À l’époque, la montagne s’élevait jusqu’à 4200 mètres, tout son sommet a été littéralement pulvérisé.

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Ces derniers séismes à répétition et survenus près de la surface annoncent peut-être une prochaine éruption majeure de la poche magmatique située sous la montagne. Pour savoir à quoi cette catastrophe pourrait ressembler, rien de mieux que de comprendre les événements survenus en 1257.

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L’indice d’explosivité volcanique a atteint le niveau 7 (VEI 7), considéré comme mégacolossal. L’éruption fut la plus importante sur Terre des 100 derniers siècles. Son panache a culminé à 43 kilomètres d’altitude et ses nuées ardentes ont complètement rayé de la carte le royaume situé à ses pieds, royaume dont sa capitale se nommait Pamalan. Il s’en est échappé 40 km3 de roches et de cendres, rendant les iles de Lombok et Bali pratiquement inhabitables pour des décennies.

Mais ces conséquences locales ne disent pas tout sur les impacts de cette éruption survenue au Moyen Âge. Les cendres se sont répandues dans toute l’atmosphère de la planète. Un dégagement de dioxyde de soufre et de chlore estimé à un total de 385 millions de tonnes a occasionné d’importants effets sur le climat en apportant un assombrissement global et des années subséquentes sans été.

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D’effroyables famines ont frappé plusieurs pays durant les deux années qui ont suivi. Durant cette période, Londres a perdu le quart de sa population. Cependant, l’éruption du Samalas a peut-être amorcé un dérèglement climatique bien plus permanent, celui du Petit Âge glaciaire.

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Bien que l’activité volcanique du Samalas ne soit pas la seule responsable de cet épisode qui a duré près de 550 ans, une modification dans l’équilibre des courants océaniques aurait probablement conduit à l’enclencher pour de bon.

Imaginez quelle ironie si les hausses actuelles des températures occasionnées par les activités anthropiques finissaient par être compensées par les effets d’une possible méga éruption du mont Rinjani (ou de toute autre éruption d’importance)! Me sentirais-je obligé de remercier les climatosceptiques pour leur «prévoyance»? Après les avoir traités de bande d’imbéciles, faire amende honorable s’avèrerait passablement difficile. Ce serait bien la preuve qu’en matière de climat, tout peut arriver!

De taches solaires et d’hystérésis

Ça fait bien une dizaine d’années, j’ai configuré mon fureteur Safari pour qu’à l’ouverture apparaisse la page d’accueil de SpaceWeather, une application donnant la météo spatiale. L’image que vous voyez du Soleil en tête d’article a été prise aujourd’hui.

La plupart des gens s’intéressent à la météo locale. Moi, c’est la météo des cieux qui me branche. On y trouve tout un tas d’informations, la plupart du temps toutes inutiles à nos activités de la journée. Qu’importe. Entre autres choses, je m’intéresse aux taches solaires.

Des taches sombres apparaissent régulièrement à la surface du Soleil. À ces spots plus froids convergent des lignes de champ magnétique. Le flux de ces taches n’est pas constant. Il en apparait plus ou moins selon un cycle d’environ 11 ans.

Nous avons terminé la partie active du cycle et sommes maintenant dans la phase où les taches se font de plus en plus rares. Depuis le début de l’année 2018, plus de la moitié des jours se sont passés sans apercevoir la moindre tache solaire.

On associe la quantité de taches solaires avec des fluctuations de la température sur notre sol. Les périodes de faible activité correspondent à des températures terrestres plus basses.

Entre 1650 et 1700, les taches solaires se sont révélées presque nulles. Le cycle de 11 ans s’était déréglé. On appelle cette période le «minimum de Maunder». Durant cette même période, la Terre a subi le «Petit âge glaciaire», des températures globales inférieures d’environ 0,1 °C dans l’hémisphère Nord.

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La relation entre les taches solaires et la valeur des températures terrestres semble correspondre. Normal, direz-vous, puisque après tous, c’est le Soleil qui nous chauffe. Cependant, nous avons connu un pire refroidissement entre les années 1790 et 1830 alors que la chute des températures fut plus spectaculaire, atteignant 0,4 °C dans l’hémisphère Nord. Pourtant, même si les taches solaires étaient peu nombreuses pour cette période, il y en avait plus que durant le Petit âge glaciaire.

L’activité de notre Soleil n’est donc pas la seule responsable des changements de climat. Les activités humaines influencent grandement les températures à la surface de la Terre. Il est même possible que nous retardions la prochaine ère glaciaire et même qu’elle n’ait pas lieu.

Sachant où je me trouve actuellement trônait un glacier de 2 kilomètres d’épaisseur, je me demande si le réchauffement climatique n’est pas une bonne chose. Toutefois, nous n’avons pas un thermostat entre les mains afin de réguler cette hausse. Le danger vient surtout de là.

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Lorsque nous aurons trop chaud, les températures continueront d’augmenter pendant une assez longue période de temps même si nous coupons drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. C’est ce qu’on appelle une hystérésis, un retard des effets par rapport aux causes. Le terme «rémanence» vous est peut-être plus familier.

À cause de cet effet de rémanence, d’hystérésis, on ignore totalement jusqu’à quel extrême grimperont les températures à la surface de la Terre. Nous espérerons peut-être qu’un nouvel âge glaciaire puisse alors commencer, qui sait?

Images : SpaceWeather ; Wikipédia