Le mot qui insulte

J’ai récemment écrit un article intitulé « N comme dans Noir ». Il fait partie d’une série où je décris les particularités d’une lettre et d’un mot commençant par celle-ci.

On m’a félicité de ne pas être tombé dans le piège d’y incorporer le fameux mot n… qui insulte. Pour ma part, le mot « noir » est suffisamment riche pour ne pas empiéter sur un autre mot même s’il existe une forte corrélation entre les deux.

Paint it, Black
Danny Laferrière, membre de l’Académie française et auteur de « Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer»

Ce n’est que très récemment que le fameux mot « nègre » a pris une connotation exclusivement insultante. C’était déjà le cas si ce terme était utilisé par un non-noir, mais étrangement un individu de la communauté noire pouvait l’utiliser en toute légitimité sans aucune connotation négative. Bien étrange et passablement inquiétant qu’un mot présente un tel clivage en fonction de la couleur de la peau de celui qui le prononce, comme si le bronzage permanent transparaissait à travers une feuille de papier ou dans un extrait audio. Et quel degré de coloration était-il requis pour passer le cap de la permission ?

Nègre

Vieilli, péj.(Terme raciste et injurieux, sauf lorsqu’il est employé par les Noirs eux-mêmes)
Dictionnaires Le Robert – Le Grand Robert de la langue française

Corriger cette bizarrerie lexicale en généralisant son attribut négatif m’apparait très sensé. C’est la prérogative de l’évolution du langage de modifier la façon dont on interprète les mots et expressions au fil du temps. En ce sens, je conçois, j’accepte et j’approuve sans réserve ce changement. Il ne faut cependant pas oublier les usages de ce mot juste avant cette crise terminologique.

Je suis profondément persuadé et les études ADN le confirment, la grande famille des homo sapiens n’est constituée que d’une seule race. Donc pour moi, le mot raciste est un non-sens au même titre que les gens aux yeux verts ne constituent pas une race à part entière, les cheveux roux, les jambes arquées et les nez aquilins non plus, pas plus que les gens à la peau noire qui est d’ailleurs rarement proche du noir. Alors quand provoquera-t-on les mêmes esclandres autour de l’usage toujours en vogue, mais parfaitement injustifié du mot « racisme » ?

Arrêter d’utiliser le mot « nègre » pour parler d’une certaine population humaine est une décision intelligente. Ce qui l’est moins, consiste à haranguer les gens qui en parlent à propos des écrits du passé au moment où ce terme était encore socialement acceptable et accepté. Les éléments d’archives ne peuvent être brûlés, ignorés ou mis à l’index parce que ce terme y apparait.

On explique le contexte, l’histoire, l’évolution des pensées et tout le monde sera en mesure de comprendre le bien-fondé de ne plus utiliser ce terme sans essayer de faire croire que ce mot n’a jamais existé en affublant sa lettre d’entame de points de suspension… Esquiver la question plutôt que de donner des explications claires est digne de l’âge de l’inquisition et de sa grande… noirceur.

Aucun mot ne devrait nous apeurer ni nous faire peser des menaces s’il est justifié et utilisé dans le bon contexte et pour les bonnes causes. On peut débattre de ces derniers dans le respect et l’ouverture d’esprit, on peut diverger d’opinion et même camper sur ses positions, mais à court d’arguments, menacer, devenir extrémiste pour s’arroger une futile victoire non méritée fait d’eux des terroristes de la langue.

Ainsi, tous ces bien pensants qui montent aux barricades sans rien comprendre, sans évaluer la situation, sans réfléchir une seule petite seconde, méritent précisément ce pour quoi ils pensent combattre, une bonne insulte en pleine figure. Personnellement, je choisirais l’un ou l’autre des synonymes incolores du mot « idiot ».

L’évolution de ma pensée sur l’évolution

Ce titre évoque, exprime, résume bien à lui seul le concept de ma pensée sur le sujet.

Phase I: La naïveté et l’exubérance de la jeunesse

Jeune, lorsque j’ai commencé à réfléchir au principe d’évolution, je m’étais fait une opinion plutôt tranchée. Ce début de processus me semble normal puisqu’il me manquait tout un tas d’informations et d’expériences pour être en mesure de nuancer ma pensée et mes propos.

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Ainsi, je considérais tout empêchement à l’évolution comme un moyen d’infléchir le destin de l’humain dans la mauvaise direction. Je ne parvenais pas à comprendre les réacs qui tenaient mordicus à des traditions devenues incohérentes, inappropriées et même déplacées par rapport à la situation actuelle. Mais le plus dérangeant n’était pas leur peur de perdre le passé, mais leur refus du futur. Je considérais ce refus d’évolution comme un refus de survivre.

À partir du moment où on voit la vie comme un véhicule, celui-ci n’a d’utilité que s’il bouge pour se rendre d’un point à un autre afin de trouver quelque chose de différent, de nouveau, d’inédit et de potentiellement merveilleux.

Il devient donc totalement inopportun d’atteler l’avant et l’arrière d’une charrette. On peut s’obstiner sur la direction à emprunter, sur la destination finale et les relais où se reposer, mais pas sur un ancrage ou un équilibre des forces destinées à maintenir le véhicule plus ou moins en place.

Instinctivement, je voyais la vie en constante mouvance et la stagnation comme un recul. Sans plus me questionner, je considérais une évolution quasi irréfrénée comme le seul moyen de dépasser les autres et de maintenir cette avance, bref de devenir le meilleur et de le rester.

Voilà où j’en étais lors de la première phase de mon évolution sur l’évolution. Cette étape a bien duré deux décennies. Petit détail qui prendra de l’importance dans le futur, à cette époque, je n’avais pas encore lu Darwin.

Phase II: L’utilité certaine de certains freins

Ma meilleure connaissance de la nature et de ses lois m’a fait comprendre que des freins doivent exister afin de garantir une évolution constante, progressive, potentiellement susceptible d’être suivie.

Si l’Univers ne possédait aucune force antagoniste à l’évolution, il se serait détruit en une fraction de seconde. L’évolution aurait été si fulgurante que l’Univers serait passé par toutes ses phases évolutives en un rien de temps. Ainsi, pour le bien de l’équilibre évolutif, la nature doit mettre en action deux forces opposées, l’une capable de créer du changement et l’autre permettant de réfréner les ardeurs de la première.

Si l’Univers a besoin de se réguler de la sorte, j’avoue que je me sentais alors plutôt prétentieux de chercher la plus grande vitesse d’évolution à tout prix. Une dynamique n’a de sens que si on peut prendre le temps de l’apprécier dans tous ses stades. Visionner un film vingt fois plus rapidement ne sera pas plus satisfaisant qu’à vitesse normale.

Ainsi, la Nature a concocté un moyen de se réguler, de prendre du temps pour faire les choses, de les faire évoluer de façon progressive et à un certain rythme.

Prenons seulement la production des 92 éléments chimiques naturels. L’Univers a débuté seulement avec de l’hydrogène (H), de l’hélium (He) et une trace de lithium (Li). Tous les autres éléments chimiques ont été produits au cœur des étoiles et lors de l’explosion de supernovæ. Des milliards d’années ont été requises pour que le milieu duquel notre système solaire est apparu soit suffisamment riche en éléments chimiques pour qu’il puisse engendrer la vie. Chaque étape devait durer suffisamment longtemps pour que la mécanique reste efficace.

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J’ai alors comparé l’évolution à un amplificateur électronique que je connaissais bien. À l’étape du design, on crée des appareils ayant le plus fort taux d’amplification possible. Un million, dix millions, cent millions. Ensuite, on écrase ce taux à une valeur plus normale de dix, de cent, grâce à une boucle de rétroaction. Ce faisant, ce qu’on délaisse en quantité est gagné en qualité.

L’évolution débridée, incontrôlée ressemblerait à un amplificateur laissé en boucle ouverte et n’aurait aucune utilité. La réduction volontaire de certaines de ses performances améliorerait les autres. Les réactionnaires ne me semblaient plus aussi antipathiques qu’auparavant. Même si je ne m’étais pas retrouvé à faire partie de ce groupe, je pensais mieux comprendre leur utilité.

Phase III: Les nuances et les distinctions

Je continuais cependant à garder un malaise certain face aux réactionnaires. Quelque chose dans ma tête refusait de croire en leur réelle utilité, car même les avant-gardistes devenaient de plus en plus rébarbatifs aux changements, surtout lorsque cela touchait les fondements des changements qu’ils avaient contribué à introduire dans la société. Je me retrouvais devant un poids deux mesures. Si on avait subi la stagnation, l’évolution s’avérait utile jusqu’à ce qu’elle nous avantage, peu importe ensuite si le nouveau gel devait nuire aux autres. J’avais compris que l’égoïsme engendrait le désir de stagnation ou d’évolution, pas les besoins de la société.

C’est également à cette époque que j’ai lu Darwin où j’ai bien compris la différence entre l’évolution et l’amélioration. Évoluer, c’est simplement changer. À savoir si ce changement est bénéfique ou non est une tout autre histoire. La même évolution placée dans deux environnements différents s’avérera positive et négative. Ce n’est donc pas l’évolution ni même la direction prise par l’évolution qui peut être qualifiée, mais seulement la façon dont elle subit son environnement ou sait en tirer profit.

Sapiens-neanderthal

La gracilité d’homo sapiens le prédestinait à être supplanté par la robustesse d’homo neanderthalensis, bien mieux adaptée à supporter les rigueurs du climat de cette époque. Et pourtant, nos ancêtres ont survécu, pas Néandertal, car lorsque la viande s’est faite rare, leur exigeante constitution les a menés à l’extinction. Voilà comment un même caractère peut jouer en faveur ou carrément devenir nuisible.

Toutes mes convictions se nuançaient. Si auparavant je créais des synonymes entre évolution, changement et amélioration, ce n’était plus du tout le cas. J’ai cessé de penser en matière d’évolution, car on ne peut la contrecarrer. L’ADN au cœur des gènes est une formidable machine de réplication. D’une fiabilité impressionnante à cause de sa simplicité fonctionnelle, l’ADN n’est pourtant pas totalement infaillible. De légères erreurs se glissent constamment et celles-ci sont souvent rejetées, mais pas toujours. Les changements permanents se nomment mutations.

La Nature fonctionne à partir d’un mécanisme réplicatif permettant la stabilité, la constance, mais elle s’est également dotée d’un moyen naturel d’évoluer, de casser la routine, de muter afin d’éviter la stagnation absolue.

Phase IV: Presque le retour au point de départ

La distinction entre les réacs et les freins naturels est au cœur de la suite de mon raisonnement.

gentillesse-2L’évolution naturelle peut très bien se passer des réactionnaires puisqu’elle possède ses propres freins. Ces derniers ne jouent donc pas le rôle précieux de maintenir une certaine cohésion par de la retenue. 

Lorsque je vois des gens s’époumoner à dénoncer des changements apportés à des lois, à des règlements, à des règles du jeu de la société, il est rare que j’aie de la sympathie pour leur cause, à moins qu’elle touche des valeurs très fondamentales et que ce changement représente une perte absolue sans aucune contrepartie valable. Ex.: esclavagisme, violence faite aux enfants, etc.

Finalement, tout n’est qu’une question d’égoïsme. On ne veut rien déranger de ce qui nous arrange et on veut réarranger tout ce qui nous dérange.

Je vois donc aujourd’hui tous les freins non naturels à l’évolution comme des crises d’enfants gâtés prêts à tout pour conserver leurs petits avantages grappillés au détriment d’autres personnes et qui ne veulent surtout pas se retrouver dans les mêmes souliers que leurs anciennes victimes.

Ainsi, mon instinct de jeunesse ne m’avait peut-être pas vraiment trompé. Après avoir complété un tour de roue, me voilà presque revenu à mon point de départ. Cependant, on sait tous que lorsque la roue de la charrette a complété un tour, sa position a tout de même changé. Une évolution est nécessairement survenue dans ma pensée, ne serait-ce que sa richesse accrue.

Conclusion

Et qui sait! Peut-être vivrai-je une cinquième phase qui serait impossible sans avoir vécu les précédentes. L’évolution de ma pensée semble suivre les schèmes de la grande Évolution. Elle atteint certains paliers, mais semble toujours devoir reprendre son inexorable cheminement.

Et je n’essayerai pas de contrecarrer ce mouvement. Je tenterai tant bien que mal de le suivre et de l’analyser pour mieux le comprendre.

La taupe et l’aiglon

Les fameuses séquences dans notre ADN que les scientifiques nomment des séquences poubelles. Eh bien là, ils commencent à dire que ça sert probablement à quelque chose.

J’ai de la difficulté avec ces scientifiques faisant grand étalage de leur ânerie en qualifiant certains éléments de leur science d’ « inutile », de « poubelle », de « sans importance », « en trop », etc. Vous voyez le genre. Ils font partie de la même cohorte de crapauds que ceux qui ont inventé la bêtise qu’on n’utilise que 10 % de notre cerveau.

Évidemment, ils devraient dire « 10 % du cerveau est utilisé à ceci ou cela, le reste, j’en sais encore rien » et « j’ignore à quoi servent 90 % de nos séquences d’ADN » plutôt que de les considérer comme des résidus inutiles.

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On dirait que l’humain ne parvient pas à se corriger de sa suffisance à se croire omniscient dès qu’il effleure la moindre surface d’une discipline naissante. Mais surtout, j’en veux aux scientifiques qui font des déclarations publiques en ce sens, créant du même coup de fausses vérités reprises par des générations de gens après eux comme étant paroles d’Évangile.

L’humilité aide à progresser tout en se rendant sympathique. Alors, y a-t-il quelqu’un dans l’audience qui peut y faire quelque chose une bonne fois pour toutes ? Ou faudra-t-il que l’humain garde cette tare génétique pour le reste de sa minable existence ? Cette tare doit certainement se retrouver dans un segment qu’ils appellent du junk.

Parfois, non souvent, j’en viens à me considérer comme un extraterrestre. Je ne suis pas généticien et pourtant j’aurais pu choisir le bon constat entre « j’ignore à quoi servent ceci et cela » et « ça ne sert absolument à rien ».

aiglon

Je vous en prie, ramenez-moi sur ma planète d’origine ! Je n’en peux plus de vivre ici parmi ces pédants croyant détenir la vérité alors qu’ils n’ont toujours rien compris à ce qui est important et fondamental, même après 20 ans et plus à s’échiner à leur faire comprendre le bon sens.

Mais j’oubliais, c’est vrai, ceux qui enseignent à ces abrutis viennent du même moule. Comme quoi une taupe n’accouche pas d’un aiglon.

P.S. Désolé pour tous les autres scientifiques faisant bien leur travail, la majorité en fait, qui évitent de passer à l’histoire pour avoir transmis des bêtises, cette critique ne vous concerne évidemment pas. Sauf si vous en connaissez dans votre entourage, donnez-leur un petit coup de pied dans une partie de leur anatomie où ça ne fait pas vraiment mal, mais qui leur montrerait l’organe qu’ils utilisent pour penser ainsi. Ça pourrait débloquer l’autre siège de la pensée logique qu’ils ont délaissé.

Photos: nextinpact.com ; lpo.frimagedelilou.e-monsite.com