Le mot qui insulte

J’ai récemment écrit un article intitulé « N comme dans Noir ». Il fait partie d’une série où je décris les particularités d’une lettre et d’un mot commençant par celle-ci.

On m’a félicité de ne pas être tombé dans le piège d’y incorporer le fameux mot n… qui insulte. Pour ma part, le mot « noir » est suffisamment riche pour ne pas empiéter sur un autre mot même s’il existe une forte corrélation entre les deux.

Paint it, Black
Danny Laferrière, membre de l’Académie française et auteur de « Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer»

Ce n’est que très récemment que le fameux mot « nègre » a pris une connotation exclusivement insultante. C’était déjà le cas si ce terme était utilisé par un non-noir, mais étrangement un individu de la communauté noire pouvait l’utiliser en toute légitimité sans aucune connotation négative. Bien étrange et passablement inquiétant qu’un mot présente un tel clivage en fonction de la couleur de la peau de celui qui le prononce, comme si le bronzage permanent transparaissait à travers une feuille de papier ou dans un extrait audio. Et quel degré de coloration était-il requis pour passer le cap de la permission ?

Nègre

Vieilli, péj.(Terme raciste et injurieux, sauf lorsqu’il est employé par les Noirs eux-mêmes)
Dictionnaires Le Robert – Le Grand Robert de la langue française

Corriger cette bizarrerie lexicale en généralisant son attribut négatif m’apparait très sensé. C’est la prérogative de l’évolution du langage de modifier la façon dont on interprète les mots et expressions au fil du temps. En ce sens, je conçois, j’accepte et j’approuve sans réserve ce changement. Il ne faut cependant pas oublier les usages de ce mot juste avant cette crise terminologique.

Je suis profondément persuadé et les études ADN le confirment, la grande famille des homo sapiens n’est constituée que d’une seule race. Donc pour moi, le mot raciste est un non-sens au même titre que les gens aux yeux verts ne constituent pas une race à part entière, les cheveux roux, les jambes arquées et les nez aquilins non plus, pas plus que les gens à la peau noire qui est d’ailleurs rarement proche du noir. Alors quand provoquera-t-on les mêmes esclandres autour de l’usage toujours en vogue, mais parfaitement injustifié du mot « racisme » ?

Arrêter d’utiliser le mot « nègre » pour parler d’une certaine population humaine est une décision intelligente. Ce qui l’est moins, consiste à haranguer les gens qui en parlent à propos des écrits du passé au moment où ce terme était encore socialement acceptable et accepté. Les éléments d’archives ne peuvent être brûlés, ignorés ou mis à l’index parce que ce terme y apparait.

On explique le contexte, l’histoire, l’évolution des pensées et tout le monde sera en mesure de comprendre le bien-fondé de ne plus utiliser ce terme sans essayer de faire croire que ce mot n’a jamais existé en affublant sa lettre d’entame de points de suspension… Esquiver la question plutôt que de donner des explications claires est digne de l’âge de l’inquisition et de sa grande… noirceur.

Aucun mot ne devrait nous apeurer ni nous faire peser des menaces s’il est justifié et utilisé dans le bon contexte et pour les bonnes causes. On peut débattre de ces derniers dans le respect et l’ouverture d’esprit, on peut diverger d’opinion et même camper sur ses positions, mais à court d’arguments, menacer, devenir extrémiste pour s’arroger une futile victoire non méritée fait d’eux des terroristes de la langue.

Ainsi, tous ces bien pensants qui montent aux barricades sans rien comprendre, sans évaluer la situation, sans réfléchir une seule petite seconde, méritent précisément ce pour quoi ils pensent combattre, une bonne insulte en pleine figure. Personnellement, je choisirais l’un ou l’autre des synonymes incolores du mot « idiot ».

Un trou noir dans le système solaire ?

Bon ! Bon ! Les grands mots sont lancés ! On peine à trouver la fameuse planète 9, aussi connue sous les noms planète X, Nibiru, etc., beaucoup de noms pour un objet toujours hypothétique !

Toutefois, les hypothèses se raffinent et les probabilités concernant la présence d’une autre planète dans notre système solaire continuent de croitre. Aujourd’hui, peu d’astronomes raillent du sujet contrairement à il y a vingt ou même dix ans. Ce ne sont plus les apôtres du Nouvel Âge qui parlent, ce sont de très sérieux scientifiques équipés de superordinateurs afin d’appuyer leurs prétentions.

Ils ne peuvent pas expliquer certaines perturbations d’objets lointains dans le système solaire autrement que par une planète qui voyagerait à ses confins. Une planète d’une dizaine de fois la masse de la Terre. Une planète à l’orbite très excentrique. Une planète dont la révolution autour du Soleil durerait quelques dizaines de milliers d’années et, comble de malchance, se situerait actuellement à son aphélie à 150 milliards de kilomètres, le point de son orbite le plus éloigné du Soleil et de nous par conséquent. En comparaison, la Terre est mille fois plus proche du Soleil que ne le serait actuellement ce fameux objet perturbateur transneptunien.

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La ceinture de Kuiper se situe au-delà de Neptune et abrite des astéroïdes et des planètes naines. L’une d’elles ne vous est pas inconnue puisque c’est Pluton. Deux autres ont été repérées, elles portent les noms de Makemake et d’Haumea. Au-delà de cette ceinture rocheuse, on observe une baisse importante et anormale de leur nombre surnommée le précipice Kuiper (Kuiper Cliff). Cette absence de cailloux dans cette région intrigue les astronomes. De plus, on observe plusieurs corps de la ceinture se comportant anormalement. En mettant bout à bout tous ces indices, on obtient la probabilité qu’une planète se promène effectivement dans cette région.

Grâce aux ordinateurs et aux lois de la physique qui les alimentent, on parvient à estimer la masse, l’orbite et la position actuelle de cette hypothétique planète. Évidemment, tous ces calculs ne peuvent être qu’approximatifs, mais si on veut la trouver, il faut bien braquer nos télescopes dans une direction où les probabilités de voir l’objet sont optimales.

Malheureusement, malgré tous les moyens mis de l’avant jusqu’à présent pour la dénicher, rien à faire. On a beau observer avec les plus puissants télescopes, Nibiru reste introuvable là où l’on pense qu’on devrait la voir.

Son existence est donc régulièrement remise en question, mais les perturbations dans la ceinture de Kuiper doivent s’expliquer et pour le moment, on ne voit aucune autre explication plus convaincante que celle de la planète X.

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Or, par déduction logique, si une planète est présente et si on ne parvient pas à la voir alors que nos télescopes en seraient capables, ce n’est pas parce qu’elle n’existe pas, mais parce qu’elle serait inobservable. Et l’on connait une certaine classe d’objets célestes véritables et inobservables, ce sont les trous noirs.

Mais il y a un gros hic. On connait avec certitude deux types de trous noirs. Le trou noir stellaire, généré par une étoile s’étant transformée en supernova. Les restants de cette explosion forment un trou noir lorsque la masse résiduelle est suffisante. Les plus petits trous noirs stellaires frisent 3 fois la masse solaire. C’est bien plus qu’un trou noir de seulement quelques fois la masse terrestre. L’autre trou noir connu est supermassif, des milliers, des millions voire des milliards de fois la masse solaire.

Alors, imaginer un trou noir de seulement quelques masses terrestres n’est pas anodin puisque aucun phénomène connu actuel ne peut en générer d’aussi légers. Observer la planète X si elle était un trou noir serait impossible puisqu’il ferait seulement une vingtaine de centimètres de diamètre et il serait évidemment totalement noir.

Alors d’où proviendrait cet objet minuscule et hyper massif ? On pense que des petits trous noirs auraient été créés tout au début de l’existence de l’Univers, juste après le big bang. L’hypothèse n’est pas nouvelle puisque les conditions permettant leur formation pouvaient exister à cette époque préstellaire. Il se pourrait même que ces objets, les plus gros d’entre eux, aient été à l’origine de la création des galaxies et la raison pour laquelle chacune d’entre elles possède aujourd’hui en son centre un trou noir supermassif. Les granules originelles auraient cru jusqu’à devenir géantes grâce à l’accrétion graduelle de matière. Toutefois, la grande majorité des trous noirs minuscules continueraient de peupler les galaxies et l’un d’entre eux orbiterait dans notre propre système solaire. L’hypothèse est intéressante mais exotique. C’est pourquoi il faut passer en revue toutes les autres possibilités avant de se rabattre sur cette dernière.

La suite est excitante puisque nous pourrions prouver simultanément l’existence d’un corps perturbateur en orbite lointaine ainsi que ces fameux trous noirs primordiaux jamais encore détectés.

Le problème actuel est celui de la quantité de données disponibles. Nos observations de qualité sont trop récentes pour bâtir une hypothèse robuste. Plusieurs années à récolter de nouvelles données devraient permettre d’y voir plus clair. 

Une autre possibilité est qu’il existe non pas une, mais deux planètes éloignées. Ainsi, actuellement nous déduirions la position médiane située entre les deux corps et on ne verrait que le vide, raison des insuccès actuels de nos observations par télescopes.

Ce scénario me plait. Il ne fait pas intervenir d’objets exotiques hypothétiques et il aurait l’avantage de faire cesser la tergiversation entre les noms planète 9 et planète X, chacune s’accaparant l’un d’eux.

L’humain orphelin

J’adore recevoir des commentaires, parce qu’ils m’aident à poursuivre ma réflexion sur un sujet ou ils me font dévier afin d’explorer une autre voie passionnante. Grâce à un commentaire de Sylpheline (j’abrège) en rapport avec mon article d’hier sur la vie intelligente ailleurs que sur Terre, j’ai eu cette réflexion.

J’ai pris conscience que l’humanité est un petit garçon, une petite fille, sans parents pour lui dire s’il fait bien ou mal. Alors il a inventé des pères célestes pour l’aider dans cette épreuve, pour lui servir de guide avec tous les avantages, mais aussi tous les inconvénients liés au fait qu’il se laisse guider par une invention figée dans le temps.

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L’humain est orphelin et il a peur, peur de lui-même, peur de ses semblables, peur de sa puérilité et de ses colères enfantines, peur du vide laissé par des parents inexistants et surtout il a peur de ses questions laissées sans réponses.

L’humain cherche encore ses parents et tant qu’il n’aura pas appris à se prendre en main, il restera un mioche enfoui au fond d’un placard qui s’invente des histoires pour faire disparaitre le monde extérieur si différent de celui qu’il voudrait connaitre. Il s’inventera des parents vivants temporairement absents qui l’aiment et qui pensent à lui.

L’humain est faible alors qu’il aime se croire fort. Il crie, il crâne, car il craint. Il appréhende de devoir finalement accepter de ne jamais connaitre ses parents. Alors il repousse ce jour en se rattachant à des croyances anciennes. Toutefois, celles-ci le retiennent prisonnier, l’empêchant de franchir la frontière entre le monde des enfants et celui des adultes.

Hier, j’écrivais que l’humain est intelligent, mais idiot. En fait, j’aurais dû utiliser le mot enfantin. Ce constat m’aide-t-il à plus aimer l’humanité ? C’est dommage, je dirais l’inverse. Selon moi, elle n’est plus une enfant, mais elle joue à le rester en faisant l’idiote. Et cette nouvelle donne empire l’état de mon estime à son égard. Hier encore, il me restait un peu de sympathie pour l’humanité. Aujourd’hui, je n’en suis plus aussi certain.

Images : Peintures de Suzor-Coté
– Dégel soir de mars Arthabaska
– Mon neveu

C’est la faute aux ondes gravitationnelles

Il existe une nouvelle mode depuis quelque temps, celle de placer les mots «ondes gravitationnelles» partout où l’on voit des rides ou des vagues. Les nuages forment des moutons parallèles, c’est l’effet des ondes gravitationnelles. Des rides dans des dunes, les ondes gravitationnelles. Des rides sur l’eau, les ondes gravitationnelles.

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Les ondes gravitationnelles ne sont pas visibles à notre échelle et ne laissent pas de traces apparentes de leur passage. Elles déforment l’espace d’une manière microscopique lorsqu’elles se propagent à la vitesse de la lumière. Depuis peu, on les détecte en faisant voyager un rayon laser entre des miroirs distants de plusieurs dizaines de kilomètres et l’on réussit à peine à mesurer une variation infinitésimale de cette longueur. Si elles faisaient des vagues dans des dunes, soyez certain que nous serions en train d’être pulvérisés par deux trous noirs en coalescence dans la banlieue proche de la Terre.

Alors, non, les ondes gravitationnelles ne font pas rider les dunes ni ne dessinent des rouleaux dans les nuages. De bien grandes bêtises proférées par des gens ignorant tout de ce phénomène qui fut prédit par Albert Einstein un an après avoir complété sa théorie de la relativité générale. Il publia un article à ce sujet dans une revue scientifique en 1916, mais il a quand même toujours fortement douté de leur existence, changeant plusieurs fois d’idée par la suite. Une fois de plus, son instinct ne l’avait pas trompé.

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Les ondes gravitationnelles ne ressemblent pas aux ondes électromagnétiques connues qui utilisent les photons pour transporter l’énergie. Ce sont donc des ondes de gravitation qui déforment l’espace-temps lorsqu’elles irradient à partir de leur lieu d’origine.

Il est raisonnable de penser qu’une particule joue le même rôle que le photon, dans leur propagation, ce serait le graviton. Lui aussi se déplacerait à la même vitesse c que son homologue électromagnétique. Mais si les ondes gravitationnelles ont été récemment détectées et confirmées, il n’en fut pas de même pour le graviton qui reste une particule hypothétique.

Les déformations spatiales exigent de l’énergie, on ne plie pas l’espace gratuitement. Ainsi, deux trous noirs qui se tournent autour avant de fusionner perdront une partie de leur masse transportée sous forme d’énergie par les ondes gravitationnelles.

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La première détection d’ondes gravitationnelles a eu lieu le 14 septembre 2015 par les trois détecteurs LIGO et les scientifiques ont pu le confirmer le 11 février 2016, un siècle après la parution de l’article d’Einstein. Mais ce qui a rendu cette détection si spectaculaire est le fait d’avoir situé dans l’espace le lieu d’où provenait la production de ces ondes.

Couplée à d’autres observations résalisées par des télescopes traditionnels détectant des effets électromagnétiques complémentaires, ensemble, elles ont permis de découvrir la fusion de deux trous noirs de 36 et 29 masses solaires survenue à une distance de 1,3 milliard d’années-lumière. Il en est résulté un trou noir de 62 masses solaires. Ils ont donc perdu 5 % de leur masse, l’équivalent de trois fois la masse de notre Soleil, transformée en énergie qui a déformé l’espace jusqu’à nous. À leur arrivée sur Terre, le train d’ondes a fait osciller nos dimensions spatiales de seulement quelques zeptomètres (10-21 m). C’est tout dire sur la difficulté de mesurer ces variations infinitésimales de compression et dilatation d’espace.

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Depuis, d’autres détections ont eu lieu, confirmant la première tout en donnant du pep à d’autres détecteurs en cours de construction. Bientôt, nous posséderons tout un réseau de détecteurs capables de bien mesurer et localiser les sources de ces émissions.

Mais soyez assuré et rassuré, aucun phénomène visible n’est causé par le passage de ces vagues d’espace-temps et il vous est impossible de les sentir.

Verra-t-on un trou noir en 2018 ? (3)

J’ai entendu votre question et je vous réponds d’entrée de jeu, la réponse est non! Il n’existe aucune photo de l’horizon d’un trou noir nulle part sur Terre. Toutes sont des illustrations d’artiste ou des dessins créés par ordinateur à partir des formules mathématiques tirées de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Par contre, ça pourrait changer dès cette année.

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Poursuivons maintenant notre aventure entreprise avant-hier et hier en présentant quelques concepts astronomiques. Si on veut obtenir une photo d’un horizon d’un trou noir, il faut quand même comprendre comment on pourrait y arriver. Vous verrez qu’il ne suffit pas de relier un iPhone à un télescope.

Tout d’abord, différencions deux concepts des instruments d’optique, leur sensibilité et leur résolution.

La sensibilité dépend dans un premier temps de la qualité du détecteur à transformer les photons en signal électrique. Attachez une patate à un télescope, vous n’obtiendrez pas la photo d’un champ de patate. Ensuite, il y a le nombre de photons qui seront amenés au détecteur. Cette quantité dépend de la taille du télescope, ce qu’on appelle la surface collectrice du miroir principal. Enfin, pour augmenter le nombre de photons, le télescope visera le même point du ciel le plus longtemps possible.

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La résolution définit la capacité de l’instrument à différencier deux éléments l’un de l’autre. Elle dépend du nombre de pixels du détecteur, de la fréquence à détecter et aussi de la parallaxe.

La parallaxe est l’angle maximal formé par deux points de la surface collectrice. Plus le diamètre du télescope est grand, plus l’angle sera important et plus son pouvoir de résolution sera important. Un grand miroir aura donc deux avantages. Il collectera plus de photons et il aura un pouvoir de résolution plus important.

Toutefois, aucun télescope terrestre ou spatial n’a la résolution nécessaire pour voir les détails des effets optiques occasionnés par les trous noirs connus, même ceux du petit monstre supermassif caché au centre de notre Galaxie. Peut-on attendre la mise en service en 2025 du télescope E-ELT de 39 mètres de diamètre, mais là encore, sa résolution serait beaucoup trop faible.

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Qu’à cela ne tienne! Les astronomes sont des petits futés et ils ont pris la définition de la résolution d’un instrument optique au pied de la lettre. S’il faut augmenter la parallaxe pour améliorer le pouvoir de résolution, il suffit de prendre deux télescopes au lieu d’un seul et de leur faire regarder le même objet en même temps afin de créer un télescope virtuel de meilleure résolution.

Différentes solutions ont été mises de l’avant, dont certaines plus simples, d’autres plus complexes. La plus simple est le concept des jumelles, c’est le cas du BLT (Binary Large Telescope).   

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Pour des télescopes indépendants, il faut trouver le moyen de traiter les signaux reçus par les deux engins pour les faire correspondre exactement dans le temps. On parle alors d’interférométrie. Une fois encore, deux solutions existent. Les interféromètres couplés localement, comme le VLT. Possédant 4 gros et 4 petits télescopes, il est possible de simuler un télescope de 200 mètres de diamètre.

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Mais encore là, c’est beaucoup trop peu pour espérer voir l’horizon d’un trou noir. Ça prendrait un télescope au moins des dimensions… de… de… la Terre. Et c’est là qu’ils ont créé le EHT (Event Horizon Telescope). Ce n’est pas un nouveau télescope, mais un protocole d’utilisation d’un réseau de neuf télescopes existants répartis un peu partout sur la planète, y compris au Groenland et en Antarctique. Son diamètre virtuel définissant sa capacité de résolution est de près de 15000 km.

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Une première session photo s’est déroulée en avril 2017 et les résultats sont à l’étape du traitement qui pourrait se terminer d’ici la fin de l’année 2018. Ce sont des pétaoctets de données à traiter avec des difficultés énormes, d’où le délai entre la prise photo et le résultat final.

Demain, quelques questions – réponses sur le sujet.

Verra-t-on un trou noir en 2018 ? (2)

Cet article fait suite à celui d’hier.

En résumé, un trou noir, c’est un point de l’espace infiniment petit et dans lequel la matière entassée dedans est devenue infiniment dense. Alors pour voir un point infiniment petit… noir… et très éloigné, on peut se demander si les astronomes ne sont pas tombés sur la tête !

Je vais donc introduire un autre concept qu’il faut connaitre provenant de cet hirsute personnage, mais un peu plus génial que moi, Albert Einstein. Il y a 103 ans, sa théorie de la relativité générale nous apprenait que l’espace-temps se déforme lorsqu’il y a de la matière. Et plus cette matière est dense, plus l’espace se déforme.

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L’image classique est celle du trampoline avec une boule de quilles au centre. Remplacez la boule de quilles par une boule d’or, puis par une boule d’uranium, plus la matière est massive, plus le trampoline s’enfonce autour de l’objet. Placez-y maintenant un trou noir, le trampoline se déforme tellement que sa trame devient un puits sans fond. Ainsi, autour d’un trou noir, la trame d’espace-temps se creuse à l’infini.

 

Ce puits attire donc les objets environnants, mais également tout ce qui s’en approche trop, lumière incluse. Ce n’est pas le trou noir qui attire la lumière, c’est l’espace qui a pris la forme d’un entonnoir. La lumière ne fait que suivre la géométrie de cet espace qui plonge sans fin. On dit qu’elle suit la géodésique de l’espace-temps.

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Si la lumière passe trop près, sa géodésique va l’amener inexorablement dans le puits. Si la lumière passe plus loin, l’espace-temps n’est pas suffisant déformé pour que la géodésique l’amène dans le puits. On comprend donc qu’il y a une limite entre le « juste un peu trop près, je tombe » et le « juste assez loin, je m’en sors ».

Sous cette limite, la lumière est piégée par le puits spatiotemporel. Au-delà, elle parvient à poursuivre sa trajectoire. Puisque le puits gravitationnel est tridimensionnel (sa déformation se crée dans les 3 dimensions d’espace), la limite est également tridimensionnelle. Elle prend donc l’apparence d’une sphère. Et puisque toute lumière passant sous cette limite est irrémédiablement piégée dans le puits, cette sphère ne peut émettre aucune lumière. Elle est donc parfaitement noire. On a l’impression que le trou noir a une bonne dimension puisqu’on voit une grosse sphère noire. Cependant, le trou noir reste un point infinitésimalement petit. La sphère noire autour du trou noir est simplement un effet créé par le trou noir, ce n’est pas le trou noir. Cet effet visuel ne contient rien, ni matière, ni lumière, sauf en son point central infiniment petit. Cependant, on a l’impression de voir le trou noir.

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La surface de cette sphère parfaitement noire se nomme l’horizon des événements du trou noir. Plus le trou noir sera massif, plus cet horizon gonflera, puisque l’espace déformé s’agrandit de plus en plus. On a l’impression de voir le trou noir grossir. C’est toujours l’horizon des événements qui grossit, pas le trou noir qui reste toujours, peu importe la masse engloutie, un point infiniment petit.

Donc, mon titre est un peu racoleur puisqu’on ne peut voir que l’horizon des événements d’un trou noir, pas le trou noir comme tel.

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Toutefois, les astronomes eux-mêmes parlent de voir un trou noir. Vous pourrez donc corriger leur abus de langage la prochaine fois que vous croiserez un astronome au supermarché. « Tut, tut, tut ! horizon des événements mon ti-noir ! Tu ne me passeras pas un horizon pour un trou ! »

Bon, maintenant on sait qu’on peut admirer l’effet d’un trou noir sur l’espace qui l’entoure, ça ressemble à une sphère toute noire, ça s’appelle un horizon des événements, ça peut donc s’observer.

Demain, on verra comment s’y prendre pour voir des horizons des événements qui sont passablement petits. Et les trous noirs supermassifs alors ? On aurait probablement plus de chance avec ceux-là.

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Verra-t-on un trou noir en 2018 ? (1)

Est-ce que nous pourrons voir un trou noir très bientôt ?

Évidemment, la question aurait de quoi faire rire. Puisque le fond du cosmos est noir, regarder un trou noir sur un fond noir, c’est comme observer un corbeau dans un placard. Pourtant, il est possible de voir ce à quoi un trou noir ressemble en regardant ses effets sur son environnement.

Afin de répondre à la question initiale, j’aurai besoin d’expliquer succinctement différents concepts que je distribuerai dans des articles distincts.

Le premier article sera donc consacré à rappeler comment se forme un trou noir afin de comprendre sa nature.

Une étoile est un délicat équilibre entre deux forces antagonistes. Tout d’abord, une étoile, c’est une bombe nucléaire. La pression engendrée par la fusion nucléaire tend donc à disperser les constituants de l’étoile comme le fait n’importe quelle bombe nucléaire. Toutefois, puisqu’une étoile est aussi un agrégat important de matière, la gravitation retient la matière éjectable en la concentrant au centre de l’astre, ce qui maintient l’étoile en une sphère plutôt stable.

Une étoile est donc une sorte de balance à ressort qui retient le poids déposé sur son plateau en le repoussant jusqu’à un équilibre entre les deux.

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Formation d’une étoile à neutrons

Cependant, le carburant nucléaire venant en fin de compte à manquer — et cela arrive d’autant plus rapidement que l’étoile est obèse — la pression des explosions nucléaires ne suffit plus à contrebalancer la force gravitationnelle qui comprime l’étoile. De ce combat singulier perdu d’avance, l’étoile finira par imploser sous son propre poids. Si elle possède suffisamment de matière, l’implosion réussira à vaincre les autres forces répulsives possibles dans la matière. Les électrons deviendront incapables de se repousser mutuellement (principe d’exclusion de Pauli) et finiront par s’écraser sur les noyaux des atomes. Ce faisant, les électrons fusionneront avec les protons du noyau pour former des neutrons. On obtient ainsi une étoile d’une densité extrême dont son cœur est entièrement composé de neutrons. Tous ces neutrons sont comprimés dans une sphère de 20 à 40 km de diamètre pour l’équivalent en poids d’une étoile de 1,4 à 3,2 fois la masse de notre Soleil. C’est dire comment la densité de la matière est importante ! Mais une étoile à neutrons n’est pas encore un trou noir.

Trop de matière pour résister

Si l’étoile à neutrons possède une masse supérieure à 3,2 fois celle de notre Soleil, ces particules neutres formant une espèce de noyau atomique géant seront elles aussi incapables de résister à la force gravitationnelle. Les quarks composant les neutrons atteindront leur limite de résistance et flancheront à leur tour.

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Formation d’un trou noir stellaire

À cette étape, il n’existe plus aucun autre mécanisme pouvant résister à la force gravitationnelle. La matière atteint alors sa limite d’existence et s’écrase en se concentrant un point infiniment petit. Le résultat est une singularité des équations de la relativité générale d’Einstein. Un point infiniment petit concentrant une masse de densité infiniment grande. Un trou noir est né.

Ouais, la physique n’aime pas trop les infinis et ces deux infinis du trou noir signifient qu’on a un « trou » dans notre théorie. Un trou noir de connaissances liées aux trous noirs qu’on ne parvient pas à éclaircir. Ironique, n’est-ce pas ? Cette formation des trous noirs se rapporte aux trous noirs d’origine stellaire, c’est-à-dire qu’une étoile est à l’origine du trou noir. Il atteint des masses maximales aux alentours de 14 fois celle de notre Soleil.

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Trou noir galactique (supermassif)

Il existe aussi des trous noirs galactiques. Ce sont des trous noirs tapis au cœur de la plupart des galaxies. Leur origine est controversée, mais il est certain qu’ils ont cru en avalant de la matière environnante et par coalescence avec d’autres trous noirs. Le record est détenu par le trou noir supermassif de la galaxie NGC 4889 qui aurait un petit 21 milliards de fois la masse de notre soleil !

La Voie lactée, notre Galaxie, cache également un trou noir supermassif en son sein. Il deviendra important pour la suite de cet article. Toutefois, sa dimension reste modeste. Il a la taille plutôt fine à comparer à bien d’autres trous noirs en ne pesant que 4 millions de fois la masse de notre Soleil !

Dans le prochain article, j’expliquerai simplement ce qu’on appelle l’horizon des événements d’un trou noir. Cette notion est essentielle pour comprendre comment on peut observer un trou noir.

Je vous donne rendez-vous demain pour la suite de ce passionnant feuilleton et vous encourage entretemps à poser vos questions sous forme de commentaire.

À bientôt.

Symbolisme du corbeau

Je continue la présentation du symbolisme du corbeau avec une vision occidentale et orientale du même oiseau. Vous pouvez lire le premier article traitant de sa couleur et d’une légende amérindienne lui étant associée en cliquant ici.

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L’Orient et l’Occident ont souvent des visions et des symbolismes diamétralement opposés d’une même chose ou d’un même animal. Le corbeau ne fait pas exception à ce schéma antipodal.

Probablement à cause de sa couleur l’associant au deuil, probablement à cause de son cri rauque, le corbeau en Occident a plutôt mauvaise réputation. À la tour de Londres, on garde des corbeaux sur la pelouse en leur rognant une aile, ce qui les empêche de voler, mais pas de marcher. Ce moyen peu respectueux des oiseaux a pour objectif de rehausser l’aspect funèbre de cette tour-prison. Lorsque cet oiseau est en colère, les plumes de sa gorge se hérissent et lui donnent un air résolument menaçant.

Sur la photo, notez l’irisation de ses plumes qui passe souvent inaperçue. Beaucoup d’oiseaux la voient beaucoup mieux que les humains, ce qui en fait un oiseau «coloré» à leurs yeux.

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En Orient et plus particulièrement en Chine et au Japon, l’oiseau noir est symbole de gratitude filiale, car cet oiseau nourrit père et mère. Au Japon, il exprime l’amour familial. Les jeunes Japonais à l’école primaire apprennent et chantent cette chanson :

Pourquoi le corbeau chante-t-il ?
Parce que dans la montagne
Il a un enfant chéri de sept ans
Le corbeau chante
Mon chéri ! Mon chéri !
Il chante
Mon chéri ! Mon chéri !

Le croassement du corbeau se dit « kâ kâ » en japonais et « chéri » se dit « kawaii ».

On note principalement qu’en Occident, on regarde surtout l’apparence de l’oiseau tandis qu’en Orient, ce sont ses comportements qui importent.

Ça en dit long sur ces deux cultures !

Photos : shotsofscience.com ;
wingsunfurled-web.com ;

 

Respecter le pessimisme

Cet article se veut un plaidoyer en faveur du pessimisme, mais oserez-vous lire cet article? Votre jovialité légendaire vous l’interdit, c’est ça? Vous aimez lire des tas de slogans «hop-la-vie» pour vous aider à garder le sourire? Vous regardez des vidéos de chats tous les jours? Votre tableau Pinterest est rempli de jolis paysages et de photos de chats? Ouais, pour un oiseau comme moi, les chats, je les préfère dans la sauce aux prunes chez le Chinois. Vous traquez peut-être les pessimistes pour vous imaginer dépourvus de cette tendance.

Petit incitatif pour les optimistes audacieux, si vous persévérez dans votre lecture, vous verrez une belle photo de chaton à la fin de l’article.

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Mais si la vie est vraiment noire, ce que vous appelez un pessimiste n’est qu’un réaliste. Et si l’optimiste reste optimiste, en fait il joue à l’autruche.

On oublie souvent de décrire la réalité d’une situation avant de prétendre que le pessimisme est une mauvaise chose. On tient pour acquis que nous devrions tous rester optimistes en tout temps et en tout lieu.

Mais est-ce vrai? Lorsqu’on ne cesse de lire et de voir des horreurs, rester optimiste ne relève-t-il pas d’une pathologie qui consiste à vouloir à tout prix garder des lunettes roses dans la face? Faire semblant que tout est beau alors que c’est totalement faux n’est pas une qualité, en tout cas pas pour moi. C’est la pilule bleue de Neo dans la Matrice.

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L’optimiste encroûté ne changera jamais rien au monde qui l’entoure puisqu’il fuit la réalité à tout prix. Ce sont les pessimistes qui changent le monde, car ils sont rendus à un point où ils sont incapables de l’endurer tel qu’il est.

Le pessimiste n’ira pas se pendre au grand hunier. Cessez d’avoir peur du pessimiste capable de regarder la vérité en face. Si rien n’est fait, la situation restera telle qu’elle est, c’est-à-dire noire. Et c’est le pessimiste qui a raison. Le pessimisme est un mécanisme permettant à l’humain de faire sauter le bouchon afin que les choses changent et progressent.

Ici, j’apporte une nuance essentielle. Les gens confondent régulièrement le pessimisme avec le fatalisme, alors que ces deux termes sont totalement différents. Le fatalisme se retrouve autant chez l’optimiste que chez le pessimiste. Le fataliste se contentera de la situation actuelle. Il n’agira jamais, prétendant que rien ne peut changer. L’optimisme est souvent du fatalisme en version 2.0. Se farcir sempiternellement la tronche de vidéos de chatons et de slogans trempés dans le chocolat pour être en mesure d’endurer la vie sans rien faire pour la changer, c’est ça du vrai fatalisme. Oui, être fataliste, c’est aussi fuir la réalité en grimpant sur le dos de l’optimisme.

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Fuir la réalité est parfois une bonne chose, je le reconnais. Mais si on fait l’éloge de la fuite, le pessimisme devait alors être encensé. Il faut être courageux pour regarder les choses qui sont réellement noires en évitant de se plaquer des lunettes aux lentilles multicolores pour se faire croire que la situation est irisée de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.

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Les seules vraies couleurs ne proviennent pas du type de lunettes que nous portons, mais de celles que nous peignons. C’est la seule façon de changer le noir véritablement et durablement. Faut-il, par contre, être en mesure de voir le fond noir de la toile. Avec des lunettes multicolores sur le nez, le besoin de peindre la toile noire s’affaiblit, se dégrade puis disparait. Et le noir, vainqueur, poursuit son règne, étend son hégémonie à tout ce qui l’entoure en distribuant des lunettes multicolores sous forme de slogans sirupeux et de chats qui ne sont pas en train de manger des oiseaux.

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L’optimisme, qualité par excellence, est bien souvent un défaut. Et le pessimisme qui est toujours considéré comme un défaut est bien souvent une qualité. Tout dépend de la façon que nous avons de mettre de la couleur dans nos vies.

Lunettes multicolores : magiclight.net ;
Peinture abstraite : amesauvage.com ;
Chaton réaliste : koreus.com ;

Cortège de trous noirs

Le cœur de la Voie lactée n’abrite pas seulement un trou noir supermassif de 4 millions de masses solaires, mais également une myriade de petits trous noirs stellaires. On en a recensé une douzaine jusqu’à présent, mais ce n’est que le début puisqu’on en prévoit des centaines.

Cette découverte n’est pas inattendue, bien au contraire. La Galaxie, comme beaucoup d’autres, possède un bulbe galactique entourant son centre. La densité de la population d’étoiles y est beaucoup plus forte qu’ailleurs. Le centre de notre Galaxie contient également ses plus vieilles étoiles. Pour ces raisons, trouver beaucoup d’étoiles s’étant transformées en trou noir près du centre galactique prouve que la Voie lactée est une galaxie normale.

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On avait prouvé voilà déjà plusieurs années que le centre galactique était effectivement un trou noir supermassif plutôt qu’un amas dense d’étoiles ordinaires. Le cortège de trous noirs stellaires gravitant dans son giron.

Contrairement à la croyance populaire, un trou noir supermassif ne se comporte pas comme un aspirateur. Les objets tournant autour de lui peuvent très bien conserver une orbite stable en conformité avec les lois de Kepler.

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Le trou noir central accumule en son sein de la matière environnante uniquement lorsque certains objets ont été déviés par des collisions ou lorsque la Galaxie avale des nuages de gaz ou d’autres galaxies qui se sont trop rapprochés. Mais pour ce qui est des objets en orbite stable autour de son noyau, ils peuvent poursuivre leur ronde des millions d’années sans aucunement être avalés.

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Cette découverte a été réalisée par une équipe de la Nasa dirigée par Chuck Hailey avec le télescope Chandra détectant les rayons X. Due à toute la poussière et aux milliards d’étoiles situées entre nous et le centre de notre Galaxie, il est impossible d’utiliser un télescope opérant dans le visible ou aux longueurs d’onde s’y rapprochant. Seuls les rayons X et gamma peuvent sonder le centre de notre Voie lactée.

Le premier à avoir prédit des milliers de trous noirs de masse stellaire formant un disque tournant autour du trou noir supermassif central est le théoricien Mark Morris en 1993. Cette récente découverte ne révèle rien de surprenant. Toutefois, les moyens mis en œuvre pour le prouver repoussent encore plus loin nos compétences observationnelles.

Photos : ici-radio-canada.ca ; maxiscience.com ; astroalbastronomy.wordpress.com ; atlantico.fr