Mélange de couleurs

Une rose violette, une violette bleue, un gros bleu jaune, un jaune d’œuf orange, une orange verte, un vert-de-gris, gris est l’azur auparavant rose, une rose violette…

Et l’on s’étonne que les gens connaissent mal leurs couleurs !

Blue Jean Blues

Évidemment, nommer un objet du nom de sa couleur est, à mon avis, une très mauvaise bonne idée car, comme dans le cas des roses ou des violettes, des mutations leur octroient une panoplie d’autres couleurs qui n’ont plus rien à voir avec les originales.

Le jaune d’un œuf entre également dans cette catégorie des objets nommés en fonction de sa couleur la plus fréquente. Il aurait mieux valu nommer ce centre coloré d’une autre façon. Je suggère le terme plus juste et plus représentatif de « cellule ». Hé oui, un jaune d’œuf, qu’il soit de poule ou d’autruche, n’est en fait qu’une seule et unique cellule biologique. Ensuite, celle-ci peut bien prendre la couleur qu’elle veut, on ne confond plus une couleur avec un objet.

À l’inverse, avant que l’Europe ne connaisse les oranges, il n’y avait pas de mot désignant cette teinte comprise entre le jaune et le rouge et c’est ce fruit qui est à l’origine du mot désignant cette couleur.

Quant à l’azur, le ciel, hé bien, tout le monde sait qu’il s’accapare toutes les couleurs sauf celles proches du vert. Prendre l’azur et en faire un synonyme d’une seule de ses couleurs, en l’occurrence le bleu, est-ce pécher par trop d’optimisme ?

Et pour les bleus qu’on dissimule avec grande gêne, on sait tous qu’ils se présentent rarement bleus, mais plutôt mauves, violets et jaunes. Ici, est-ce un abus de langage ou une réduction inadéquate ?

Pour le vert-de-gris, il faut plutôt chercher son origine du côté de la Grèce. Le « vert de Grèce » désignait cette patine verte se formant sur le cuivre lors de son oxydation. L’usage l’a ensuite graduellement transformé en vert-de-gris.

Il est facile de donner un nom à une nouveauté en adoptant la première idée venue en tête, mais celle-ci est rarement bonne. Elle finit souvent par créer de la confusion voire pire, des contradictions.

Les mots popularisés par un usage rapide généralisé qui sont issus d’une autre langue ou d’une apparente évidence finissent souvent, malheureusement, par devenir la norme. Il ne nous reste plus qu’à les accepter malgré tous leurs défauts et les embêtements récurrents qu’ils nous occasionneront pour les siècles à venir.

Kawah Ijen, paradis vert, enfer bleu et jaune

En javanais, le nom de cet endroit très particulier signifie cratère Vert. On l’aura deviné, il s’agit d’un volcan situé sur l’ile de Java. Pour plus de précision, on parle du volcan Ijen qui se trouve à l’extrémité est de cette immense ile indonésienne formée par la subduction de la plaque tectonique australienne sous l’eurasienne. Kawah Ijen n’est que l’un des multiples cratères formés depuis l’explosion titanesque de la caldeira de Kendeng survenue voilà 50000 ans qui a totalement détruit son sommet de 3500 m pour ne laisser qu’une cuvette d’où émergent aujourd’hui quatre bouches fumantes distinctes.

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Le qualificatif vert provient de la couleur sublime de son lac sis au fond de la caldeira. Ce plan d’eau est juché à une altitude de 2200 m et fait environ 900 x 600 m. Il possède l’étonnante particularité d’être le plus acide de tous les lacs de la planète avec un pH de 0,2.

Le monstre éruptif est toujours en activité et est classé parmi les volcans gris, c’est-à-dire qu’il est de nature explosive, mais actuellement peu inquiétante avec un indice VEI de 1 ou 2. Les lèvres du cratère atteignent une altitude de 2800 m.

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Les touristes viennent spécifiquement visiter l’intérieur du cratère pour effectuer une virée de nuit où ils peuvent admirer des brasiers bleus, combustions du dioxyde de soufre (SO2) s’échappant du volcan. Le jour, le spectacle féérique de cet enfer bleu relativement contrôlé devient invisible.

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Les fumeroles rejettent d’importantes quantités de SO2 près d’une des rives du lac, forment une solfatare, un dépôt de soufre pur au jaune caractéristique. Malgré la toxicité élevée de ce gaz et sa grande irritabilité cutanée, une armée de travailleurs javanais vient quotidiennement prélever de gros blocs de soufre qu’ils chargent dans deux paniers reliés par une planche. Ils grimpent les pentes abruptes de la cuvette du volcan avec leur lourd chargement avant de redescendre la montagne vers leur village.

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Ce travail de paria leur brûle les poumons et la peau pour en ne leur laissant que des broutilles avec lesquelles ils parviennent à peine à nourrir leur famille. Certains réussissent à économiser durant de longues années afin de se payer un chariot pour se décharger de leur précieux soufre lors du trajet de retour. 75 malheureux euros et la plupart des travailleurs sont incapables de parvenir à se le procurer. Il faudrait qu’ils commencent par porter un masque à gaz et là encore, c’est trop cher pour leurs moyens. Un simple foulard leur sert de protection rudimentaire, pour ne pas dire futile.

Une âme charitable a voulu lever des fonds pour leur permettre de se procurer les équipements de protection et de travail plus adéquats. Elle a dû faire avorter son projet, car la mafia locale aurait détourné tous les dons à leurs profits.

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Une des seules solutions envisageables reste probablement de donner directement de l’argent aux travailleurs lorsque nous allons visiter ce lieu très particulier. En main propre et en monnaie locale uniquement, le risque reste qu’ils s’en servent pour subvenir à d’autres besoins plus pressants et qu’ils continuent de négliger leur santé et sécurité au travail.

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Aucune solution n’est simple sans une intervention gouvernementale exigeant des compagnies achetant le soufre de ces travailleurs qu’ils les payent mieux. Les autorités pourraient également mettre une coop sur pied ou permettre un syndicat légal et que ces organismes veillent aux conditions des travailleurs.

Inutile de chercher très loin pourquoi rien n’est fait pour leur venir en aide.

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La cumengéite

Une maladie inflammatoire ? Un champignon vénéneux ? Un mélange d’épices ? Non, la cumengéite n’est rien de tout cela, c’est un minéral.

Nommé ainsi en l’honneur d’Édouard Cumenge, ce minéral naturel bleu indigo intense est probablement le plus rare au monde.

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L’Institut Pierre en Marie Curie en possède quelques échantillons en vitrine. Découverts par des mineurs dans une mine de cuivre mexicaine en 1890, on n’en a plus jamais retrouvé depuis. D’une forme unique en étoile, ce sont six cristaux tétraédriques (pyramidaux) qui sont assemblés sur un autre de forme cubique pour former cet extraordinaire assemblage naturel improbable.

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Sa composition chimique est la suivante : Pb21Cu20Cl42(OH)40·6H2O.

Photos : Didier Descouens ;