Juan de Fuca

Juan de Fuca était un navigateur grec de la deuxième moitié du XVIe siècle. Son nom ne vous dit probablement pas grand-chose, à tout le moins, en tant qu’explorateur maritime.

Juan de Fuca a donné son nom à un détroit entourant le sud de l’ile de Vancouver. Il croyait avoir découvert un passage Ouest-Est à travers l’Amérique. Sa déception dut être très amère. Mais à la suite de la (re) découverte des Amériques, tout le monde poursuivait ce grand rêve d’aller en Orient en passant par l’ouest.

Aujourd’hui, Juan de Fuca n’évoque pas seulement ce voyageur ou ce bras de mer, mais également une toute petite partie de la croûte terrestre dissimulée au fond de l’océan Pacifique, une plaque tectonique éponyme.

La plaque Juan de Fuca est vraiment minuscule à comparer aux autres plaques tectoniques et elle rapetisse de plus en plus. Un jour, elle disparaitra totalement sous la plaque continentale de l’Amérique du Nord. Cependant, malgré sa petitesse apparente, elle n’est pas sans conséquences.

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Sa partie la plus septentrionale (nord) est située au nord de l’ile de Vancouver et elle descend sur une longueur de près de 900 km jusqu’au nord de la Californie. Elle est toutefois située au fond de l’océan Pacifique, sauf pour sa partie souterraine qui s’évertue à soulever la chaine de montagnes des Cascades, des volcans dont font partie le mont St Helens, le mont Rainier, le mont Adams et plusieurs autres volcans actifs et potentiellement très dangereux.

Cette plaque est donc à la base d’une série de catastrophes passées et sera responsable de plusieurs autres à survenir dans un avenir géologique plus ou moins rapproché. Parmi celles prévisibles et attendues avec grandes craintes, le Big One, un séisme risquant d’atteindre une magnitude de 9 ou 9,1, des valeurs comparables aux séismes de Fukushima et de Banda Aceh.

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Le 4 juillet 2019, la plaque Juan de Fuca a tremblé à son extrémité nord à une magnitude de 6,2 avec plusieurs répliques de moindre importance. Heureusement, aucun tsunami n’a frappé les côtes de l’ile de Vancouver, mais ces événements ravivent le spectre du méga séisme en préparation. Car c’est bien le cas, le Big One surviendra tôt ou tard, mais il risque de ne pas se situer exactement là où on l’imagine habituellement.

Depuis l’an 1700, date du dernier grand séisme occasionné par la confrontation entre les deux plaques, l’énergie a recommencé à s’accumuler en prévision du prochain relâchement. D’après les traces géologiques, ces événements surviennent en moyenne tous les 250 ans. Pas besoin d’être très futé pour saisir que la moyenne est dépassée depuis bien longtemps, laissant présager le déclenchement d’un formidable tremblement de terre à tout moment. Plus le temps s’étire entre deux séismes majeurs, plus l’énergie accumulée est grande et plus fort il sera. C’est pourquoi des valeurs comme 9 ou 9,1 semblent parfaitement plausibles compte tenu de la surface de décrochage de 900 km de long par 100 à 300 km de large et des 319 ans d’accumulation des tensions de compression.

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La Californie a également eu droit à un séisme de magnitude presque similaire à une petite heure d’intervalle de celui de l’ile de Vancouver. Il était de 6,4, le plus important depuis 1999. Toutefois, il a frappé le sud de l’état et il ne peut pas être associé à la plaque Juan de Fuca. Cependant, ce milieu rempli de failles de toutes sortes, dont les failles de San Andreas et de Rogers Creek dépendent toutes jusqu’à un certain point des mouvements des autres. Pas de lien direct, mais qu’en est-il des liens indirects? On oublie parfois que la Terre est un seul et même objet en constant changement et par le fait même, tous les événements influencent les autres.

La subduction de la plaque Juan de Fuca a-t-elle amené le dépassement du point de relâchement de la plaque nord-américaine qui s’est tendue comme un ressort au cours des trois derniers siècles sous la poussée de sa compagne? Chaque important séisme dans cette partie du monde ravive le spectre de celui qui changera pour toujours la face de l’ouest de l’Amérique du Nord.

Kawah Ijen, paradis vert, enfer bleu et jaune

En javanais, le nom de cet endroit très particulier signifie cratère Vert. On l’aura deviné, il s’agit d’un volcan situé sur l’ile de Java. Pour plus de précision, on parle du volcan Ijen qui se trouve à l’extrémité est de cette immense ile indonésienne formée par la subduction de la plaque tectonique australienne sous l’eurasienne. Kawah Ijen n’est que l’un des multiples cratères formés depuis l’explosion titanesque de la caldeira de Kendeng survenue voilà 50000 ans qui a totalement détruit son sommet de 3500 m pour ne laisser qu’une cuvette d’où émergent aujourd’hui quatre bouches fumantes distinctes.

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Le qualificatif vert provient de la couleur sublime de son lac sis au fond de la caldeira. Ce plan d’eau est juché à une altitude de 2200 m et fait environ 900 x 600 m. Il possède l’étonnante particularité d’être le plus acide de tous les lacs de la planète avec un pH de 0,2.

Le monstre éruptif est toujours en activité et est classé parmi les volcans gris, c’est-à-dire qu’il est de nature explosive, mais actuellement peu inquiétante avec un indice VEI de 1 ou 2. Les lèvres du cratère atteignent une altitude de 2800 m.

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Les touristes viennent spécifiquement visiter l’intérieur du cratère pour effectuer une virée de nuit où ils peuvent admirer des brasiers bleus, combustions du dioxyde de soufre (SO2) s’échappant du volcan. Le jour, le spectacle féérique de cet enfer bleu relativement contrôlé devient invisible.

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Les fumeroles rejettent d’importantes quantités de SO2 près d’une des rives du lac, forment une solfatare, un dépôt de soufre pur au jaune caractéristique. Malgré la toxicité élevée de ce gaz et sa grande irritabilité cutanée, une armée de travailleurs javanais vient quotidiennement prélever de gros blocs de soufre qu’ils chargent dans deux paniers reliés par une planche. Ils grimpent les pentes abruptes de la cuvette du volcan avec leur lourd chargement avant de redescendre la montagne vers leur village.

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Ce travail de paria leur brûle les poumons et la peau pour en ne leur laissant que des broutilles avec lesquelles ils parviennent à peine à nourrir leur famille. Certains réussissent à économiser durant de longues années afin de se payer un chariot pour se décharger de leur précieux soufre lors du trajet de retour. 75 malheureux euros et la plupart des travailleurs sont incapables de parvenir à se le procurer. Il faudrait qu’ils commencent par porter un masque à gaz et là encore, c’est trop cher pour leurs moyens. Un simple foulard leur sert de protection rudimentaire, pour ne pas dire futile.

Une âme charitable a voulu lever des fonds pour leur permettre de se procurer les équipements de protection et de travail plus adéquats. Elle a dû faire avorter son projet, car la mafia locale aurait détourné tous les dons à leurs profits.

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Une des seules solutions envisageables reste probablement de donner directement de l’argent aux travailleurs lorsque nous allons visiter ce lieu très particulier. En main propre et en monnaie locale uniquement, le risque reste qu’ils s’en servent pour subvenir à d’autres besoins plus pressants et qu’ils continuent de négliger leur santé et sécurité au travail.

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Aucune solution n’est simple sans une intervention gouvernementale exigeant des compagnies achetant le soufre de ces travailleurs qu’ils les payent mieux. Les autorités pourraient également mettre une coop sur pied ou permettre un syndicat légal et que ces organismes veillent aux conditions des travailleurs.

Inutile de chercher très loin pourquoi rien n’est fait pour leur venir en aide.

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Géologie

La recherche de pétrole et autres hydrocarbures reste l’une des occupations les plus populaires des géologues. Apprendre les couches géologiques dans cet unique but m’a toujours très peu intéressé, pour ne pas dire rebuté.

Je n’ai jamais étudié dans ce champ d’expertise et pourtant ce sujet m’habite énormément pour d’autres raisons que d’y découvrir des pseudo-richesses aux dessous catastrophiques. Le plus intéressant est de remonter le cours du temps, de jouer au détective, de chercher des indices, des preuves d’un passé disparu depuis des millénaires, des millions voire des milliards d’années.

Retrouver l’histoire de notre planète, de ses différents continents et de ses régions après tant de temps peut paraitre impossible tellement tout a bougé, tout s’est érodé et a finalement disparu au plus profond du manteau terrestre ou sous le pic des excavateurs. Mais il reste encore beaucoup de lieux préservés, encore vierges, où des yeux exercés et des analyses poussées parviennent à faire parler certains témoins de ces temps immémoriaux.

À l’instar des strates qu’ils étudient, les géologues sont parvenus à subdiviser l’histoire de notre planète en une série de couches temporelles distinctes appelées âges, eux-mêmes groupés en époques, puis en périodes, en ères, éons et superéon. Chaque groupe possède des éléments communs et distinctifs. C’est ainsi que le turbulent passé de notre planète nous est révélé depuis ses origines hadéennes jusqu’au Meghalayen actuel.

Des surprises de taille ont émergé des études du sol et du sous-sol terrestre. Tout d’abord, l’âge de notre Terre. Décrété par les interprètes des saintes Écritures à environ 6000 ans, celui-ci a bondi pour atteindre une fourchette entre 24 et 400 millions d’années grâce aux travaux de Lord Kelvin. Mais ce dernier ignorait alors le rôle et donc l’importance de la radioactivité souterraine dans son échauffement. La Terre a atteint son âge actuel estimé à 4,54 milliards d’années lorsque les géologues ont analysé et recoupé les résultats des désintégrations d’uranium, de thorium, de potassium et d’iode.

La géologie met en lumière et explique l’apparition et la disparition d’espèces végétales et animales. Elle établit une carte précise des climats locaux et global du passé. Elle explique tous les désastres naturels et les raisons pour lesquelles les volcans, les séismes et les tsunamis ont sévi et continuent constamment de le faire.

Elle donne un sens et un âge aux grandes chaines de montagnes et jusqu’aux plus petites formations terrestres. Elle explique la formation des roches sédimentaires, des cristaux de tous genres, y compris toutes les gemmes. Elle retrouve la latitude des continents à travers les âges, leurs télescopages et leurs séparations. Elle établit la chronologie de la série d’inversions des pôles magnétiques à travers le temps.

Elle retrouve les traces de cataclysmes sidéraux, de notre Soleil, mais aussi de supernovæ et autres tempêtes venues des confins de notre Univers. Elle met en évidence les astroblèmes créés par des météorites dont certaines ont changé de façon définitive l’avenir de notre monde et par incidence le nôtre.

La géologie s’intéresse aux cycles de l’eau et des vents, elle retrace les érosions, les périodes glaciaires, les retraits des glaciers, les rebonds glaciaires, les inondations monstrueuses et les sécheresses. Elle confirme des légendes qui, sans elle, ne seraient restées que des histoires mythiques.

Elle explique les vallées, les falaises, les mornes, les moraines, les veines de métaux dans la roche, les chapelets d’iles ou de collines, les canyons, les fosses abyssales, les dérives des continents, la subduction et les failles géologiques.

La géologie continue pourtant de transporter des cadavres dans ses placards. Elle garde de lourds secrets, dont certains impacts de l’humain sur sa planète. L’exploitation des gaz de schistes à partir de la fracturation hydraulique engendre des effets géologiques qui sont systématiquement dissimulés. Des apparitions subites de dolines et de cénotes (sinkholes) obtiennent des explications bancales qui puent la dissimulation des vraies raisons pour des considérations économiques et politiques.

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La géologie est fortement subventionnée par le public. Quant au privé, il enferme ses propres conclusions défavorables dans des voûtes bien gardées. Lorsque le pouvoir possède également celui de taire la vérité, la science obtient le même traitement que les fausses nouvelles.

Faire de la géologie constitue une superbe aventure qui permet également de profiter de la nature, de se promener dans des lieux jamais explorés, de voyager à travers le monde, de trouver des beautés naturelles inconnues. Pour les amoureux de plein air, de la Nature, des énigmes à la CSI et des voyages exotiques, la géologie est l’une des plus belles branches scientifiques à laquelle des jeunes peuvent s’adonner.

Reprise des forts séismes

Après une accalmie des séismes de moyennes et grandes ampleurs dont je m’inquiétais, ceux-ci ont recommencé à faire trembler la Terre. Un séisme de magnitude 8,2 a secoué les iles Fidji, un autre de 7,3 est survenu au Venezuela, 7,1 au Pérou et un plus modeste, mais peut-être plus évocateur a atteint 6,2 à l’ouest de l’état de l’Oregon à la jonction des plaques tectoniques Pacifique et Juan de Fuca. Les deux mêmes plaques ont également vibré aux environs de Vancouver quelques jours auparavant.

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Malgré la grande différence entre l’énergie dégagée par chacun de ces importants séismes, celui de 6,2 étant 100 fois moins énergétique que celui de 8,2, les deux tremblements à l’ouest de l’Oregon et de la Colombie-Britannique en plein océan Pacifique n’annoncent vraiment rien de bon.

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La micro plaque tectonique Juan de Fuca est poussée par une montée de magma survenant dans le Pacifique, lieu des deux séismes récents, en direction de la côte ouest-américaine. Ce faisant, elle s’enfonce sous ce continent par un phénomène appelé «subduction». Les deux plaques se frottent et se déforment sans coulisser jusqu’à leur limite de friction en emmagasinant toute l’énergie de cette pression.

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Dans mon article sur les Cascades, j’explique l’origine de cette chaine de volcans de l’Ouest américain, dont fait partie le mont St Helens, et sur le mécanisme qui les crée et les fait entrer en éruption. Une faille entre deux plaques tectoniques, la Juan de Fuca et la plaque nord-américaine n’ont pas coulissé depuis des lustres et on considère son décrochage comme hautement prévisible à court terme. Puisqu’elle s’est tenue calme depuis plus longtemps que la normale, l’énergie emmagasinée y est plus grande, ce qui se traduirait probablement par une série de séismes majeurs. On évoque régulièrement une magnitude de 9+.Il-y-a-cinq-ans-un-tsunami-devaste-le-Japon.jpg

Ce faisant, un tsunami monstrueux dévasterait les côtes et les basses terres environnantes des états de Washington, Oregon, Californie aux É.U.A. et de la Colombie-Britannique au Canada.

Est-ce un signe avant-coureur d’un monstre en train de se réveiller d’une trop longue dormance et qui fera bientôt tonner son existence longtemps oubliée?

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Pour comprendre l’épée de Damoclès, il faut remonter à l’année 1700. Quelques légendes amérindiennes font état dudit monstre qui avait frappé à cette époque. L’oiseau du tonnerre a guerroyé avec la baleine, causant les grondements, les tremblements de la terre et les inondations titanesques. Cependant, ce sont dans les annales japonaises de janvier 1700 qu’on retrouve une description précise de l’événement survenu bien loin de là !

Un tsunami modeste, mais qui a tout de même ravagé une série de villages côtiers, atteint le Japon et est répertorié. Sa moyenne amplitude peut correspondre à deux causes distinctes. Un séisme proche des côtes nippones aurait soulevé une colonne d’eau relativement faible. Ou encore, un séisme de forte ampleur a sévi de l’autre côté de l’océan Pacifique et s’est amoindri en le traversant entièrement jusqu’à rejoindre le Japon.

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Si le tsunami a bel et bien été répertorié au Japon, aucun signe d’un séisme préalable n’a été perçu. La thèse d’un fort séisme trans pacifique prend alors des galons. Des traces géologiques viendront confirmer cette hypothèse. Sa magnitude sera évaluée entre 8,7 et 9,2!

Le 26 janvier 1700 vers 9 h, la terre tremble durant plus de quatre minutes comme aucune mémoire d’homme n’a conscience. La rupture de la faille s’est produite sur une longueur de plus de 1000 kilomètres pour un décrochage de 20 mètres.

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La moyenne de 590 ans séparant des séismes majeurs dans la région est depuis longtemps dépassée. Puisque le glissement des plaques s’effectue à vitesse presque constante, soit 40 mm/an, un super séisme à venir n’est pas une hypothèse, mais une certitude.

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Contrairement à la situation survenue en 1700 où une quantité relativement faible d’Amérindiens auraient péri dans la tragédie, aujourd’hui, une bonne dizaine de millions d’individus peuplent cette même partie du monde. La sécurité civile anticipe des pertes de 3 à 4 habitants pour 1000 en considérant un séisme de 9+ et le tsunami y correspondant. Pour une population touchée de 10 millions, les pertes pourraient se chiffrer à 40000 individus.

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On est encore bien loin du bilan de 250 000 décès survenus lors de la catastrophe du 26 décembre 2004 dans l’océan Indien, toutefois, les conditions technologiques humaines entre les deux événements ne se comparent en rien. Pour l’Amérique du Nord, cette hécatombe constituerait la pire catastrophe à jamais avoir eu lieu sur tout le continent. Les pertes matérielles seraient, elles aussi, correspondantes au quantités d’éléments structuraux, industriels, commerciaux et résidentiels qui s’y trouvent.

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De l’événement de 1700 presque complètement disparu de la mémoire des humains, celui qui surviendra persistera bien au-delà de 300 ans… si notre espèce peuple encore la Terre en ces temps-là.