Expression québécoise — 8

Québécisme très usuel en ce pays, le verbe transitif « enfarger » s’utilise pour indiquer qu’on fait trébucher quelqu’un, souvent volontairement, pas absolument. Le meilleur ami de l’homme adore enfarger son pire ennemi, le postier.

Il est toutefois plus fréquent sous sa forme pronominale. S’enfarger, c’est s’accrocher les pieds dans quelque chose. La chute qui suit est optionnelle, le déséquilibre ne l’est pas. Par exemple, on peut facilement s’enfarger dans les racines d’un sentier forestier ou s’enfarger en entrant dans la chambre de son ado. Mon deuxième exemple montre plus de certitude et de dangers, mais les racines font aussi l’affaire. 

S’enfarger s’emploie probablement plus souvent au sens figuré. On peut s’enfarger dans nos mots, alors on bafouille. On peut s’enfarger dans nos idées lorsque notre discours devient des plus incohérents.

L’expression québécoise la plus utilisée avec ce verbe est « s’enfarger dans les fleurs du tapis ». C’est être si tatillon sur des détails que plus rien n’avance, ou c’est être incapable de faire face à la moindre difficulté. Personnellement, j’utilise l’expression dans le premier sens tandis que le second est inscrit dans le Grand Robert.

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Lorsqu’on s’enfarge dans nos menteries, on se perd maladroitement à travers nos mensonges. Se dédire, se rétracter de façon peu convaincante, se contredire de façon évidente, dans tous ces cas, c’est s’enfarger dans ses menteries.

Ce verbe n’a donné naissance à aucun dérivé, pas d’adverbe, pas de nom commun. J’aurais utilisé le mot enfargement pour l’action d’enfarger, mais mon vœu ne semble pas en voie de se réaliser. Par exemple, je l’utiliserais pour exprimer l’enfargement récurrent de nos hommes politiques. Ce nom commun permettrait de laisser place à l’interprétation à savoir si l’enfargement est dû à l’inexpérience, à l’incompétence ou au fait de s’être fait démasqué à parler des deux côtés de la bouche pour plaire autant à Pierre qu’à Pauline.

Comme bien des mots québécois, celui-ci provient du vieux français dont l’usage s’est perpétué grâce à notre isolement séculaire. Il provient du mot « enferger », avoir des fers aux pieds qui nous font facilement trébucher. Noter également la différence des sens au mode pronominal des verbes s’enferrer et s’enfarger. S’enferrer signifie « se passer au fil de l’épée », « s’embrocher ». Son cousin représente plus le fait de se mettre des entraves aux chevilles. 

L’intérêt d’utiliser « enfarger » vient justement de son mode pronominal, mode inexistant chez son cousin « trébucher ».

En bon québécois, plus on insiste sur le « a »  et plus l’action est accentuée. Lorsqu’on s’enfAAArge, c’est sans équivoque et la chute s’annonce spectaculaire, au sens propre comme au sens figuré.

Si vous voulez utiliser ce verbe, évitez toutefois de vous enfarger en l’utilisant à mauvais escient.

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Comme le titre de cet article le laisse croire, vous trouverez d’autres expressions purement québécoises sur ce site. Il suffit de cliquer « Thèmes » sur la première page pour découvrir les liens vers les huit autres articles. Euh, oui ! Le titre de celui-ci contient bien un « 8 », mais il est le neuvième de la série. Un Corbot ne fait pas toujours les choses selon les règles. Considérez cela comme un bonus, et si vous les lisez, vous découvrirez la raison exacte derrière cette numérotation inhabituelle. Eh ! Je ne me suis pas enfargé dans mes numéros !

Les feux de l’Antarctique

Aujourd’hui, un article sur les volcans de l’Antarctique. J’utilise le pluriel malgré le fait qu’un seul, le mont Erebus, soit présentement en activité.

Le septième continent suscite beaucoup d’intérêt depuis quelques années, et ce à plus d’un titre. Sa couche de glace varie beaucoup d’un endroit à l’autre, elle peut même atteindre 3 kilomètres à certains endroits. Les outils satellitaires modernes permettent maintenant de fouiller loin sous cette glace jusque dans son sous-sol. Ce continent isolé cache bien des choses, dont toute une kyrielle de volcans. On n’a pas fini de les compter et jusqu’ici, on en a trouvé 138. Pour l’instant, ils semblent endormis, mais un problème se profile à l’horizon.

Lorsqu’ils seront débarrassés de la glace qui les recouvre, ils pourraient bien se remettre en activité puisque ce terrible constat fut observé dernièrement en Islande. Qu’on le veuille ou non, le réchauffement de la Planète risque de nous surprendre de plus d’une façon.

Ainsi, rejeter beaucoup plus de cendres dans l’atmosphère engendrerait un refroidissement des températures constaté lors de l’éruption du mont Pinatubo en 1991 aux Philippines. Cette tendance à la baisse des températures pourrait-elle équilibrer le réchauffement causé par l’émanation des gaz de matières fossiles ?

Prenons un exemple comparable. Deux équipes s’affrontent au jeu de souquer le câble. Lorsque les deux groupes alignent des forces semblables, le centre du câble oscille légèrement autour du point de départ. Mais au final, celui-ci se déplace inexorablement dans un sens ou dans l’autre, car la traction résultante ne pourra jamais rester toujours en parfait équilibre. La conséquence, on la connait. L’équipe A ou l’équipe B gagnera. Il ne peut en être autrement, sauf en ce qui touche la troisième possibilité, celle où le câble se rompt. On ne parvient jamais à faire disparaitre une tragédie en causant une calamité de tendance inverse. L’équilibre est trop fragile et nous n’avons aucun contrôle des quantités de poussières rejetées dans l’atmosphère par les volcans. Nous avions toutefois celui des rejets de nature anthropique, mais nous l’avons totalement délaissé. En poursuivant notre analogie du duel à la souquée, c’est comme laisser une équipe rajouter n’importe quel nombre de joueurs sans rien contrôler, alors que de l’autre, on connait grossièrement le nombre de joueurs graduellement rajouté, mais là encore, le contrôle nous échappe de plus en plus. Inexorablement, la résultante fera une équipe gagnante, mais dans tous les cas, nous, créatures de la Terre, serons perdantes.

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p class= »p1″>Photo: Wikipédia