Vœux pour le solstice et le temps des Fêtes

Voilà l’hiver. Quoiqu’il ne se soit pas gêné pour nous envoyer du froid à profusion bien avant son début officiel !

Noël, c’est une ancienne fête païenne millénaire qui rendait hommage au solstice d’hiver. Par la suite, les réformes du calendrier grégorien ont déplacé la date de la plus longue nuit de l’année au jour du calendrier où elle devait se trouver, soit aux environs du 21 décembre. À l’époque, cette fête soulignait la mort. La mort de la nature, sa dormance. La dormance des humains aussi. On n’entreprenait aucun changement important à cette époque de l’année. On vivait des récoltes engrangées. On hivernait. On combattait le froid et autres rudesses hiémales en compagnie de ses proches, de sa famille et de ses amis.

Les prêtres d’autrefois faisaient vivre leurs ouailles dans la crainte. Ouais, sur ce point, rien n’a vraiment changé, mis à part le sujet des effrois. Ils disaient que le Soleil pourrait disparaitre définitivement si le peuple ne leur donnait pas des richesses afin que ceux-ci intercèdent auprès des divinités. Ils ont également exigé des humains des constructions impensables pour ne pas décevoir le dieu solaire. Le mot solstice vient du latin sol et stare signifiant soleil et s’arrêter. Le Soleil n’arrête pas sa course dans le ciel, mais il cesse de modifier les moments de son lever et de son coucher. La plus courte durée diurne d’hiver survient au moment du solstice.

On peut trouver rassurant de voir que Noël d’aujourd’hui conserve encore des traditions millénaires, bien que depuis, on l’ait passablement déguisé sous différents habits, dont celui d’une naissance divine et d’un éloge à la surconsommation. Pour ma part, le mystère du soleil stagnant étant résolu depuis longtemps, je vois peu d’intérêt à fêter un événement cyclique parfaitement prédictible qui ne fait plus planer aucune menace, sinon qu’on va se les geler.

Mais au fond de nos cœurs, un des sens de cette fête nous rejoint encore, même au-delà du temps et de ses multiples mutations. Grâce à une pause accordée à nos tâches quotidiennes, la présence de ceux qu’on apprécie et qu’on aime nous remplit de bonheur. Noël, c’est d’abord et avant tout le temps de l’année où l’on peut exprimer sincèrement ses sentiments.

Je profite donc de ce solstice pour transmettre mes meilleurs vœux à tous mes lecteurs et à toutes mes lectrices. Encore une fois, dans nos familles, avec nos amis, perpétuons une tradition qui garde encore aujourd’hui tout son sens. Une coutume indémodable, car elle puise ses racines dans les valeurs humaines fondamentales que sont le partage, le réconfort et l’amour. C’est cela Noël. Une grande fête pour tous, car nous faisons également tous partie de la vie des autres.

Mathis.

Expression québécoise — 8

Québécisme très usuel en ce pays, le verbe transitif « enfarger » s’utilise pour indiquer qu’on fait trébucher quelqu’un, souvent volontairement, pas absolument. Le meilleur ami de l’homme adore enfarger son pire ennemi, le postier.

Il est toutefois plus fréquent sous sa forme pronominale. S’enfarger, c’est s’accrocher les pieds dans quelque chose. La chute qui suit est optionnelle, le déséquilibre ne l’est pas. Par exemple, on peut facilement s’enfarger dans les racines d’un sentier forestier ou s’enfarger en entrant dans la chambre de son ado. Mon deuxième exemple montre plus de certitude et de dangers, mais les racines font aussi l’affaire. 

S’enfarger s’emploie probablement plus souvent au sens figuré. On peut s’enfarger dans nos mots, alors on bafouille. On peut s’enfarger dans nos idées lorsque notre discours devient des plus incohérents.

L’expression québécoise la plus utilisée avec ce verbe est « s’enfarger dans les fleurs du tapis ». C’est être si tatillon sur des détails que plus rien n’avance, ou c’est être incapable de faire face à la moindre difficulté. Personnellement, j’utilise l’expression dans le premier sens tandis que le second est inscrit dans le Grand Robert.

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Lorsqu’on s’enfarge dans nos menteries, on se perd maladroitement à travers nos mensonges. Se dédire, se rétracter de façon peu convaincante, se contredire de façon évidente, dans tous ces cas, c’est s’enfarger dans ses menteries.

Ce verbe n’a donné naissance à aucun dérivé, pas d’adverbe, pas de nom commun. J’aurais utilisé le mot enfargement pour l’action d’enfarger, mais mon vœu ne semble pas en voie de se réaliser. Par exemple, je l’utiliserais pour exprimer l’enfargement récurrent de nos hommes politiques. Ce nom commun permettrait de laisser place à l’interprétation à savoir si l’enfargement est dû à l’inexpérience, à l’incompétence ou au fait de s’être fait démasqué à parler des deux côtés de la bouche pour plaire autant à Pierre qu’à Pauline.

Comme bien des mots québécois, celui-ci provient du vieux français dont l’usage s’est perpétué grâce à notre isolement séculaire. Il provient du mot « enferger », avoir des fers aux pieds qui nous font facilement trébucher. Noter également la différence des sens au mode pronominal des verbes s’enferrer et s’enfarger. S’enferrer signifie « se passer au fil de l’épée », « s’embrocher ». Son cousin représente plus le fait de se mettre des entraves aux chevilles. 

L’intérêt d’utiliser « enfarger » vient justement de son mode pronominal, mode inexistant chez son cousin « trébucher ».

En bon québécois, plus on insiste sur le « a »  et plus l’action est accentuée. Lorsqu’on s’enfAAArge, c’est sans équivoque et la chute s’annonce spectaculaire, au sens propre comme au sens figuré.

Si vous voulez utiliser ce verbe, évitez toutefois de vous enfarger en l’utilisant à mauvais escient.

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Comme le titre de cet article le laisse croire, vous trouverez d’autres expressions purement québécoises sur ce site. Il suffit de cliquer « Thèmes » sur la première page pour découvrir les liens vers les huit autres articles. Euh, oui ! Le titre de celui-ci contient bien un « 8 », mais il est le neuvième de la série. Un Corbot ne fait pas toujours les choses selon les règles. Considérez cela comme un bonus, et si vous les lisez, vous découvrirez la raison exacte derrière cette numérotation inhabituelle. Eh ! Je ne me suis pas enfargé dans mes numéros !