Ilopango

Dans l’article d’hier, j’abordais la chute des empires causée par leurs promesses et précipitée bien souvent par des catastrophes naturelles. Aujourd’hui, je vais parler de l’une d’elles causée par l’Ilopango.

Voici la photo du volcan Ilopango, un destructeur d’empire régional. Mais ne vous y méprenez pas, le monstre n’est probablement pas celui que vous pensez. Ce magnifique stratovolcan (cône) n’est pas l’Ilopango, regardez plutôt ce lac en avant-plan, voilà l’Ilopango.

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Sur cette carte, vous pouvez comparer la taille du cratère du volcan San Vicente (cercle rouge) avec la caldeira de l’Ilopango qui correspond à la totalité du lac pour vous donner la mesure du monstre souterrain.

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D’une dimension de 8 par 11 kilomètres, la bouche de l’Ilopango se situe à la limite est de la ville de San Salvador, la capitale de la République du Salvador, le plus petit pays d’Amérique centrale.

Cette caldeira, surnommée El Megavolcán de la Muerte par ses habitants, résulte de quatre éruptions de type plinien (vésuvien) survenues au cours des 12000 dernières années. La plus récente de ces explosions cataclysmiques s’est produite aux environs de la moitié du cinquième siècle de notre ère (an 450).

Cette éruption s’avère bien plus importante que celle du Krakatoa de 1883 et probablement comparable à celle du Tambora de 1815 avec une cote estimée à VEI 6-7. Il expulsa pas moins de 70 kmde téphrites, des cendres volcaniques brûlantes, ce qui correspond à un tapis de 50 cm sur un rayon d’une centaine de kilomètres autour de lui.

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Bien sûr, cette éruption engendra des impacts locaux très sévères, dont la disparition de la culture maya de l’époque, en forçant l’évacuation des rescapés de ces hautes terres vers les basses terres des pays modernes du Guatemala et du Belize. Le contrôle du réseau commercial fut déplacé vers la ville de Tikal au Guatemala actuel.

Cela prit des siècles avant que cette vaste zone puisse récupérer de ce désastre. Toutefois, la fertilité accrue des sols ramena ensuite les habitants à se concentrer de nouveau autour de lui.

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Cette éruption créa un impact majeur sur le climat global avec pour conséquences la chute importante des températures et des récoltes fragilisées et appauvries.

Les conséquences de la dernière éruption majeure de l’Ilopango ne sont pas responsables à elles seules de la fin des empires romains et byzantins de cette époque, mais elles ont contribué à affaiblir leurs structures économiques et leur influence.

Les promesses impériales

Tous les empires se créent et se développent autour de promesses faites aux gens qu’ils désirent intégrer, enrôler, embrigader. Parfois, pas très souvent, les promesses restaient modestes, réalistes et tenues durant longtemps. D’autres ne furent qu’un tissu de mensonges rapidement consumé, des étoiles filantes. La plupart des empires ont entretenu des illusions par l’usage de croyances religieuses d’autant plus indiscutables qu’elles étaient imbéciles. Les promesses attirent les esprits et les religions les incarcèrent.

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Aujourd’hui, ce processus demeure valide et les deux garanties essentielles données par les empires à leurs citoyens n’ont pas changé. Sécurité et prospérité sont les deux mamelles impériales primordiales auxquelles s’abreuve le peuple captivé, mais captif.

Pour respecter la seconde promesse faite à leurs citoyens, celle de la prospérité, les empires ont besoin de s’étendre. Pour l’obtenir, les guerres représentent le moyen privilégié de toujours. Cependant, elles fragilisent la promesse de sécurité, puisqu’elles créent de nombreux ennemis prêts à tout pour récupérer les spoliations.

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Ainsi, les empires transportent les germes de leur propre fatalité en se bâtissant sur deux oppositions irréconciliables. Voilà pourquoi tous les empires ont fini et finiront par mourir malgré leur puissance et leur hégémonie. L’illusion pourra durer, elle ne persistera jamais.

L’histoire neutre met en lumière ces lentes descentes, celles des Grecs, des Romains, des Mongols, des Teotihuacanais, des Espagnols, des Français, des Anglais, des Japonais, des États-Uniens, etc. et elles se ressemblent toutes plus ou moins. Elles sont dues aux dilutions des forces, parfois retardées par des moyens technologiques supérieurs à ceux des adversaires, mais jamais entièrement suffisants pour éviter l’affaiblissement systémique.

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Mais si les empires titubent bien avant leur chute, le coup de grâce a souvent été assené par une cause non humaine. Dans bien des cas, ce fut l’œuvre d’une catastrophe naturelle qui a brisé définitivement certaines promesses impériales et par conséquent la confiance du peuple envers leur protecteur.

Volcanisme, séismes, météorisme et inondations ont apporté destructions globales, famines, maladies épidémiques, périodes prolongées de gel, invasions d’insectes, déchirures du tissu social et déchéances. L’histoire est remplie de ces corrélations entre disparitions d’empires et cataclysmes puisque l’illusion de sécurité nourrie par l’apaisement des dieux ne persiste toujours qu’un certain temps. La Nature agit sans notre consentement, sans se préoccuper de nos prières ni de nos implorations.

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Aujourd’hui, rien n’a changé et les empires actuels sont en voie d’être remplacés par d’autres plus primitifs encore, faisant miroiter les mêmes idioties séculaires.

La durée d’une vie humaine est passablement courte, c’est bien connu. Les empires resteront donc toujours attractifs, car les gens pensent pour les prochaines dizaines d’années, jamais bien au-delà. Alors, vaut-il mieux croire aux avantages des empires ou non? Les empires ne représentent que des trains, pas des destinations. Simplement, ne pas se bercer de leurs illusions et s’estimer chanceux si leur destruction ne survient qu’après notre mort, cette seule et vraie destination.