Idéalismes

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Si vous recherchez l’auteur de ces recettes, je les ai obtenues de la patte même d’un noir oiseau venu se percher sur ma main.

Il m’a avoué s’être longuement promené afin de suivre la piste de plusieurs idéalismes qui l’ont toujours mené vers des gens concoctant ces sempiternelles mêmes recettes. Après une étude approfondie des causes de ces constantes, il a constaté la pauvreté et l’insipidité des ingrédients utilisés.

La première question qu’il leur posa fut de comprendre pourquoi ils n’utilisaient pas d’autres ingrédients plus savoureux. Il s’en voulut d’avoir été si peu perspicace tellement la réponse était évidente. L’idéaliste ne nourrit aucun doute sur sa recette et il la réalise en prenant un soin jaloux de ne rien y changer.

L’idéaliste possède les réponses à toutes les questions puisque ses réponses restent invariablement les mêmes. Alors, pourquoi chercher ailleurs, pourquoi faire plus compliqué, pourquoi remettre en cause une recette parfaite?

Peu importe l’inadéquation entre la question et sa réponse, l’idéaliste considère que si celle-ci ne convient pas à la question, il n’avait tout simplement pas lieu de la poser. Si sa réponse est 42, il est inutile de lui poser des questions impertinentes dont le résultat diffèrerait de 42.

Bien souvent, l’idéaliste reste parfaitement conscient de son stratagème, mais il préfère s’appuyer sur une mauvaise réponse plutôt que de rester sur un questionnement. Il craint maladivement tout type d’éléments inconnus qui le paralysent des pieds à la tête.

Incapable de trouver par lui-même des réponses à des questions, il opte pour la simplicité afin de voyager le plus léger possible et ce faisant, il ne s’embarrasse d’aucun doute.

N’ayant jamais tort, l’idéaliste n’écoute personne. Il devient donc totalement inutile de s’efforcer de discuter avec lui. La meilleure attitude à adopter est de le laisser moisir seul dans son jus puisque cette attitude d’éloignement respecte entièrement ses choix et ses désirs.

L’idéaliste refuse de reconnaitre qu’aucune réponse ne satisfera entièrement une question ouverte. Les réponses nuancées le mèneraient à commettre des erreurs sans lui fournir d’excuses béton pour se disculper.

Reconnaissant son incompétence à réfléchir intelligemment à un problème par inculture, par manque de technique et d’exercice, il ne lui reste qu’une seule option, radicaliser sa pensée et s’en tenir coûte que coûte.

Voilà ce qu’attend un individu tenté par l’idéalisme, rien de plus qu’un immense désert intellectuel.

Les seuls fruits issus des idéalismes sont de l’incompréhension, de l’intolérance et de l’intransigeance. Ces récoltes ne produiront jamais rien d’autre que des salades d’intenses déceptions et des confitures d’injustes représailles.

— LeCorbot

Déchéance héroïque

Ne cherchez pas à faire des personnes autour de vous vos héros. Plus important encore. Devenir vous-même un héros aux yeux de certains amis, enfants ou de purs inconnus, s’avèrera une très mauvaise idée. Pourquoi ? Parce que les héros d’aujourd’hui ne ressemblent en rien aux héros mythologiques d’autrefois et ce constat ne recèle rien de positif.

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Dans l’Antiquité, les gens qui inventaient des héros comprenaient et acceptaient la nature humaine telle qu’elle était avec tout ce qu’elle comportait de lumineux et de sombre. Leurs héros avaient autant de cœur que d’imperfections et ils alternaient entre la vertu et l’immoralité aussi facilement qu’un vrai humain en est capable. L’humain antique ordinaire avait donc l’étoffe d’un héros de son époque. Il lui suffisait d’acquérir certains comportements pour en partie lui ressembler. Cet objectif lui restait atteignable puisqu’il ne cherchait pas à évacuer toutes ses bêtises et ses faiblesses. Un héros demeurait un être imparfait dans son ensemble et grandiose à certains égards.

Les héros modernes, on les fabrique en matières inaltérables, ils ne peuvent ni se rayer ni s’enrayer. Une fois un héros engendré, celui-ci est condamné à rester parfait pour toujours, sans possibilités d’afficher des défauts, des vices, car le héros de notre époque représente un idéal. Et cet idéalisme dans nos têtes obtuses se traduit par une obligation à la perfection.

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Le héros contemporain partage un destin commun avec tous ceux de son espèce. Une fatalité inscrite dans son mode de fabrication et celle-ci s’appelle déchéance. Une inexorable déliquescence se produira lorsque l’adulateur comprendra que son héros prétendument parfait est bourré de défauts comme n’importe qui. Ce scénario catastrophe n’est pas simplement une éventualité, mais une certitude. Vous n’avez pas à clamer cette perfection lorsque vous endossez l’habit du héros. Celle-ci fait intrinsèquement partie du personnage grâce à la culture dans laquelle nous baignons.

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Ce héros qui sommeille en vous et qui aimerait émerger devrait privilégier, non, mieux encore, s’exiger de conserver des défauts et de s’assurer qu’ils soient bien apparents afin de ressembler plutôt aux héros d’antan, tellement plus réalistes, que nos mauvais pastiches sacralisés actuels.

En demeurant une personne imparfaite, en vous assumant ainsi, sans camouflage, vous ne deviendrez jamais un de ces héros modernes, mais vous éviterez probablement de connaitre la déchéance qui leur tient toujours la main.

En une phrase, lorsque des yeux éblouis vous admireront, inquiétez-vous-en et résistez à la tentation de vous sentir flatté, premier signe d’émergence du héros moderne.

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