Il existe un précédent article dans lequel je donne l’étymologie de cinq mots commençant par A à E. Je poursuis maintenant cette liste en vous proposant cinq autres mots communs dont chacun commence par l’une des cinq lettres F à J.
Les origines obscures ou bizarres que vous lirez montrent comment le langage peut parfois évoluer d’une manière surprenante. Comme pour l’évolution des espèce, le langage est influencé par son environnement. L’utilisation des anciennes définitions finit par se raréfier avant de disparaitre totalement.
Lorsque j’écris la définition moderne d’un mot, j’utilise celle communément comprise aujourd’hui, la plus courante, peu importe les autres formes ou sens possibles pour un même mot. Je ne prétends pas qu’il n’existe que cette seule définition toujours en usage.
Voici donc ces cinq prochains mots accompagnés de quelques remarques personnelles.
F : fée (nom féminin)

Définition moderne : Être imaginaire de forme féminine auquel la légende attribue un pouvoir surnaturel et une influence sur la destinée des humains.
Étymologie : XIIe siècle, du latin Fata, déesse des destinées, antonomase de fatum, le destin, prédiction, oracle, la fatalité, la destinée qu’elle soit heureuse ou funeste.
Commentaire : Autrefois, le fatum concernait autant les bonheurs que les malheurs. On peut cependant s’imaginer une préférence pour les drames puisque chaque destin se termine nécessairement par une mort. Aujourd’hui, le rôle d’une fée est souvent positif, une bonne fée. On le constate avec l’invention du mot « féérie ». Il n’existe pas de féérie affreuse créée par une méchante fée. Toutefois, il ne faut certainement pas négliger les fées maléfiques que sont Carabosse et Morgane (Morrigan), la fée du destin.
G : gâcher (verbe transitif)

Définition moderne : Travailler grossièrement, sans soin. Bâcler, cochonner, saloper un travail.
Étymologie : XIIe siècle (gaschier), laver, détremper. XIVe siècle « délayer » du plâtre ou du mortier pour aider à mieux le travailler.
Mais dès le XIIe siècle, on utilise aussi le verbe « gâcher » (guaschier) dans le sens de « souiller moralement » ou « éclabousser ».
Commentaire : Il existe deux mots « gâche » distincts dont l’un a donné naissance au mot « gâchette ». L’autre est le déverbal de « gâcher » dans le sens du verbe « délayer ». La gâche est alors un outil utilisé par les maçons, les plâtriers et les pâtissiers, ou encore leur action de gâcher. Gâcher avait donc pour but de retravailler les matériaux en rajoutant un liquide pour les rendre malléables.
En revanche, l’expression populaire « gâcher la sauce » reprend la définition moderne inscrite ci-devant. Le résultat est alors un vrai gâchis.
Est-ce le fait de rendre une substance pâteuse en l’éclaboussant qui a amené le sens figuré péjoratif de souiller et ensuite de saloper, de bâcler ? Les dictionnaires consultés n’apportent que peu de précisions sur ce point.
H : habit (nom masculin)

Définition moderne : Ensemble des vêtements qui couvrent un corps.
Étymologie : XIIIe siècle, du latin habitus signifiant « maintien ». Le mot habere signifie « avoir », dans le sens de « se tenir », d’où la « tenue » comme dans « tenue de gala ».
Commentaire : Le premier usage du mot « habit » concernait des vêtements de religieux. Ce sens est encore conservé dans les termes « prise d’habit » et « prendre l’habit ». Comme on peut le constater, le vieil et toujours populaire adage « l’habit ne fait pas le moine » utilise le singulier, alors qu’aujourd’hui on utilise principalement sa forme plurielle. Le terme « mes habits » signifie parfois l’ensemble de mes vêtements tandis qu’un habit pour homme est un ensemble veston et pantalon.
Habit et habitude sont parents. D’ailleurs, en anglais, habit signifie « habitude ». De fait, se vêtir d’habits constitue une excellente habitude !
I : insulter (verbe transitif)

Définition moderne : Attaquer quelqu’un par des propos ou des actes outrageants.
Étymologie : XIIIe siècle, du latin insultare, « faire assaut contre », « sauter sur ».
Commentaire : Ce terme avait autrefois un sens d’action physique tandis qu’aujourd’hui il est presque toujours utilisé pour décrire une action verbale. L’exception étant peut-être la gifle représentant effectivement une insulte par un assaut physique. « Insulter » est synonyme d’« injurier », proférer une injure, faire un affront, une offense, un outrage, vexer.
J : joue (nom féminin)

Définition moderne : Partie latérale de la figure humaine ou de la face des animaux située entre le nez et l’oreille, sous l’œil et au-dessus du menton.
Étymologie : Étrangement, ce mot simple et très courant possède des origines plutôt incertaines. En 1080, l’usage de joe est confirmé. Puis survient « joue » vers 1273. Mais sa provenance avant le XIe siècle reste nébuleuse. Ce mot vient peut-être du prélatin (gaulois ?) gaba également à l’origine du mot actuel « gave », l’action de gaver, de remplir les joues.
Commentaire : Étrangement, la joue est l’endroit idéal autant pour recevoir un baiser qu’une gifle. Elle rougit ou accueille les larmes. L’adjectif « jugal » désigne tout ce qui se rapporte à la joue, dont les os et les ligaments jugaux. La joue désigne également la paroi externe de la bouche. Une personne aux joues proéminentes est joufflue. Lorsqu’elles sont grosses en pendantes, elle a des bajoues ou des abajoues. Et qui ne se souvient pas du grand succès de ce cher disparu Charles Aznavour dans lequel il chantait « Dansons joue contre joue » ? C’est beaucoup plus romantique que mettre quelqu’un « en joue ».
Pour conclure :
Mes joues sont devenues écarlates lorsque la fée Morrigan a gâché ma soirée au moment où elle m’a insulté par rapport à la vétusté de mes habits.