Librations

L’humain connait la Lune, notre satellite naturel, depuis qu’il lève les yeux vers le ciel. Alors sauriez-vous répondre à cette petite question? Quel est le pourcentage de la surface de la Lune observable de la Terre?

Ouais, vous n’êtes pas très astronome et les caractéristiques des astres ne vous émoustillent pas vraiment. Je sais. Malgré tout, vous pensez connaitre la réponse à cette question somme toute aisée.

7447053_343ff1b2-deb1-11e7-9a47-bf3c08145785-1_1000x625

La Lune nous montre toujours la même face, c’est bien connu. Vous ignorez certainement pourquoi, cependant à cause de ce phénomène, vous déduisez ce qui suit. La Lune est une sphère et si elle nous montre toujours la même face, on voit alors 50 % de toute sa surface.

Vous seriez même tenté de réduire un peu ce pourcentage puisque tout le rebord n’est pas très facile à observer, voire quasiment impossible. Est-ce que le chiffre de 45 % vous semblerait plus réaliste? Probablement.

pleineulune.jpg

Toutefois, le vrai pourcentage observable de la surface lunaire est plus proche de 59 %. Hein? Comment peut-on voir une bonne partie de sa face « cachée »? C’est à cause des librations, le terme utilisé pour parler de ce phénomène.

La Lune nous montre toujours la même face puisque sa période de rotation (sur elle-même) est égale à sa période de révolution (autour de la Terre). Ce n’est pas un hasard. Les forces de marée entre les deux astres incitent le moins massif des deux à atteindre plus rapidement ce point d’équilibre en ralentissant graduellement sa rotation jusqu’à l’atteinte du verrouillage, un point de moindre énergie.

Pleine-Lune

Et pour prouver que rien ne sera simple, il existe quatre types de librations, raisons pour lesquelles le pourcentage de surface visible atteint 59 %. Parlons des librations en longitude, des librations en latitude, des librations parallactiques et enfin des librations physiques.

Les librations en longitude sont dues à la forme elliptique de l’orbite lunaire autour de la Terre. Les librations en latitude dépendent de l’angle de cette orbite par rapport à son angle de rotation qui est de 6,7 degrés. Réparties sur plusieurs lunaisons, nous observons un peu plus du pôle Nord et ensuite un peu plus du pôle Sud. La Lune semble hocher du bonnet.

ob_9a96d7_moon-sur-blog-rene-dumonceau

À douze heures d’intervalle, on peut également voir encore plus de sa surface grâce à l’effet de parallaxe, c’est lorsque nous nous trouvons alternativement du côté gauche et du côté droit de la Terre lorsqu’elle tourne sur elle-même. L’angle créé entre ces deux positions par rapport à la Lune est suffisant pour en voir encore un peu plus. Ce sont les librations parallactiques.

Et enfin les librations physiques se rapportent aux oscillations réelles de notre satellite, car pour rester ainsi verrouillée, la Lune oscille légèrement comme tout objet en « équilibre ». Ces petites oscillations autour d’un point central permettent de voir un peu plus de sa surface lorsque ces mouvements s’additionnent aux autres librations. Et voilà pourquoi 9 % de sa face cachée nous sont tout de même accessibles depuis la Terre. Les 41 % restants ne peuvent être vus que si nous nous déplaçons physiquement dans l’espace, nous ou nos instruments.

cover-r4x3w1000-57df810861bd4-pleine-lune_0

Promenez-vous sur le web et observez attentivement plusieurs photos de la pleine Lune. Vous verrez qu’elle se montre légèrement différente d’un cliché à l’autre. Vous n’aviez jamais porté attention à ce phénomène? La belle-de-nuit se dévoile bien plus à qui sait l’admirer.

Verra-t-on un trou noir en 2018 ? (3)

J’ai entendu votre question et je vous réponds d’entrée de jeu, la réponse est non! Il n’existe aucune photo de l’horizon d’un trou noir nulle part sur Terre. Toutes sont des illustrations d’artiste ou des dessins créés par ordinateur à partir des formules mathématiques tirées de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Par contre, ça pourrait changer dès cette année.

black-hole

Poursuivons maintenant notre aventure entreprise avant-hier et hier en présentant quelques concepts astronomiques. Si on veut obtenir une photo d’un horizon d’un trou noir, il faut quand même comprendre comment on pourrait y arriver. Vous verrez qu’il ne suffit pas de relier un iPhone à un télescope.

Tout d’abord, différencions deux concepts des instruments d’optique, leur sensibilité et leur résolution.

La sensibilité dépend dans un premier temps de la qualité du détecteur à transformer les photons en signal électrique. Attachez une patate à un télescope, vous n’obtiendrez pas la photo d’un champ de patate. Ensuite, il y a le nombre de photons qui seront amenés au détecteur. Cette quantité dépend de la taille du télescope, ce qu’on appelle la surface collectrice du miroir principal. Enfin, pour augmenter le nombre de photons, le télescope visera le même point du ciel le plus longtemps possible.

Disque_d'Airy_03

La résolution définit la capacité de l’instrument à différencier deux éléments l’un de l’autre. Elle dépend du nombre de pixels du détecteur, de la fréquence à détecter et aussi de la parallaxe.

La parallaxe est l’angle maximal formé par deux points de la surface collectrice. Plus le diamètre du télescope est grand, plus l’angle sera important et plus son pouvoir de résolution sera important. Un grand miroir aura donc deux avantages. Il collectera plus de photons et il aura un pouvoir de résolution plus important.

Toutefois, aucun télescope terrestre ou spatial n’a la résolution nécessaire pour voir les détails des effets optiques occasionnés par les trous noirs connus, même ceux du petit monstre supermassif caché au centre de notre Galaxie. Peut-on attendre la mise en service en 2025 du télescope E-ELT de 39 mètres de diamètre, mais là encore, sa résolution serait beaucoup trop faible.

Artist’s impression of the European Extremely Large Telescope

Qu’à cela ne tienne! Les astronomes sont des petits futés et ils ont pris la définition de la résolution d’un instrument optique au pied de la lettre. S’il faut augmenter la parallaxe pour améliorer le pouvoir de résolution, il suffit de prendre deux télescopes au lieu d’un seul et de leur faire regarder le même objet en même temps afin de créer un télescope virtuel de meilleure résolution.

Différentes solutions ont été mises de l’avant, dont certaines plus simples, d’autres plus complexes. La plus simple est le concept des jumelles, c’est le cas du BLT (Binary Large Telescope).   

1200px-LargeBinoTelescope_NASA

Pour des télescopes indépendants, il faut trouver le moyen de traiter les signaux reçus par les deux engins pour les faire correspondre exactement dans le temps. On parle alors d’interférométrie. Une fois encore, deux solutions existent. Les interféromètres couplés localement, comme le VLT. Possédant 4 gros et 4 petits télescopes, il est possible de simuler un télescope de 200 mètres de diamètre.

eso0111f

Mais encore là, c’est beaucoup trop peu pour espérer voir l’horizon d’un trou noir. Ça prendrait un télescope au moins des dimensions… de… de… la Terre. Et c’est là qu’ils ont créé le EHT (Event Horizon Telescope). Ce n’est pas un nouveau télescope, mais un protocole d’utilisation d’un réseau de neuf télescopes existants répartis un peu partout sur la planète, y compris au Groenland et en Antarctique. Son diamètre virtuel définissant sa capacité de résolution est de près de 15000 km.

w453-81281-ehtimagehighres

Une première session photo s’est déroulée en avril 2017 et les résultats sont à l’étape du traitement qui pourrait se terminer d’ici la fin de l’année 2018. Ce sont des pétaoctets de données à traiter avec des difficultés énormes, d’où le délai entre la prise photo et le résultat final.

Demain, quelques questions – réponses sur le sujet.