Blogueur

Devenir blogueur est une décision pouvant paraitre simple et elle se prend souvent sans en faire plus de cas. Nous pensons être en mesure de fournir des informations intéressantes à nos lecteurs dans un domaine dans lequel nous sommes compétents ou qui nous fait plaisir, nos loisirs, nos enfants, un sujet d’intérêt ou d’inquiétude, etc.

Grand corbeau

Puis on se lance avec la ferme conviction que les lecteurs afflueront. Normal, si quelque chose nous intéresse, il devrait y en avoir tout un tas avec le désir de nous lire alors que nous possédons d’excellentes informations sur le sujet.

Nos premiers abonnés semblent confirmer notre analyse. Ça va déchirer ! On le sent ! Puis le premier pic d’abonnés s’essouffle. On redouble d’efforts, mais déjà notre esprit commence à comprendre la dure réalité. Peu importent nos énergies déployées, un nobody restera un nobody à moins de faire scandale ou de faire un tabac avec une vidéo totalement conne donc virale.

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Bloguer vide notre sac à provisions qu’on croyait pourtant inépuisable. Chaque nouvel article nous coûte davantage que le précédent. Nous espaçons nos écrits, mais nous commençons déjà à sentir la fin de l’aventure. Trop de désavantages pour presque aucun avantage. Le nombre de lecteurs reste famélique pour tout ce temps et tous ces efforts investis… en vain.

Nos écrits resteront accessibles un certain temps jusqu’à ce que l’abonnement au site vienne à échéance et sans renouvellement cette belle aventure finira comme elle a commencé, dans l’anonymat le plus total.

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Cette aventure a été vécue par nombre de personnes aujourd’hui disparues des radars et qui gardent un souvenir mitigé d’espoirs déçus. Il faut toutefois se rendre à l’évidence, nos blogues sont des gouttes d’eau dispersées dans une mer de n’importe quoi, quelques articles sérieux originaux, beaucoup de relais d’informations préexistantes et un tas d’inepties.

Le blogue du Corbot existe depuis plus d’un an, mais j’écris un article par jour depuis une révolution terrestre complète autour du Soleil. Mes écrits sont tous totalement originaux, je me documente, je fouille dans ma mémoire et dans mes livres, je trouve de nouvelles références, j’élabore un plan en choisissant un angle d’attaque particulier et original, je rédige, révise, corrige, catégorise et étiquette avant de mettre en ligne. Tout ce processus prend du temps et énormément d’énergies quotidiennement.

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Tenir un blogue (b-log), un journal (jour-nal), requiert de la discipline et il dépasse le simple désir de parler de soi et de ses intérêts immédiats. Cet acte nous pousse à nous améliorer tant au niveau du fond que de la forme. Cet exercice quotidien m’a donné des idées nouvelles dans un florilège de domaines distincts. J’ai établi d’étonnants ponts interdisciplinaires. J’ai nuancé ma pensée en intégrant encore plus de variables dans mes équations. Je me suis laissé porter par des flots d’idées décousues que j’ai rassemblées en courtepointes étonnamment riches en couleurs et en substances. Et pour toutes ces raisons, je vais continuer à vous proposer des articles, cependant, je ne m’engage plus à maintenir le rythme d’un article original par jour.

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J’aimerais remercier tous mes lecteurs et particulièrement ceux qui déposent des commentaires. Je sais combien ces petits mots exigent encore plus de temps et d’énergies de la part des blogueurs-lecteurs. Je reçois donc chacun d’entre eux comme de précieux cadeaux. Je continuerai aussi de vous lire de façon assidue et de commenter vos articles lorsque je pense apporter une opinion alternative et originale.

Je poursuis donc mon aventure avec vous durant une autre année, pour du meilleur et du moins pire. Alors… à demain.

Au-delà de l’invisible

8 août 1982. Ce jour restera à jamais gravé dans ma mémoire. Moi, pour qui les dates me posent de sérieux problèmes, chaque année, pourtant, je regarde des photos… et je lui souris.

Mon fils est né ce jour-là. J’ai également su à ce moment précis que ma vie ne se déroulerait pas comme un conte de fées, sans être banale pour autant.

Devenir du jour au lendemain le père d’un enfant lourdement handicapé physiquement et mentalement m’a obligé à me poser des questions fondamentales et à y répondre rapidement. Vous me trouverez probablement bizarre, mais mes préoccupations les plus sérieuses à ce moment ne portaient pas sur le diagnostic ni les pronostics. De toute façon, ce n’était pas à moi à y répondre. Je me souciais de celles dont les réponses m’appartenaient.

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La plus importante fut : est-ce que je veux tenter de faire une différence dans sa vie ? Peu importe le temps que durerait l’aventure, je devais savoir si je l’acceptais, si je désirais lui donner mon espace, mon temps, mes énergies, mon présent ainsi que mon futur.

Ayant répondu par l’affirmative, mes problèmes avec les dates, les jours, les nuits, les ans ont commencé à ce moment précis. Le temps s’est transformé en un concept peu utile et même, je pourrais dire, nuisible à l’atteinte de mon objectif.

Mais qu’était donc cet objectif et quelle importance pouvait-il bien avoir pour lui sacrifier toute notion de temps ? Mon seul vrai désir se résumait simplement. Que mon fils puisse vivre heureux, et ce malgré son handicap.

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Cet objectif ne possède aucune courbe normalisée sur laquelle se baser pour évaluer son degré d’avancement. Il ne possède aucun jalon, pas de nombre de jours, aucun graphique, pas de marqueurs, aucune référence.

Au début, les progrès de mon garçon restaient invisibles pour tout le monde ainsi qu’à sa mère. Moi, j’en voyais. On me disait que j’inventais ce que je voulais voir. Je savais que c’était faux parce que je n’ai jamais cherché à voir autre chose que la réalité. J’avais réglé le problème potentiel de me cacher la vérité alors que j’avais tout juste onze ans.

Une nuit à cette époque, j’étais loin dans la forêt, il faisait nuit et j’étais seul dans ma tente. Le tonnerre frappait sans arrêt devenant plus terrifiant de minute en minute. Les éclairs fusaient si nombreux que la nuit se faisait jour. Le terrible orage déversait des torrents qui délavaient le sol forestier. Je me protégeais des intempéries à l’aide, ou malgré une tente sans plancher. Une rivière s’était invitée à faire des cascades dans mon habitacle de fortune et je pataugeais littéralement dans mon sac de couchage. Je grelottais de tous mes membres, j’étais transi et au bord de l’hypothermie. Une pensée fugace m’est tout à coup venue à l’esprit, je pourrais trouver refuge au fond de ma tête afin d’échapper à ce désastre.

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Sans jamais avoir su pourquoi, j’ai refusé net. J’ai préféré ressentir toutes les affres de cet orage plutôt que sombrer dans l’irréel. Cet épisode charnière m’a permis de connaitre un des mécanismes menant à la fuite, à la création de l’irréel, à l’abandon d’un présent concret détestable pour un rêve plus doux et agréable.

Sachant que je ne m’étais pas enfui dans ce monde, j’étais convaincu que mes observations concernant mon fils, aussi ténues fussent-elles, devaient être véridiques. Et progressant d’un iota invisible à un atome tout aussi intangible, le résultat finit par devenir visible aux yeux de mes proches, et ensuite à tout le monde.

La vie de Mathieu n’a pas été parsemée ici et là de quelques moments de bonheur. Il a vécu heureux la plupart du temps, plus que bien des gens normaux.

Atteindre cet objectif fut la plus grande et la plus belle de toutes mes réalisations. Pourtant, elle n’a tenu qu’à un fil, qu’à une seule capacité, qu’à une seule volonté, qu’à une seule certitude, celle de percevoir la réalité à travers et au-delà de l’invisible.