Si le progressiste recherche l’équilibre, le conservateur vise principalement la stabilité.

L’équilibre est difficile à atteindre et il est éphémère tandis que la stabilité n’existe qu’en pensée puisque tout est constamment en mouvance. Parlez-en à un fildefériste où son trajet est un grossissement, une caricature des aléas de la vie. S’il parvient à se maintenir sur son câble, il ne le doit pas à sa stabilité, mais bien à son équilibre, une moyenne nulle de l’ensemble de ses déséquilibres tridimensionnels.
Si rien dans la nature n’est vraiment statique, doit-on pour autant accepter immédiatement tous les changements qui se présentent à nous ? Courir sur son fil de fer permet d’atteindre plus rapidement l’autre extrémité, mais les probabilités de tomber en chemin croissent en conséquence, et pas seulement qu’un peu ! Avec le changement, la prudence est donc de mise. Il faut savoir bouger, mais ni trop vite ni trop lentement. Une fois de plus, un juste « équilibre » doit exister entre embrasser les transformations sans retenue et l’immobilité morbide.
En général, ce qui distingue les gens de bonne foi, les progressistes modérés des conservateurs également modérés, est justement cette vitesse avec laquelle les changements doivent être acceptés et ensuite assimilés. Le fossé n’est pas si important entre les uns et les autres. En revanche, il devient infranchissable entre les radicaux des deux camps. Tous deux possèdent d’excellents arguments et des besaces remplies d’exemples patents tirés du passé pour étayer leurs convictions. Sur ce terrain, personne ne convainc l’adversaire et un dialogue de sourds s’installe à demeure.

Vivre trop dans le passé ou constamment dans le futur n’accorde personne. Un clivage s’installe dans la société et lorsqu’il a pris ses aises, il devient très difficile de l’en chasser. Par dépit, car ils perçoivent qu’aucune autre option n’est envisageable, les modérés rejoignent les rangs des radicaux puisque les seuls discours galvaudés sont les leurs, remplis de préjugés et de haine pour les opinions adverses.
L’acrobate vacille trop fortement, l’équilibre se rompt. Les ailes radicales écartèlent la même société qui les a vues naitre et prospérer. Sans corps pour les relier, elles disparaissent toutes deux dans la mer des cuisants échecs. Non seulement personne n’a gagné, mais tous ont perdu.




