Adieu 2019

L’année 2019 trépasse et avec elle, bien des espoirs et des rêves la suivront dans les limbes de l’oubli ou de l’indifférence. Comme lorsqu’un roi meurt, un autre le remplace, l’année 2020 succédera à la précédente, un peu semblable, un peu différente.

Je m’étais juré de ne rien publier sur mon blogue durant ces vacances de fin d’année, mais les promesses ne sont-elles pas les plus fragiles fées de l’univers ? Par contre, je m’offre une rédemption sous la forme d’un compromis. L’article d’aujourd’hui contient un texte composé depuis quelque temps. Je l’ai choisi parce qu’il parle de mort et d’espoir, des liens ténus avec la disparition de cette année et la naissance de la suivante.

Je souhaite à tous une année 2020 plus douce ou plus excitante que la précédente. Je nous souhaite une année de transition vers un monde plus conscient. Je me souhaite une année à contempler sereinement les beautés de notre monde, le temps qu’elles existent encore.

Espérer

Ça y est, je m’en vais retrouver mes ancêtres. Oh ! ne soyez pas triste pour moi, mon temps était venu et même dépassé depuis plusieurs années. Chaque individu transporte son monde dans son esprit et avec sa disparition, beaucoup de son univers se perdent à tout jamais. Il restera de moi quelques pensées fugaces et quelques écrits maladroits. Ah ! qu’ils sont choyés ces artistes dont leur plus grande qualité est de se perpétuer au-delà de leur mort ! S’ils mangent leur pain noir de leur vivant, beaucoup parviennent à éloigner l’oubli, car leurs œuvres parlent en leur nom. J’aurais aimé faire partie de ce club sélect. N’ayant jamais désiré la richesse, j’avais la première qualité requise. Malheureusement, les autres dons essentiels m’ont fait cruellement défaut. Je n’étais doué pour aucun art. Et me voilà au seuil du grand couloir, seul, un peu misérable et triste, pas de mourir, triste de voir mes pensées mourir. J’avais atteint ce que l’on considère comme étant de la sagesse. Je dirais plutôt de la capacité à mieux vivre. Et voilà que personne ne m’accompagne jusqu’à l’article déterminant de la mort. C’est tant pis, ou tant mieux, allez savoir ! J’emporterai dans ma tombe mes connaissances de ce monde et la façon de l’aborder le plus sereinement possible. Un bel objectif de vie partiellement atteint. Ma sagesse et ma tolérance atteignent encore aujourd’hui leurs limites. J’ai perdu mes proches les uns après les autres. Tous s’en sont allés inquiets de ce qui les attendait. Quant à moi, la mort soulève peu d’angoisse. N’ayant jamais vraiment été croyant, je ne crains pas de m’être fourvoyé sur la question du paradis. Toute sorte de survivance sera prise comme un bonus, pas comme un droit m’ayant été usurpé. Je suis fermement convaincu que lorsqu’on part, tout cesse pour nous à tout jamais. Alors, je ne peux pas m’inquiéter, car rien ne m’arrivera plus. J’ai bien vécu. Je ne regrette que peu de choses, en fait, rien de vraiment sérieux ou d’important. Je ne lègue aucun héritage autre que des pensées fugaces dans la mémoire de quelques femmes que j’ai aimées et qui ne m’ont pas oublié. S’il est vrai que l’on vit encore un peu lorsqu’on pense à nous au-delà de la mort, alors je subsisterai le temps d’un éphémère. Je n’aurai été qu’une risée risible, une bourrasque localisée plutôt que de constants alizés planétaires comme Bouddha, Curie ou Mozart, mais eux aussi s’en contrefoutent. Puisque je ne percevrai pas la différence, à quoi bon y penser ? Mon heure est venue, je la sens et je le sais. Des signes et des rêves ne trompent pas. Ce serait quand même bien si je revoyais mes ancêtres… mes parents… mes enfants…

Ah sacré espoir ! Il ne nous quitte jamais totalement, celui-là !

P pour placide

Ça faisait longtemps que je n’avais pas poursuivi ma série de mots commençant par une lettre précise. Voici des liens vers les mots commençant par les lettres D, Y et C.

Je répète mes règles, je propose mes propres définitions, mes propres sens, pas nécessairement ceux des dictionnaires. Évidemment, ils se rapprochent ou sont semblables, mais j’apporte à l’occasion des nuances d’usager francophone d’Amérique, des inflexions personnelles parfois subtiles que j’utilise dans mes écrits.

Le mot d’aujourd’hui : placide.

28378f1f2ac0125684d69907a96ea29e

Je l’ai choisi parce que je trouve que sa prononciation laisse déjà sous-entendre son sens. Malgré ses dernières lettres, rien n’est rapide dans le mot placide. Il reste en place. Pourtant, son étymologie ne le relie pas à ce mot, mais à deux autres racines latines encore plus évocatrices : « plaire » et « paix ».

Lorsque « placide » s’adresse à une personne, celle-ci prend des airs flegmatiques, imperturbables sans qu’elle soit bonasse ou attentiste. On pense à un individu patient, compréhensif, un professeur, un éducateur. Même si le dictionnaire parle de candeur, je vois plutôt de la tolérance.

fjord-saguenay-1-g-1.jpg

Un paysage placide baigne dans le calme, la sérénité, il est majestueux et nous montre ses plus beaux attraits. C’est une oasis, un refuge pour se refaire des forces, retrouver sa santé et son moral.

Placide est lié au mot paix et celle-ci ne s’obtient jamais sans compromis. Ainsi, être placide exige de la compromission, de l’accommodation. C’est la raison pour laquelle je l’éloigne de tout sens comportant de la naïveté.

Bien sûr, pour tous les va-t-en-guerre, la paix passant par les compromis est un concept inadmissible. Pour eux, ce comportement doit être associé à de la candeur, de l’ingénuité, de la fraicheur et de la simplicité (d’esprit). Voilà pour moi dans quel contexte certains utilisent le mot placide comme étant une faiblesse.

HD-Wallpapers-Nature-1080p-28.jpg

Évidemment, ma position s’avère tout autre. Je considère la placidité comme une force utilisée à bon escient, elle s’apparente à de l’indulgence. Elle exige de comprendre les autres sans nécessairement les approuver ni les encourager. Sa puissance est puisée dans l’expérience et dans une compréhension multifacettes des humains.

La placidité est réservée aux sages et puisque j’avance en âge, cet objectif m’interpelle de plus en plus. Ma fougue se transformera-t-elle un jour en placidité ? Deviendrai-je un sage placide ?

Et vous ?

reve-vieux-sage.jpg

Le vrai sel de la vie

Un coup de cœur, puis un coup au cœur. Encore une autre peine d’amour. Pouvez-vous espérer devenir plus sage en amour avec l’âge ? L’amour et la raison vivent en dedans de vous comme deux colocataires mal assortis, l’un noceur et l’autre casanier. D’une part, faire vœu de sagesse vous rend nauséeux, juste d’y penser. D’autre part, vous commencez à croire que votre santé mentale finira par exiger plus de calme, plus de stabilité et moins de passion. Jusqu’à maintenant, vous avez été allergique à toute forme de sagesse. Vous ne pouviez absolument pas imaginer vivre de l’amour drabe. C’était tout ou rien. Votre implication à fond, vos désirs en tête de peloton et vos blessures… on s’en préoccupera plus tard !

Mais là, vous en avez plus que marre de refaire le même bout de chemin pour toujours vous retrouver dans le même cul-de-sac en repansant les mêmes blessures qui ne font que se rouvrir fois après fois. Vous n’êtes pas sans savoir que vos amis soupçonnent de la dépendance affective. Ils ne vous en parlent qu’à mots couverts, car ils sont pleutres, mais leur regard les trahit. Jusqu’à présent, vous évitiez d’y réfléchir, préférant sauter d’un rocher à l’autre au milieu de la rivière. Mais après plusieurs plongeons involontaires, vous commencez à penser que regarder un peu plus loin devant vous éviterait peut-être de constamment perdre pied pour vous retrouver le bec à l’eau.

Pourtant, une impression de trahison envers vous-même vous assaille. À quoi bon vivre autrement si c’est pour se retrouver dans la peau d’un d’autre ? Le succès en amour vaut-il ce prix, mais surtout est-ce vraiment nécessaire ? N’y aurait-il pas une autre solution moins extrême que cette apparente obligation de se travestir pour remporter une hypothétique victoire amoureuse ?

Votre dilemme reste entier malgré un effort sincère pour briser le cercle vicieux. Une fois la transformation complétée, la rétroaction s’avérera-t-elle impossible ? C’est pourquoi vous nagez encore dans le doute, incertain de vouloir ou de pouvoir payer ce prix. Au bout du compte, ce tribut semble trop important pour obtenir un bonheur éminemment simple et probablement dépourvu de ses feux d’artifice.

Quelle est la bonne réponse ? Quel est le bon choix ? Est-ce bien, comme vous avez tendance à le croire, une profanation de vous-même? Ceux qui vous jugent vous demandent de changer vos valeurs pour d’autres qui ne vous ressemblent pas, en prétendant d’emblée qu’elles seront meilleures. Mais faut-il vraiment devenir quelqu’un d’autre ?

Être en harmonie avec soi-même est souvent une quête difficile et chaotique, mais c’est la seule qui soit pleine de sens et importante à réaliser. S’accepter au-delà du regard des autres mérite les efforts à entreprendre et ça commence par une profonde compréhension de ce que l’on est vraiment. Le jugement des autres deviendra alors moins lourd à porter. Lorsque vous vous promenez avec un grand sourire sincère, l’avis des autres sur votre compte change drastiquement. Peu importe si votre parcours est atypique, votre bonheur le sera aussi. Et puis après ! C’est souvent la peur de décevoir qui rend malheureux. S’affranchir de cette fausse exigence ramène les yeux devant les bons trous.

Lorsque vous êtes fier de vous, les gens lâchent prise, car ils comprennent qu’ils ne peuvent plus vous influencer durablement dans le sens qu’ils voudraient pour vous. Vous tracez vous-même votre route et cette voie vous appartient. Puis vous croiserez plein d’autres routes et c’est là que vous prendrez d’autres décisions. Celle de poursuivre votre aventure dans une voie différente ou garder la vôtre. La vie n’est qu’une succession de choix qui finissent par former un long fleuve aux mille bras et ramifications possibles dont quelques-uns seulement seront explorés. Ça deviendra votre vie, une vie parmi des milliers que vous auriez pu vivre. Mais qu’importe, puisque revenir en arrière et choisir une autre bifurcation est impossible. Par contre, la bonne nouvelle est que toutes celles que vous croiserez devant vous sont accessibles. Reste à savoir si vous aurez la sagesse ou le culot d’éviter ou de tenter une incursion en terra incognita. Après tout, n’est-ce pas là le vrai sel de la vie ?

Lire la suite « Le vrai sel de la vie »