Conseiller ou pas ?

« Il ne faut pas cesser de donner des conseils, il faut cesser d’être de mauvais conseillers. » — LeCorbot

La vie humaine en société consiste à procéder à des échanges entre nous. Donner, recevoir, échanger, transférer ou transmettre, il est tout à fait permis et même désirable de le faire, non seulement avec des biens et des services, mais aussi avec des idées, des avis et des conseils. Tous les jours, nous sommes influencés et nous influençons notre environnement, ça fait partie du grand jeu de la vie. Vouloir rendre les conseils tabous en noircissant leur influence, comme si elle était nécessairement néfaste, irrespectueuse, voire démoniaque, prouve seulement une chose, l’ignorance sur les façons de bien conseiller.

Les mauvais conseils commencent au moment où on pense et on dit : « Si j’étais à ta place… ». Personne ne peut se trouver à la place d’une autre. Ne croyez pas avoir le moindre soupçon de chance de vous mettre à la place de quelqu’un. Personne n’a le même passé, les mêmes sensibilités, les mêmes désirs, les mêmes peurs, les mêmes influences, la même culture, la même éducation, la même formation, la même personnalité et le même potentiel.

Au mieux, il est possible de dire en le pensant sincèrement : « Connaissant certains aspects te concernant, je vois diverses possibilités… ».

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Conseiller exige de l’humilité, tant de celui qui reçoit les conseils que de celui qui les prodigue. Celle du conseiller avivera celle de son interlocuteur.

Un conseil survenant sans options perd de son intérêt et par incidence son statut même de conseil. Le conseiller ne cherche pas à trouver la meilleure option, mais à présenter des pistes de solutions. Si le conseiller se contente de présenter sa meilleure option, elle peut très bien correspondre à la seule que la personne ne peut absolument pas envisager pour des raisons inconnues.

Évitez de conseiller par ricochet. L’exemple le plus évident est celui de la belle-mère qui conseille son gendre pour que sa fille obtienne ce qu’elle désire en se foutant éperdument de tout ce qui le concerne. Seul compte le bonheur, soit-il éphémère, de sa fille.

Conseiller par métaphores possède des vertus et des risques. La métaphore doit être bien choisie, pertinente, simple à comprendre et à décoder. Elle évite une mise en situation personnelle trop brutale, trop évidente, et s’intègre au cœur d’une conversation. En revanche, elle éloigne la personne de l’exemple utilisé et peut la garder à distance si elle décide de ne pas vouloir l’appliquer à elle pour quelque raison que ce soit. Ainsi, votre conseil se retrouvera prestement aux orties.

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On ne devrait tirer aucune gloire des conseils prodigués, car ils s’avèrent lourds de responsabilités. Le conseiller devrait toujours se souvenir de faire profil bas, de les dispenser avec parcimonie et de rester très prudent quant à leur contenu.

Un conseil ne doit pas être perçu comme une menace. Oubliez les conseils en forme d’ultimatums, car vous devrez presque à coup sûr mettre votre menace à exécution. Même un conseil bien exprimé s’avère souvent difficile à accepter. Alors, imaginez si vous lui fournissez une bonne raison de le refuser en brandissant une épée de Damoclès !

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Un conseil n’est pas plus un ordre. Que le conseil soit accepté et suivi ou refusé et oublié, votre attitude ne devrait pas changer à l’égard de la personne. Vous ressentirez certainement de la frustration, surtout si les aléas anticipés en cas de refus surviennent précisément comme vous les aviez appréhendés. Mais c’est ce qui différencie un conseil d’un ordre. Si vous désirez ordonner des choses, ne les maquillez pas en conseils. Trouvez la raison pour laquelle vous êtes en droit d’ordonner quelque chose. Si vous ne la trouvez pas, c’est qu’un ordre est inapproprié. Le maquiller en conseil semble une bonne idée pour manipuler en douceur. Détrompez-vous, car vous n’accepterez pas un refus d’obtempérer et vous tomberez dans votre propre piège.

Un conseiller n’est pas un tribunal. Alors, évitez de juger les choix de la personne que vous désiriez conseiller.

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Le conseil devrait suivre l’intention et le désir de la personne à en recevoir, pas l’inverse. Cette ouverture peut s’exprimer subtilement, car avouer avoir besoin d’un conseil est une démarche difficile. Restez sensibles aux phrases exprimées et aux sous-entendus tout en évitant de prendre vos désirs pour des réalités.

Conseiller s’accompagne de responsabilités. Si des conseils ne semblent pas nécessaires, évitez de les prodiguer et vous réduirez le poids de vos interventions sur vos épaules. Si ça ne vous cause aucun poids, dites-vous bien que vous vous méprenez sur la nature de ce que vous qualifiez de « conseils ». Parlez alors de manipulations pour obtenir ce que vous désirez, ce serait plus adéquat.

Conseiller ne doit pas relever de l’impression d’avoir raison. Être convaincu d’avoir compris un truc et penser que la personne comprendra la même chose que vous risque de vous décevoir. Ce que vous avez compris fut le résultat d’un processus et un conseil est insuffisant pour remplacer un processus d’apprentissage en entier.

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Un conseil est aussi un appel à votre patience, à votre indulgence et à votre compréhension. Si vous manquez d’un des trois, votre conseil n’était peut-être pas aussi honnête que vous le pensiez.

Certains attendent les conseils pour faire exactement l’inverse. Si vous avez détecté ce type de comportement chez quelqu’un, je suggère de rester loin de tout ce qui pourrait s’apparenter ou ressembler à un conseil. Si vous êtes tombé dans le panneau, vous pouvez lui faire savoir qu’il s’est acheté un billet pour s’assurer de votre futur silence. Le fait de vous abstenir va le contrarier puisqu’il a besoin des conseils pour savoir où se situe l’opposé. Ne tentez pas de penser blanc et dire noir afin qu’il choisisse blanc. Ce type de truc tordu finit toujours mal pour les deux.

Le confondez pas « prodiguer de bons conseils » avec « conseiller de la bonne façon ».

En fin de compte, cet article consiste-t-il à vous conseiller sur votre façon de conseiller ? Ça en a tout l’air ! Mais faites-en ce que bon vous semble, c’est juste un conseil, après tout !

Et pour conclure cet article sur la même note qu’il a commencé, une autre citation.

« Les meilleurs conseils sont ceux qu’on ignore avoir prodigués… et ceux qu’on a tus. » —  LeCorbot

L’effet tunnel

Ne pensez pas à une expérience de mort imminente. L’effet tunnel dont je veux vous parler est quantique. Oui, je sais, c’est de la physique, mais il n’est pas nécessaire de la craindre puisque celle-ci fait bien partie de nos existences.

D’emblée, je m’inscris en faux face à la métaphore du tunnel puisque celle-ci crée une mésinterprétation de cet effet. Rappelez-vous plutôt la représentation du potentiel de Diablo dans la série des X-Men. Il donne en partie un meilleur aperçu du phénomène, mais là encore avec des imprécisions.

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Prenez une personne normale devant une enceinte faite de briques de trois mètres de hauteur et demandez-lui d’atteindre l’intérieur du périmètre. L’individu aura beau tourner autour, le mur reste partout présent, l’empêchant de se rendre de l’autre côté puisqu’il ne possède pas le potentiel nécessaire pour franchir cette hauteur.

En physique quantique, une particule, c’est aussi une onde. Il n’est donc pas impossible pour celle-ci de se retrouver au-delà d’une barrière sans avoir eu à la traverser puisque son existence est «étalée» à certains moments et peut reprendre des attributs particulaires à d’autres.

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Lorsque sa présence est étalée et que la particule se comporte comme une onde, la barrière, une bande interdite, n’apparait plus comme étant infranchissable puisqu’on peut dire qu’une partie d’elle-même se trouve déjà au-delà de cet obstacle. Si la particule se cristallise dans la portion où elle existe potentiellement de l’autre côté du mur, elle aura donné l’impression d’avoir franchi ce mur.

En fait, le corpuscule ne «traverse» jamais l’obstacle, dans le sens où on l’entend normalement, qui reste infranchissable. Elle n’a pas suivi un trajet entre l’extérieur et l’intérieur de l’enceinte. Elle se retrouve simplement évanescente, avec une probabilité de se cristalliser dans une portion d’espace beaucoup moins probable, mais non nulle qui se trouve au-delà de la barrière se dressant devant elle.

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Utilisez un nombre phénoménal de particules élémentaires s’entassant devant un mur, aussi haut soit-il, une quantité non négligeable de celles-ci franchiront l’obstacle parce que leur mode d’existence l’autorise.

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Mais à quoi peut bien servir cet effet tunnel? Un seul exemple, il en existe des centaines. Dans tout appareil électronique se trouve un système permettant de maintenir une tension électrique continue, fixe et stable. C’est la partie «alimentation». Cette tension est souvent obtenue à partir d’une diode dont ses propriétés «tunnel» ont été accrues par un dosage d’impuretés chimiques. On l’appelle «diode Zener». Il reste ensuite à amplifier sa puissance pour alimenter tout un appareil, comme un téléphone intelligent, en tension stable qu’une batterie seule ne possède pas.

 

Voilà comment la physique quantique existe en permanence au bout de nos doigts et n’est pas qu’une curiosité «métaphysique» seulement utile à rendre les esprits tordus et illogiques, malgré ses aspects tordus et illogiques.

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Dualité

Nous, les humains, sommes très attachés au concept de la dualité, le bien et le mal étant l’archétype de nos dualités. Cependant, ces deux antipodes sont des pôles et rien ne se trouve totalement à l’un ou à l’autre de ces extrêmes. La dualité accepte en fait une infinité de positions entre ces deux limites, comme il existe une infinité de fractions entre zéro et un.

La Nature physique adore également la dualité et celle qui a permis de comprendre une foule de mystères est la réconciliation de deux thèses sur la lumière, celle de Christian Huygens et celle d’Isaac Newton qui ont donné la théorie de la dualité onde-corpuscule de la lumière, deux thèses se contredisant l’une l’autre et qui pourtant sont toutes les deux vraies.

Une belle métaphore pour comprendre qu’une telle aberration puisse quand même exister est la vision de l’ombre d’un cylindre projeté, non pas sur un seul écran, mais sur deux écrans perpendiculaires alors que le cylindre est également éclairé par deux sources perpendiculaires.

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Sur le premier écran, apparait un cercle et sur le deuxième se voit un rectangle, deux objets géométriques que tout oppose, et pourtant si l’on se donne la peine de regarder «autrement», on voit et on comprend les deux ombres projetées sur les écrans et la réalité de l’objet unique qui les crée.

Lorsque nous sommes confrontés à une dualité dans nos vies, nous avons tendance à regarder et à considérer seulement une ombre sur les deux, reléguant la seconde au rang d’importune. Pourtant la vie nous montre la vraie façon d’aborder le problème. Nous ne verrons jamais ni ne comprendrons la réalité si nous persistons à ne regarder que des ombres et à les trier par des jugements de valeur alors que l’explication précise de nos questionnements se trouve tout près de nous, mais certainement pas sur la vision de l’un ou l’autre, ni même des deux écrans pris séparément, mais en synthèse, en une unique entité plus complexe et plus belle que ses seules représentations éthérées.

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Papillon terroriste

Si vous n’avez pas lu l’article d’hier, il vous manquera une partie importante, quoique pas essentielle, pour bien comprendre celui-ci. Hier, je badinais, mais aujourd’hui je suis sérieux.

Passons maintenant directement au cœur du sujet qui est ce qu’on appelle « l’effet papillon ». Vous connaissez ? Vous en avez entendu parler quelques fois ? Vous ignorez de quoi il s’agit ? Vous le savez et vous aimez ? Non, vous pensez aimer l’effet papillon, mais c’est faux. Vous le détestez, mais vous l’ignorez. Je m’explique.

Nous étions autrefois totalement incapables d’utiliser la loi de Newton pour expliquer certains phénomènes communs, mais étranges comme les vortex, la turbidité, l’écoulement des fluides et plusieurs autres phénomènes bien réels, mais chaotiques, imprévisibles. Le problème était que certains phénomènes physiques étaient hypersensibles aux conditions initiales, ce qui nous empêchait de les prévoir, donc de calculer des éventualités.

Une façon simple de comprendre ce que sont les conditions initiales hypersensibles, c’est avec les bandes sur une table de billard. Étant bien droite, la bande nous aide à faire des rebonds et ainsi à empocher des boules qu’un tir direct nous empêcherait d’obtenir. Ce n’est pas facile, mais on peut améliorer nos prédictions sur la trajectoire de la boule avec beaucoup de pratique.

Imaginez maintenant que votre bande est pliée et forme une concavité. Dans certaines conditions, votre boule de billard reviendra presque toujours sur le bout de votre baguette. Il est alors bien plus facile de prévoir le comportement de la boule qui ne cesse de revenir presque à la même place. La prédiction de la trajectoire de la boule devient beaucoup plus précise.

Maintenant, inversons le sens de la courbure de la bande pour la rendre convexe. Là, c’est exactement le contraire qui se produit. Avec des trajectoires initiales presque pareilles, la boule ne cesse d’aller n’importe où. Nous sommes rendus incapables de prévoir la trajectoire précise de la boule après le rebond sur la bande convexe. Notre système est rendu trop sensible aux conditions initiales pour oser prédire avec précision sa trajectoire.

Autrefois, les prévisions météo professionnelles étaient faites empiriquement, en se servant uniquement de l’historique. Mêmes conditions initiales, même résultat attendu. Le problème est vite apparu, ces prévisions étaient bien plus souvent erronées que justes. Pourquoi ? Parce que les systèmes météorologiques réagissent comme notre bande convexe, mais en bien pire. Les paramètres suivent des courbes exponentielles. De petits changements initiaux occasionnent de très gros changements finaux, mais aussi, le nombre de ces paramètres à tenir en compte est ahurissant. C’est pourquoi les systèmes météo, comme bien d’autres d’ailleurs, sont qualifiés « d’instables », de « chaotiques ». Mais ces chaos ne sont pas incompréhensibles et de nombreux spécialistes s’attaquèrent aux systèmes instables, dont le météorologue Edward Lorenz.

Et c’est là que pour donner une « image » des grandes instabilités, Lorenz posa une question sur la forme d’une métaphore lors d’une conférence qu’il donnait en 1972 que je qualifierais de regrettable et dont la réponse, en admettant qu’il faille y répondre sérieusement, aurait évidemment été « non ».

Sa métaphore est : « Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? ».

Ce n’est pas tant la métaphore qui est idiote puisque c’est une métaphore, ni Lorenz lui-même, l’auteur de cette métaphore, ni même le commun des mortels, mais bien la panoplie de scientifiques qui ont commencé à répandre cette question comme si c’était une affirmation scientifique véridique, reconnue et avérée et qui l’utilisaient de la sorte à toutes les sauces, en étant probablement incapables de comprendre que ce n’était qu’une métaphore.

Jamais un papillon en battant des ailes n’a engendré la moindre tempête sur la planète. Pas plus qu’un oiseau (un Corbot, peut-être), ni même un avion. Pourquoi ? C’est bien simple. Si ça avait été le cas, avec le calcul des probabilités, nous vivrions dans une tornade permanente et à l’évidence, vous le constatez, ce n’est pas le cas.

Alors j’exhorte tous les scientifiques et aussi ceux qui croient l’être devenus pour avoir réussi un jour à passer des examens, mais qui n’ont pas la moindre parcelle de jugeote, je les exhorte tous, non seulement à cesser d’affirmer la métaphore du papillon, mais également à expliquer à ceux qui, par leur faute, ont cru que c’était possible, de donner la vraie et la seule réponse possible à la question de Lorenz : non. Il n’est pas possible que le battement d’ailes d’un papillon au Brésil puisse provoquer une tornade au Texas ni dans aucun autre état d’ailleurs. Trouvez des exemples plus probants et véridiques comme mes bandes de tables de billard pour expliquer ce qu’est l’instabilité et l’hypersensibilité aux conditions initiales.

Ce n’est pas seulement par les statistiques qu’on prouve que la métaphore du papillon est inexacte. La science de la météorologie s’est énormément améliorée depuis 1972 et nos connaissances sur le chaos, les systèmes chaotiques, se sont grandement raffinées. Toutefois, nul besoin de ces connaissances modernes pour prouver que la réponse à la question de Lorenz est non. La friction des molécules d’air entre elles empêche d’avoir un effet amplificateur, exponentiel, à boucle de rétroaction positive. Rien ne peut résulter d’un tel mouvement d’air dont l’énergie est immédiatement atténuée et dispersée. Des causes des trillions de fois plus intenses que le battement d’ailes d’un papillon ne parviennent même pas à créer des tornades. Alors peut-on changer de métaphore et laisser les papillons voler en paix ou va-t-il falloir les ficher comme terroristes pour avoir fabriqué des armes de destruction massive ?

Le débat est clos. La cause a été entendue et jugée. Maintenant, passons à autre chose et parlons du chaos correctement en utilisant enfin des exemples adéquats. Laissez donc les papillons en paix. Ou laissez-les seulement causer une tornade dans votre estomac quand vous rencontrerez l’amour de votre vie ! Vous posséderez un contre-argument valable à me présenter pour prouver que l’effet papillon… dans l’estomac c’est possible en fin de compte.