De l’usage et de l’avenir du français.

Cet article fait suite à celui intitulé « La langue des Gaulois d’Amérique ».

Bien sûr, la langue française continuera de s’épanouir, en partie par ses emprunts, comme ce fut toujours le cas. Mais alors, où se situe le point de non-retour au-delà duquel une langue s’éteint ? Effectivement, le français est empreint de latin, de grec, de perse, d’anglais, d’italien, d’espagnol et d’une quantité importante de mots d’autres origines. Si elle s’était cantonnée, elle aussi serait disparue. Son évolution future l’amènera-t-elle à mieux repousser son extinction ou, au contraire, s’éteindra-t-elle pour avoir été trop libertaire la rendant ainsi trop facilement assimilable ? Question sans réponse dans l’immédiat. Quoi qu’il en soit, parler notre langue, l’écrire, la diffuser, l’exiger, la défendre, la faire évoluer, sans relâche, le plus souvent, le plus loin, le mieux possible, tout francophone devrait souscrire à ces obligations au meilleur de ses capacités. C’est par une vigilance de tous les instants et par nos efforts mis en commun que la langue française demeurera vivante, belle et utile.

Le français se situe au sixième rang des langues les plus parlées, loin derrière l’anglais, le mandarin et l’espagnol. Si elle n’est pas encore en voie d’extinction, elle est indéniablement en danger. Nous ne devons jamais croire qu’elle subsistera toujours. Par conséquent, chaque attention que nous lui portons a son mérite. Parmi ceux-ci, la création de néologismes revêt une importance stratégique, car ce sont par eux que les langues restent vivantes. Nous trainons toujours de la patte, surtout dans le domaine des technologies qui concentre la grande majorité des néologismes. Nous en venons ainsi à utiliser le terme anglais malgré sa lexicologie française déficiente. On n’a qu’à penser à « e-mail ». Au Québec, on a inventé le mot-valise « courriel », en parlant du courrier électronique. Ça ensuite permis d’inventer le mot « pourriel » dont la signification ne vous échappera certainement pas.

Enfin, pour assurer l’avenir du français, dès qu’il sera possible, nolisons plusieurs grands vaisseaux spatiaux, emplissons-les de colons francophones et envoyons-les peupler une nuée d’exoplanètes. À défaut d’avoir gagné la bataille ici-même, donnons au moins la chance au français de refleurir ailleurs. Et qui sait si un jour, les Kepleriens, les Proximiens ou les Béréniciens auront des troupes de théâtre présentant Les Précieuses ridicules, La Cantatrice chauve ou Les Belle-sœurs ? Quel beau cadeau à donner à la communauté intersidérale que léguer une langue et une culture ayant la richesse du français. Ce présent pourrait aussi convaincre un possible Gouvernement des Planètes Fédérées que le sort de l’humanité vaut mieux que celui réservé aux peuples belliqueux assoiffés de pouvoir et insensibles à la destruction de leur planète dont nous sommes les indignes et sauvages représentants. Une langue belle et riche pourrait servir à sauver notre espèce d’une éventuelle action punitive extrême, surtout lorsque cette langue possède tous les atouts nécessaires à son utilisation… en diplomatie.

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La langue des Gaulois d’Amérique

Je suis d’origine québécoise, mes ancêtres sont français et amérindiens. Quand j’étais jeune, tous les gens ordinaires parlaient joual. Ce mot provient de la déformation du mot « cheval ». À l’instar du créole, le joual est un mélange de langues. Dans ce cas précis, le joual louvoie entre le français, le vieux français et l’anglais. Rajoutez-y une grammaire bicéphale, une prononciation lâche sur un fort accent breton moyenâgeux et vous obtenez un résultat plutôt incompréhensible pour les gens d’autres origines.

Durant les décennies 1960 et 1970, la révolution tranquille, c’est le nom qu’on a donné à notre affirmation comme peuple distinct libéré des jougs de l’Église catholique et de la domination anglaise, nous a rapprochés de nos origines françaises. Nous avons peu à peu épuré notre langue des mots et des expressions anglaises de mauvais aloi. Ce travail se poursuit encore aujourd’hui, car la culture a de la mémoire. Qui plus est, nous sommes 8 millions d’individus rassemblés sur un territoire entouré d’un océan de 400 millions d’anglophones. L’on constate bien évidemment que l’anglais est fortement prisé, il permet mieux que d’autres langues, dont le français, d’inventer des néologismes. À une époque où la technologie avance à un train d’enfer, le français peine à suivre le rythme de création des mots-valises et des acronymes composés à partir de mots techniques.

Tâche difficile pour un peuple géographiquement isolé de protéger sa langue face à une autre langue dont ses hégémonies tant géographique que technologique la rendent si attractive. Nous avons créé des institutions et avons voté des lois pour soutenir notre langue. Nous encourageons les immigrants à parler français. Nous le mettons en valeur, nous l’embellissons, nous y apportons notre contribution et nous travaillons sans relâche à contrer la puissance d’assimilation de l’anglais. Ainsi, nous nous empressons à créer des néologismes lorsqu’un mot anglais, souvent technique, cherche à s’imposer. Nous forçons l’usage des bons mots français ou des bonnes expressions françaises lorsqu’ils existent. Nous produisons nos propres émissions de radios, de télé, nos propres films, notre propre théâtre. Nous écrivons et éditons des tas de livres, malgré leur faible rentabilité. Nous nous efforçons d’être à l’affût des pièges linguistiques qui finissent par dénaturer une langue. Bien sûr, l’anglais reste incontournable qu’on soit Chinois, Russe, Argentin, Finlandais ou Québécois. Paradoxalement, le pourcentage de Québécois parlant couramment l’anglais est en forte hausse depuis notre révolution tranquille, car nous ne combattons pas le bilinguisme, nous combattons l’absence du français. Nous combattons l’anglicisation des allophones au détriment de leur francisation. Nous exigeons de travailler en français, de nous servir en français dans les boutiques, les restaurants et nos institutions logeant sur notre territoire. Plus qu’ailleurs, l’image de l’irréductible village gaulois convient très bien au peuple québécois faisant face à l’envahisseur anglophone omniprésent. Nos caricaturistes montrent d’ailleurs régulièrement nos dirigeants portant les habits de l’un ou de l’autre des personnages de la fameuse bande dessinée. Dans le prochain article, j’aborderai l’évolution de la langue française et son avenir.