L’humain orphelin

J’adore recevoir des commentaires, parce qu’ils m’aident à poursuivre ma réflexion sur un sujet ou ils me font dévier afin d’explorer une autre voie passionnante. Grâce à un commentaire de Sylpheline (j’abrège) en rapport avec mon article d’hier sur la vie intelligente ailleurs que sur Terre, j’ai eu cette réflexion.

J’ai pris conscience que l’humanité est un petit garçon, une petite fille, sans parents pour lui dire s’il fait bien ou mal. Alors il a inventé des pères célestes pour l’aider dans cette épreuve, pour lui servir de guide avec tous les avantages, mais aussi tous les inconvénients liés au fait qu’il se laisse guider par une invention figée dans le temps.

Suzor-Coté_Mon-neveu

L’humain est orphelin et il a peur, peur de lui-même, peur de ses semblables, peur de sa puérilité et de ses colères enfantines, peur du vide laissé par des parents inexistants et surtout il a peur de ses questions laissées sans réponses.

L’humain cherche encore ses parents et tant qu’il n’aura pas appris à se prendre en main, il restera un mioche enfoui au fond d’un placard qui s’invente des histoires pour faire disparaitre le monde extérieur si différent de celui qu’il voudrait connaitre. Il s’inventera des parents vivants temporairement absents qui l’aiment et qui pensent à lui.

L’humain est faible alors qu’il aime se croire fort. Il crie, il crâne, car il craint. Il appréhende de devoir finalement accepter de ne jamais connaitre ses parents. Alors il repousse ce jour en se rattachant à des croyances anciennes. Toutefois, celles-ci le retiennent prisonnier, l’empêchant de franchir la frontière entre le monde des enfants et celui des adultes.

Hier, j’écrivais que l’humain est intelligent, mais idiot. En fait, j’aurais dû utiliser le mot enfantin. Ce constat m’aide-t-il à plus aimer l’humanité ? C’est dommage, je dirais l’inverse. Selon moi, elle n’est plus une enfant, mais elle joue à le rester en faisant l’idiote. Et cette nouvelle donne empire l’état de mon estime à son égard. Hier encore, il me restait un peu de sympathie pour l’humanité. Aujourd’hui, je n’en suis plus aussi certain.

Images : Peintures de Suzor-Coté
– Dégel soir de mars Arthabaska
– Mon neveu

Le vrai sel de la vie

Un coup de cœur, puis un coup au cœur. Encore une autre peine d’amour. Pouvez-vous espérer devenir plus sage en amour avec l’âge ? L’amour et la raison vivent en dedans de vous comme deux colocataires mal assortis, l’un noceur et l’autre casanier. D’une part, faire vœu de sagesse vous rend nauséeux, juste d’y penser. D’autre part, vous commencez à croire que votre santé mentale finira par exiger plus de calme, plus de stabilité et moins de passion. Jusqu’à maintenant, vous avez été allergique à toute forme de sagesse. Vous ne pouviez absolument pas imaginer vivre de l’amour drabe. C’était tout ou rien. Votre implication à fond, vos désirs en tête de peloton et vos blessures… on s’en préoccupera plus tard !

Mais là, vous en avez plus que marre de refaire le même bout de chemin pour toujours vous retrouver dans le même cul-de-sac en repansant les mêmes blessures qui ne font que se rouvrir fois après fois. Vous n’êtes pas sans savoir que vos amis soupçonnent de la dépendance affective. Ils ne vous en parlent qu’à mots couverts, car ils sont pleutres, mais leur regard les trahit. Jusqu’à présent, vous évitiez d’y réfléchir, préférant sauter d’un rocher à l’autre au milieu de la rivière. Mais après plusieurs plongeons involontaires, vous commencez à penser que regarder un peu plus loin devant vous éviterait peut-être de constamment perdre pied pour vous retrouver le bec à l’eau.

Pourtant, une impression de trahison envers vous-même vous assaille. À quoi bon vivre autrement si c’est pour se retrouver dans la peau d’un d’autre ? Le succès en amour vaut-il ce prix, mais surtout est-ce vraiment nécessaire ? N’y aurait-il pas une autre solution moins extrême que cette apparente obligation de se travestir pour remporter une hypothétique victoire amoureuse ?

Votre dilemme reste entier malgré un effort sincère pour briser le cercle vicieux. Une fois la transformation complétée, la rétroaction s’avérera-t-elle impossible ? C’est pourquoi vous nagez encore dans le doute, incertain de vouloir ou de pouvoir payer ce prix. Au bout du compte, ce tribut semble trop important pour obtenir un bonheur éminemment simple et probablement dépourvu de ses feux d’artifice.

Quelle est la bonne réponse ? Quel est le bon choix ? Est-ce bien, comme vous avez tendance à le croire, une profanation de vous-même? Ceux qui vous jugent vous demandent de changer vos valeurs pour d’autres qui ne vous ressemblent pas, en prétendant d’emblée qu’elles seront meilleures. Mais faut-il vraiment devenir quelqu’un d’autre ?

Être en harmonie avec soi-même est souvent une quête difficile et chaotique, mais c’est la seule qui soit pleine de sens et importante à réaliser. S’accepter au-delà du regard des autres mérite les efforts à entreprendre et ça commence par une profonde compréhension de ce que l’on est vraiment. Le jugement des autres deviendra alors moins lourd à porter. Lorsque vous vous promenez avec un grand sourire sincère, l’avis des autres sur votre compte change drastiquement. Peu importe si votre parcours est atypique, votre bonheur le sera aussi. Et puis après ! C’est souvent la peur de décevoir qui rend malheureux. S’affranchir de cette fausse exigence ramène les yeux devant les bons trous.

Lorsque vous êtes fier de vous, les gens lâchent prise, car ils comprennent qu’ils ne peuvent plus vous influencer durablement dans le sens qu’ils voudraient pour vous. Vous tracez vous-même votre route et cette voie vous appartient. Puis vous croiserez plein d’autres routes et c’est là que vous prendrez d’autres décisions. Celle de poursuivre votre aventure dans une voie différente ou garder la vôtre. La vie n’est qu’une succession de choix qui finissent par former un long fleuve aux mille bras et ramifications possibles dont quelques-uns seulement seront explorés. Ça deviendra votre vie, une vie parmi des milliers que vous auriez pu vivre. Mais qu’importe, puisque revenir en arrière et choisir une autre bifurcation est impossible. Par contre, la bonne nouvelle est que toutes celles que vous croiserez devant vous sont accessibles. Reste à savoir si vous aurez la sagesse ou le culot d’éviter ou de tenter une incursion en terra incognita. Après tout, n’est-ce pas là le vrai sel de la vie ?

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Je t’aimerai toujours

Vous rappelez-vous du premier « je t’aime » ? Vous l’avez probablement pensé très fort durant un certain temps avant de le lui avouer. Ce tout premier « je t’aime » a été une étape difficile à franchir. Vous auriez préféré l’entendre de la bouche de votre chéri(e) plutôt que de vous mettre à nu en premier. Mais lorsque vous souffriez trop de vous taire, vous avez fini par traverser le Rubicon dans un moment de… faiblesse ou d’intenses émotions. Au début, vous le déguisiez parfois en slogan, en rigolade ou en chuchotement pour ne pas trop en dévoiler du coup. Le temps passant, « je t’aime » devint plus naturel, plus fréquent et plus normal. Puis un jour, vous avez eu la désagréable impression qu’il était devenu anodin. Il avait perdu de sa superbe et de sa magie des premiers temps.

Par dichotomie, votre amour a continué de croitre et vos « je t’aime » sont restés identiques. Vous vous êtes retrouvé au point de départ, à la recherche de mots nouveaux pour exprimer avec justesse l’intensité de vos sentiments. Tout à coup, une idée folle traverse votre esprit. Sans les avoir sciemment choisies, quelques lettres deviennent une éventuelle déclaration, mais vous vous gardez de les lui dire. C’est trop gros, trop tôt et encore trop incertain.

Pourtant, à l’instar du ruisseau cherchant la mer, l’idée se fraie lentement un chemin parmi les obstacles de la quotidienneté. Vous scandez la phrase lorsque vous êtes seul, craignant puérilement de l’oublier si elle reste muette. Vous ressentez intensément son grand pouvoir qui vous fait aussi craindre de mourir avant d’avoir osé la lui révéler. Vous tentez de vous calmer, de réfléchir, de cogiter en constatant soudain que la distance entre « je t’aime » et « je t’aimerai toujours » se mesure en années-lumière. Puis un jour, par hasard, survient un événement distinctif et vous franchissez la mer des doutes pour la toute dernière fois.

Car plus jamais d’autres mots n’exprimeront votre amour avec une plus grande intensité. Tout aura été dit et entendu ou lu, car la plume sait se faire entendre même en chuchotant à travers le brouhaha de l’effervescence des vies modernes. Elle sait également répéter le message sans jamais se lasser. Elle sait même transformer une déclaration en poème, un mot en fleur et une phrase en arc-en-ciel.

« Je t’aimerai toujours » n’est pas un cadeau à donner ni un vœu à exprimer, c’est un serment, une promesse solennelle. C’est pourquoi cette déclaration irrite tellement lorsque votre cœur s’est insuffisamment préparé. Vos paroles sortent, acide, de vos commissures et se répandent en bave irritante ou en écume mensongère.

Comme le brin d’herbe, vous ne pouvez tirer sur vos sentiments pour les faire croitre plus rapidement. Il est fort possible que votre amour n’atteigne jamais son apex. C’est peut-être mieux ainsi, car comme tout don, celui de l’amour absolu se paye à prix fort.

À moins d’une situation exceptionnelle, vous déclarerez cette courte phrase de quatre mots à une seule personne dans votre existence (excluant vos enfants) et chaque fois votre cœur se resserrera et cessera de battre durant une infinie seconde. C’est pourquoi cette déclaration ne deviendra jamais banale ni euphémique.

Malheureusement, même les professions de foi les plus sérieuses et les plus engagées risquent de mourir précocement. Vous pourrez accuser le manque de réciprocité, les changements de conditions imprévus ou tout autre dérangement susceptible d’excuser votre récusation. Cette affirmation absolutiste serait-elle alors vouée à n’être rien de mieux qu’une promesse d’insensé ?

Comme tous les superlatifs, « je t’aimerai toujours » ne peut souffrir d’aucun fléchissement sinon il s’amenuise et disparait dans le brouillard des amours trahies. Auraient-elles alors simplement existé ? Et pourtant, subsistent quelques-unes de ces promesses contre temps et mortalités. Votre dernier souffle sera-t-il voué à renouveler votre serment Unique ? Alors que vous fuyez vers le crépuscule, que les dernières secondes s’égrènent, tous vos doutes enfin disparaitront lorsque vos dernières paroles prononcées seront « je t’aimerai toujours ».

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