Q comme dans Québec

Voici donc le douzième article traitant d’une lettre et d’un mot commençant par celle-ci. Vous trouverez tous les autres articles à cette adresse.

Puisque le nombre douze est important dans l’histoire des humains, je lui accorde une lettre mal-aimée, le pauvre Q.

À la petite école, j’ai appris à nommer cette lettre « que » [kǝ]. Si on n’osait même pas prononcer son vrai nom [ky] à cause d’un homonyme vulgaire, ça commençait plutôt mal pour elle. Même sa calligraphie était altérée. Je me souviens des lettres majuscules et minuscules tracées entre deux lignes. Le Q majuscule était devenu une sorte de 2 pédant cherchant à faire disparaitre la queue du cul.

En phonétique, le q se prononce [k] comme la lettre k, comme dans Québec. C’est à se demander à quoi il sert si ce n’est de quelques prononciations distinctes du groupe « qu » comme dans les mots équations ou quartz [kw]. Il peut également prendre la forme [ku] (cou) comme dans le mot équilatéral.

En français, on lui adjoint systématiquement la lettre u, comme si un q ne peut rien faire seul. Je ne démentirai pas cette supposition.

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Dans le dictionnaire épuré de ses sigles, des 485 mots commençant par un q, seulement 6 n’ont pas un u en deuxième place et parmi ceux-ci on retrouve le q lui-même, l’abréviation qqch., l’acronyme QWERTY et Q-mètre, un appareil mesurant le facteur de qualité des bobines afin de connaitre le déphasage du courant qu’elles induisent dans des circuits électriques. Ne restent que 2 mots étrangers, qat et qi gong. Dans tous les mots de langue française, un u (un nu) vient à la rescousse du q (cul).

Plusieurs mots commençant par cette lettre tirent leur origine du chiffre quatre. Je dénombre exactement quatre-vingts mots commençant par la racine quad-, quarante-six dont le début est quart- et vingt-trois autres avec la racine quatr-. Seuls deux mots n’étant pas des abréviations, des sigles ou des composés se terminent par un q, le cinq et le coq.

En mathématique, le ℚ représente l’ensemble des nombres rationnels, c’est-à-dire les fractions (quotient). On voit souvent la forme « p/q » pour désigner une fraction quelconque où p et q sont des nombres entiers.

En minuscule, q est le symbole de l’unité de mesure du quintal valant cent kilogrammes. Autrefois, au Québec, avant notre adhésion au système métrique, un quintal valait 112 livres, à peine plus de la moitié d’un quintal métrique (220,5 livres).

Aucun symbole d’élément chimique ne commence ni ne contient un q. Cette absence est unique dans le tableau périodique. Le becquerel, une unité de mesure de l’activité nucléaire du système international utilise le symbole Bq. Au Scrabble, la lettre Q vaut 8 points sur un maximum de 10.

Dans l’avenir, le mot commençant par un q qui changera nos vies à tout jamais, est qubit. Il est formé du mot bit que tout le monde connait et de la racine qu- pour quantique. Qubit est donc un bit quantique, l’unité de calcul avec laquelle fonctionnent les ordinateurs quantiques.

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La province de Québec tire son nom d’un mot algonquin signifiant « là où le fleuve se rétrécit ». Cet endroit correspond à l’actuelle ville du même nom, capitale de la province. La façon d’écrire ce mot amérindien a beaucoup changé avant de se stabiliser. Qvebecq, Quebeck, Kebbek et Kébec ont tous été antérieurement utilisés.

Aujourd’hui, au Québec, « tout commence par un Q et finit par un bec », dixit l’indépendantiste Pierre Bourgault dans les paroles de la chanson « Entre deux joints » de Robert Charlebois. Si le Québec parvenait à son indépendance, il serait le deuxième pays dont le nom commence par un Q, l’autre étant le Qatar.

Dans le langage de l’OTAN utilisé en aviation et à bien d’autres endroits, la lettre Q est justement représentée par le mot Québec habituellement prononcé à l’anglaise [kw].

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On définit souvent les Québécois comme des gens imaginatifs, artistiques et complexés. Évidemment, cette courte description ne peut qu’être réductionniste, mais elle me parait dans l’ensemble plutôt juste. Nous craignons le jugement des autres peuples. La critique nous atteint facilement et profondément.

La nation évolue à grande vitesse depuis les années 1960, depuis notre révolution tranquille, et elle ne cesse de se transformer. Un grand défi est de conserver notre côté « tissé serré » tout en accueillant généreusement les gens provenant de l’immigration. Étant noyés dans une mer d’anglophones partout autour de nous, notre sensibilité face à notre culture nous rend naturellement craintifs. Et pourtant, nous sommes un peuple très pacifique et particulièrement fier de l’être. 

Évidemment, cet article ne prétend pas décrire le Québec et les Québécois en long et en large. Je tiens cependant à souligner qu’entre ces deux mots commençant par un q, nous préférons largement le premier au second. La qualité avant la quantité, cela aussi est une assez bonne façon de décrire la moyenne des Québécois.

Pour terminer cet article parlant de q, s’il parait vulgaire, sans lui, que serions-nous ? Certainement un k désespéré.

V comme dans vie

Dans ma série d’articles consacrée à un mot commençant par une lettre précise, voici le temps venu du V et d’un tout petit mot à l’utiliser en entame, le mot vie.

V, la vingt-deuxième lettre de notre alphabet possédait autrefois chez les Romains une étrange caractéristique, son symbole servait tout aussi bien à définir le V que le U. On le remarque sur certains frontons d’édifices où une expression latine a été gravée. Et comme si ce double emploi ne suffisait pas, il servait aussi à désigner le chiffre 5. Alors quand je dis que l’humain aime se compliquer l’existence, n’en doutez plus. Il a par ailleurs été doublé pour former la lettre double vé (W) qu’on appelle « double u » en anglais, relent de la période latine en manque cruel d’imagination pour créer de nouveaux symboles graphiques. Et comble de la confusion, le V grec se nomme « upsilon », en minuscule son symbole est un intermédiaire entre le u et le v (υ) et en majuscule il se dessine comme un i grec (Υ). Et après on s’étonne de la difficulté des élèves à l’école !

V est une consonne fricative, c’est-à-dire qu’elle est générée par la friction de l’air sans occlusion complète. On la désigne en alphabet international par le mot « Victor » et tout le monde sait faire le signe de la victoire en levant le majeur et l’index d’une main afin de produire un joli V.

Je n’aurais pas pu choisir un mot plus important que « vie » pour faire honneur à la lettre V. Dans mon Robert, sa première définition est la suivante : « Fait de vivre, propriété essentielle des êtres organisés qui évoluent de la naissance à la mort en remplissant des fonctions qui leur sont communes ». Je vous l’accorde, c’est loin de constituer une description poétique de la vie !

On parle toujours de la vie avec émotions, car elle s’oppose à la mort, à la fin. La vie, c’est le mouvement, le changement, l’évolution. Parce que la vie est fragile, elle est précieuse. Et parce qu’elle se bat, elle nous donne du courage.

La vie reste le plus grand mystère de tous les temps. Savoir comment nait la vie de la matière inerte représente toujours l’énigme fondamentale que nous propose notre Univers. La Terre a connu la vie bien plus tôt dans sa jeunesse que nous l’imaginions. Des stromatolites de 3,5 milliards d’années ont été identifiés en Australie. Ce sont des roches issues d’un métabolisme biologique.

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Même la frontière entre l’inerte et le vivant reste floue. Nous peinons à classer les virus dans l’une ou l’autre de ces catégories. Ces intermédiaires représentent donc la clé du passage du non-vivant au vivant. Ainsi, à votre prochain épisode de grippe qui ne devrait plus tarder (on ne refait pas un Corbot) remerciez ces microscopiques quasi-bestioles de vous avoir engendré. Ça ne cassera pas votre grippe plus rapidement, mais elle vous semblera peut-être moins antipathique une fois observée sous cet angle.

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On ne peut dissocier la beauté de la vie. Elles sont si liées qu’elles pourraient quasiment être considérées comme des synonymes. Si donner la vie représente une caractéristique commune propre à tout être vivant, en revanche, donner sa vie, l’ultime sacrifice, reste un acte rarissime d’une noblesse qui frôle un palier supérieur à celui de la vie elle-même.

Contrairement aux objets inertes, la vie est l’élément le moins rare et pourtant le plus précieux. Chaque vie est inestimable et mérite tous nos efforts pour la préserver, la nôtre, mais tout autant celle des autres espèces animales, végétales et microbiennes. La vie n’a pas de prix et la sixième grande extinction amorcée par l’humain lui coûtera très cher. Elle risque même de mettre sa propre vie en péril. Lorsque la vie se meurt, l’Univers perd des milliards d’années de travail.

L’humain se comporte avec les autres êtres vivants comme s’ils n’étaient que des objets inertes. Cette attitude de supériorité, de despotisme finira en prise de conscience planétaire, sinon homo sapiens disparaitra. Il rejoindra les milliards d’autres formes de vie ayant déjà vécu et disparu avant lui. La vie pourra alors reprendre le cours de son évolution normale, car…

… c’est la vie !