Descendre dans les rues, taper sur des casseroles, déchirer en public sa camisole, manifester collectivement son ras-le-bol, ces gestes citoyens extraélectoraux sont-ils antidémocratiques ?
On pourrait le croire, car dans un pays aux mœurs démocratiques, les élections font apparemment foi de tout. Chaque citoyen est égal devant l’urne et la majorité gagne le droit de procéder à des changements par le truchement des représentants ayant déclaré leurs intentions. Toutefois, ce beau principe théorique est vite mis à mal par toutes sortes d’astuces permettant de gagner sans l’avoir mérité.
Les discoureurs ne révèlent plus grand-chose de leurs véritables intentions, préférant dénigrer leurs adversaires plutôt que de parler de leurs projets. Ils tendent des pièges, ils mentent, ils trichent en soudoyant des personnes influentes, ils reçoivent de l’argent par des entreprises et organismes afin d’acheter une machine électorale puissante. En retour, ils voteront des lois en leur faveur, ou ne voteront aucune loi afin que ces organismes puissent continuer d’abuser de tout. Et c’est sans oublier l’ultime tricherie, le paquetage des urnes, leur substitution ou leur destruction selon les possibilités du moment.
La démocratie fonctionne lorsque personne ne triche et tout le monde se rend aux urnes, deux utopies qui ne sont pas prêtes de disparaitre. C’est pourquoi, même dans des pays dits démocratiques, les élections ne sont pas la solution ultime pour un peuple bafoué par les magouilles de tous genres. Même dans des circonstances difficiles, une bonne machine électorale parvient à faire réélire ses candidats en renversant le vote de très peu d’individus. En s’attardant prioritairement à modifier les intentions de vote d’environ 5 pour cent de la population, pas beaucoup plus, un parti politique parviendra à gagner des élections perdues d’avance.
Il reste donc la mobilisation citoyenne comme outil démocratique. Mais encore de cette façon, tricher reste l’outil utilisé par les lâches qui sont nombreux et notoires. Répression, infiltration d’agents de renseignement et de déstabilisation, corruption, menaces, tous les moyens sont utilisés pour éteindre les brasiers de la résistance et du changement au profit d’un pouvoir omniprésent et corrompu.
J’ai donc répondu à au moins un volet de la question en titre de cet article. La mobilisation citoyenne n’est pas antidémocratique même si elle n’est pas régie par des règles électorales. De toute façon, les tricheurs se foutent éperdument des règles électorales et seuls les naïfs les respecteront et, évidemment, perdront.
Les gagnants ne sont pas toujours des tricheurs invétérés, surtout lorsqu’ils gagnent parce que leurs adversaires ont poussé la note trop haut et se sont étouffés eux-mêmes avec leur salive mêlée de fiel. Certains ont gagné parce que leur avantage était tout simplement d’être inconnus. Certains gagnent par chance, d’autres en portant un patronyme populaire et d’autres en restant eux-mêmes et sincères. Ça arrive aussi, parfois.
Si la mobilisation citoyenne n’est pas nécessairement antidémocratique, elle n’est pas exempte de toute critique non plus, car elle reste un outil permettant de gagner sans voter, donc sans compter le nombre de gens en faveur d’un tel sujet par rapport au total. On est donc en présence d’un outil potentiellement puissant pour faire plier des gouvernements élus. Oui, il existe aussi un côté sombre à cette méthode d’influencer le cours des événements, comme pour tout le reste.
Rien n’est jamais tout blanc ou tout noir (Les pixels du bien et du mal) et rien ne s’avère plus facile que de basculer d’un côté sain à un autre plus sombre en se cachant la vérité, juste un peu à la fois, jusqu’à ce que le rideau devienne entièrement opaque. L’expression « le pouvoir corrompt » résume assez bien ce principe que j’intitule personnellement « La question du cornichon ».
Si vous me demandez de déterminer à partir de quel point un concombre est devenu un cornichon, la réponse semble impossible à savoir, pourtant, elle est d’une simplicité enfantine. Un concombre devient un cornichon à partir du moment où il est plongé dans le vinaigre. Une cellule à la fois, la transformation débute à l’instant zéro et se poursuivra aussi longtemps que subsistera du vinaigre.
Le pouvoir politique, c’est le vinaigre. Je vous laisse deviner qui sont les cornichons.