Je suis

vers-fin-des-grands-arbres.jpg

Je suis le vent glacé automnal, le ciel ombrageux, les feuilles tombées

Je suis l’étranger indésirable, l’inverse de l’an droit, l’épine dans la chair

Je suis l’oiseau rabattu, le corbeau aux ailes d’Échyrée, la menace tue

Je suis l’arbre sauvage épargné des haches et du feu, fier, risible, esseulé

Je suis le mascaret remontant le fleuve des préjugés, le ras-le-bol-de-marée

Je suis l’ile aux falaises tranchantes, inabordable, peuplée d’oiseaux exotiques

Je suis le pieu du prétentieux, le dénonciateur du menteur, l’ail du vampire

Je suis la pluie sournoise, le verglas briseur, la pesanteur indésirable

Je suis l’épopée oubliée, le héros méconnu, la quête avortée

Je suis l’enfer inondé, le ciel silencieux, la terre en jachère

Je suis l’innommable, l’inqualifiable, l’épouvantail

Je suis la marmite débordante, la rébellion sous couvert, l’incompréhensible

Je suis la défervescence, l’extincteur des idioties, le réaliste indésirable

Je suis les nuées noires, le symbole de la furie, le silence annonciateur

Je suis l’univers atomisé, l’immensité ratatinée, le peu anéanti

Je suis mon indomptable roi, mon irréprochable loi, ma juste foi

Je suis moi… qui suis-je

Respecter le pessimisme

Cet article se veut un plaidoyer en faveur du pessimisme, mais oserez-vous lire cet article? Votre jovialité légendaire vous l’interdit, c’est ça? Vous aimez lire des tas de slogans «hop-la-vie» pour vous aider à garder le sourire? Vous regardez des vidéos de chats tous les jours? Votre tableau Pinterest est rempli de jolis paysages et de photos de chats? Ouais, pour un oiseau comme moi, les chats, je les préfère dans la sauce aux prunes chez le Chinois. Vous traquez peut-être les pessimistes pour vous imaginer dépourvus de cette tendance.

Petit incitatif pour les optimistes audacieux, si vous persévérez dans votre lecture, vous verrez une belle photo de chaton à la fin de l’article.

cropped-rcs2_03727-132623-hst-1280x865.jpg

Mais si la vie est vraiment noire, ce que vous appelez un pessimiste n’est qu’un réaliste. Et si l’optimiste reste optimiste, en fait il joue à l’autruche.

On oublie souvent de décrire la réalité d’une situation avant de prétendre que le pessimisme est une mauvaise chose. On tient pour acquis que nous devrions tous rester optimistes en tout temps et en tout lieu.

Mais est-ce vrai? Lorsqu’on ne cesse de lire et de voir des horreurs, rester optimiste ne relève-t-il pas d’une pathologie qui consiste à vouloir à tout prix garder des lunettes roses dans la face? Faire semblant que tout est beau alors que c’est totalement faux n’est pas une qualité, en tout cas pas pour moi. C’est la pilule bleue de Neo dans la Matrice.

Vide_nrj

L’optimiste encroûté ne changera jamais rien au monde qui l’entoure puisqu’il fuit la réalité à tout prix. Ce sont les pessimistes qui changent le monde, car ils sont rendus à un point où ils sont incapables de l’endurer tel qu’il est.

Le pessimiste n’ira pas se pendre au grand hunier. Cessez d’avoir peur du pessimiste capable de regarder la vérité en face. Si rien n’est fait, la situation restera telle qu’elle est, c’est-à-dire noire. Et c’est le pessimiste qui a raison. Le pessimisme est un mécanisme permettant à l’humain de faire sauter le bouchon afin que les choses changent et progressent.

Ici, j’apporte une nuance essentielle. Les gens confondent régulièrement le pessimisme avec le fatalisme, alors que ces deux termes sont totalement différents. Le fatalisme se retrouve autant chez l’optimiste que chez le pessimiste. Le fataliste se contentera de la situation actuelle. Il n’agira jamais, prétendant que rien ne peut changer. L’optimisme est souvent du fatalisme en version 2.0. Se farcir sempiternellement la tronche de vidéos de chatons et de slogans trempés dans le chocolat pour être en mesure d’endurer la vie sans rien faire pour la changer, c’est ça du vrai fatalisme. Oui, être fataliste, c’est aussi fuir la réalité en grimpant sur le dos de l’optimisme.

LunettesMulticolores.png

Fuir la réalité est parfois une bonne chose, je le reconnais. Mais si on fait l’éloge de la fuite, le pessimisme devait alors être encensé. Il faut être courageux pour regarder les choses qui sont réellement noires en évitant de se plaquer des lunettes aux lentilles multicolores pour se faire croire que la situation est irisée de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.

Couleurs-sur-noir

Les seules vraies couleurs ne proviennent pas du type de lunettes que nous portons, mais de celles que nous peignons. C’est la seule façon de changer le noir véritablement et durablement. Faut-il, par contre, être en mesure de voir le fond noir de la toile. Avec des lunettes multicolores sur le nez, le besoin de peindre la toile noire s’affaiblit, se dégrade puis disparait. Et le noir, vainqueur, poursuit son règne, étend son hégémonie à tout ce qui l’entoure en distribuant des lunettes multicolores sous forme de slogans sirupeux et de chats qui ne sont pas en train de manger des oiseaux.

3image-chat02

L’optimisme, qualité par excellence, est bien souvent un défaut. Et le pessimisme qui est toujours considéré comme un défaut est bien souvent une qualité. Tout dépend de la façon que nous avons de mettre de la couleur dans nos vies.

Lunettes multicolores : magiclight.net ;
Peinture abstraite : amesauvage.com ;
Chaton réaliste : koreus.com ;