Le paradoxe de la connaissance

La connaissance possède une particularité à la source d’un étrange paradoxe. Plus on accumule des connaissances, moins on semble en connaitre.

C’est pourquoi les gens bornés pensent avoir réponse à tout, car ils ne connaissent rien. Et c’est pourquoi les érudits ont tant de peine à donner une réponse à un problème, car ils voient trop de facettes, trop de paramètres absents de la question qui les empêchent de simplifier la chose. Ils savent pertinemment qu’il existe une multitude de bonnes réponses lorsque plusieurs paramètres sont tus. Choisir ceux qu’ils ne tiendront pas en compte les indispose au plus haut point. Ainsi, ils préfèrent répondre sur plusieurs fronts, laissant croire qu’ils se contredisent, qu’ils ne maitrisent pas leur sujet.

Pourtant, la vérité est exactement l’inverse. Celui trop sûr de lui ne connait probablement que l’abc de son sujet tandis que le savant n’ignore pas que tout est complexité et nuances.

Une erreur d’interprétation guette toute personne ignorant ce processus et cherchant conseils. Elle aura sitôt fait confiance au charlatan assuré et rassurant et elle se méfiera comme de la peste de celui qui est hésitant et qui parle de manière difficilement compréhensible.

Le paradoxe de la connaissance s’amplifie davantage lorsqu’on grimpe d’un niveau. Admettons que vous comprenez bien le processus que je viens de vous décrire et que vous décidiez de vous appuyer sur l’érudit indécis, une décision qui vous semble plus sensée que de vous fier à l’amateur ignare. Vous devez toutefois cesser de tenir compte du charisme des gens, souvent abondant chez les amateurs et désertique chez les pros.

Eh bien si vous allez dans cette direction, dites-vous que vous risquez de commettre une grossière bourde, car les meilleurs leaders, ceux qui parviennent à nous faire avancer plus vite et plus loin que les autres sont rarement les petits génies capables de jongler avec une multitude de paramètres, mais plutôt les amateurs forts en gueule et orientés dans une seule direction.

Tous les chemins de la connaissance s’avèrent complexes, ardus, ramifiés, tordus. Il n’existe plus aucun domaine où l’on pense tout connaitre. Toutes les disciplines se sont complexifiées au-delà de la capacité de maitrise d’un seul individu. Ainsi, aucun spécialiste, aucun expert, aucune sommité n’est un oracle en son domaine. Au mieux, il en connait plus que les autres, mais lui-même n’ignore pas que tant de choses lui restent obscures et non maitrisées!

Le spécialiste préférera se taire en laissant les moins bien informés parler à sa place. L’expert détestera vulgariser, car il comprendra qu’il s’approche du mensonge s’il pousse un peu trop loin la simplification de ses explications. La sommité ne se considére pas au-dessus des autres, ce sont les autres qui l’affublent de ce titre. Lui, préfère échanger avec ses pairs, car il les voit ainsi, sachant pertinemment que la bonne idée fleurira de manière impromptue, d’un collègue pas si réputé, d’une situation n’ayant parfois rien à voir avec les problèmes à résoudre.

La connaissance est un fardeau que peu de gens savent et peuvent porter. Pour les autres, elle devient un fléau capable de les noyer, de les brûler, de les anéantir, tellement elle exige d’eux. Et enfin pour ceux de qui elle est absente, ils ne s’en portent pas si mal, puisqu’ils sont incapables de juger sagement leurs actes. S’ils ont l’humilité, ils peuvent devenir d’excellents politiciens. Dans le cas contraire, si leur ego est surdimensionné, ils deviendront probablement des dictateurs fous.

Connaitre n’est pas source assurée de bonheur ni de malheur, mais je connais plus d’érudits malheureux et plus d’ignares joyeux que l’inverse.

«Oui, docteur, je n’ai pas oublié ma lobotomie jeudi prochain. J’y serai, sans fautes !»

Apollo 20, une leçon à tirer

Officiellement, le programme spatial américain Apollo s’est terminé en 1972 par le décollage d’une fusée Saturn V et le retour de la Lune de la cabine Apollo 17. Toutefois en avril 2007, une série de vidéos apparait sur le web laissant croire qu’il y aurait eu une mission Apollo 20 envoyée sur la face cachée de la Lune.

Le fait qu’à la fin officielle du programme Apollo il soit resté plusieurs étages fonctionnels de fusées Saturn V pourrait laisser croire à cette possibilité. L’équipage de la prétendue mission était composé de deux astronautes américains, une femme et un homme répondant aux noms de Snyder et Rutledge, ainsi que d’un cosmonaute russe du nom de Leonov.

Le nodule lunaire aurait atterri près d’un vaisseau spatial aperçu lors d’une mission précédente et les astronautes auraient ramené le corps momifié ou en hibernation d’une extraterrestre aux traits humanoïdes. Les vidéos sont plutôt bien conçues, montrant l’intérieur réaliste de la capsule spatiale ainsi que la figure et le corps de l’extraterrestre.

Apollo20-ET

On peut même trouver l’insigne de la mission (photo entête).

Le sculpteur et vidéaste français Thierry Speth a reconnu être à l’origine du canular le 9 juillet 2007, soit seulement trois mois après la sortie des vidéos. Mais encore aujourd’hui, les vidéos continuent d’être régulièrement consultées malgré les démystifications prouvant hors de tout doute que les vidéos provenant de la NASA aient été tournées durant des missions Apollo antérieures et rendues publiques bien avant 1976. Quant à la fusée Saturn V qui aurait été utilisée, elle l’a plutôt été pour lancer Skylab. Les autres sont exposées dans divers musées.

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Je trouve cette histoire plutôt comique. D’un côté, il existe une série d’individus prétendant haut et fort que nous n’avons jamais mis les pieds sur la Lune et de l’autre on trouve une mission Apollo supplémentaire faisant grimper le total à sept alunissages.

ASinside

Plus de onze ans après la divulgation du canular, il continue de faire des adeptes et des victimes. Y croire peut paraitre sans grandes conséquences puisque aucun individu hameçonné ne verra son existence chamboulée par ce faux récit. Pourtant, créer ce genre d’histoire irréelle ne serait pas un geste tout à fait anodin.

Si vous avez lu mon blogue d’hier traitant du mensonge institutionnalisé, vous comprenez que cet acte banalisé s’avère bien plus pernicieux qu’il n’ose paraitre. En tant que citoyen, notre devoir est de bien s’informer et alors de dénoncer et autrement combattre les fausses nouvelles institutionnelles.

Mais si, en tant que citoyens, nous nous auto-empoisonnons en inventant n’importe quelle histoire, nous devenons les complices des leaders menteurs cherchant à tout prix à nous faire avaler leurs prochains gazouillis.

Nous devrions partager une même idéologie lorsqu’il est question de créer ou de partager de l’information, celle d’adopter une attitude irréprochable et de s’assurer que nos informations demeurent impeccables. Personne n’aime se faire berner. Nous méritons tous d’obtenir l’information la plus juste et la plus précise possible. Efforçons-nous donc de produire ou de relayer une information de qualité, une information comme nous aimons l’obtenir.

Et cessez de croire que seulement relayer des informations de sources étrangères vous déresponsabilise de leurs exactitudes. En jouant à la courroie d’engrenage, en devenant un diffuseur, vous encouragez autant les auteurs sérieux que les menteurs.

Si une information vous semble douteuse, pourquoi ne pas simplement l’oublier ? Aujourd’hui, vous trouverez de multiples références pour une seule fausse rumeur et vous en deviendrez une de plus. Recouper l’information n’est plus une technique suffisante pour garantir sa véracité. Il faut en faire bien plus si vous voulez faire un travail sérieux, mais surtout utile pour vos concitoyens.

Programmer des voyages dans le temps

En deux articles, j’aborderai une fois de plus ce sujet, mais cette fois du point de vue de voyages qu’on pourrait programmer dans une machine à remonter le temps. Ce premier article abordera deux concepts fondamentaux qu’il faut absolument connaitre pour programmer adéquatement ce type de machine.

Je regarde actuellement des épisodes de la série télévisée Dark produite en Allemagne par Netflix. L’intrigue est basée sur les voyages temporaux et plus spécifiquement sur le temps cyclique. Comme je l’écrivais dans un article précédent, l’industrie du cinéma et des séries télé adore apprêter ce sujet à toutes les sauces. Les producteurs ne craignent pas les paradoxes et certains d’entre eux auraient dû s’en méfier, car les aberrations de scénarios inondent quelques fois les spectateurs d’inepties carabinées ininterrompues. Mais bon, faut croire qu’au nom du divertissement, on puisse oublier tout sens commun. La série Dark, faut-il le souligner, n’est pas désagréable. Le dédoublement des personnages est pleinement assumé, mais ils ont oublié, comme la plupart des autres scénarios sur le sujet, un élément fondamental et essentiel lié aux voyages temporaux.

Depuis Einstein, nous savons que l’espace et le temps sont intimement liés dans une construction indissociable. Si nous partons du principe que les voyages dans le passé sont possibles, il est plutôt aisé de calculer le nombre d’années, de jours, d’heures et de minutes d’un voyage dans le passé et de donner à la machine cette quantité de temps à rebours. La difficulté ne réside pas dans ce calcul, le problème est que cette donnée est insuffisante pour réussir un voyage temporel puisque Einstein l’a bien compris, le temps et l’espace forment une seule et même entité indissociable appelée espace-temps.

Donc, pour les voyages temporels programmés, les coordonnées d’espace sont des données aussi essentielles que celle de la valeur du temps à rebours. Il faut nourrir notre machine avec deux séries de données complètes. Celle du moment et du lieu de départ et aussi celle du moment et du lieu d’arrivée. Cette exigence est tout aussi valable même si les lieux de départ et d’arrivée sont identiques pour les deux dates. L’espace-temps ne constitue qu’une seule et même donnée composite constituée de trois valeurs spatiales et une de temps. Et il en faut deux de ces données composites pour programmer un voyage spatiotemporel. Un voyage seulement temporel, ça n’existe pas.

Voyons maintenant le second concept essentiel, celui de valeur de référence. Une valeur de référence est une donnée statique permettant de donner un point de comparaison commun à un groupe de données variables. L’exemple le plus simple est celui d’un individu se rendant chaque jour sur les lieux d’attraits touristiques différents à partir de sa chambre d’hôtel. Son emploi du temps dessiné sur une carte ressemble à des rayons émanant d’un seul et même lieu, son hôtel.

Mais si on élimine ce point de référence, le lieu de départ quotidien, il ne reste sur la carte que des points n’ayant aucune relation entre eux et la carte ne nous renseigne pas sur les itinéraires à parcourir. Programmer le lieu de départ est donc essentiel, car il constitue le point de référence commun à chaque itinéraire quotidien.

Dans un même souffle, on doit inscrire une date et une heure de départ et d’arrivée pour chaque rayon dessiné sur la carte afin d’avoir le portrait complet du programme spatiotemporel du voyageur.

Voilà pour les deux concepts fondamentaux qu’il faut absolument comprendre avant d’aborder la programmation de voyages spatiotemporels.

Dans le prochain article, j’aborderai la question de la différence importante existant entre les données de nature temporelle et celles de nature spatiale dans le but de programmer une machine à voyager dans l’espace-temps.