Nous devons craindre ce genre d’affirmation qui, bien souvent, si elle se réalisait, nous placerait devant des situations intenables. Vouloir se passer de quelque chose ou de quelqu’un n’apparait pas comme un désir raisonnable lorsqu’on regarde ses conséquences au-delà d’un apparent et éphémère bénéfice.
L’exemple le plus évident nous vient probablement de la météo. Lorsqu’il pleut plusieurs jours d’affilée, ça peut paraitre très déprimant, mais s’il ne pleuvait plus, imaginez le malheur. Vouloir se passer de la pluie consiste à vivre sur une planète stérile et inhabitable.
Les moustiques font également partie des mal-aimés de ce monde. Pourtant, sans ces satanées bestioles au bas de la pyramide alimentaire, oubliez tout le reste plus gros qu’une mouche. Dans cette chronique je m’efforcerai donc d’éviter de chercher à me passer de certains trucs qui, s’ils disparaissaient réellement, me causeraient les pires difficultés et par ricochet, à vous aussi.
Alors je commence en affirmant que je pourrais bien me passer… des boissons gazeuses sucrées ou édulcorées. Les unes et les autres n’ont aucun avantage, pas même celui de désaltérer. Quant aux ravages sur la santé qu’elles provoquent, ai-je besoin de vous les rappeler ? Je n’en bois pas une seule goutte, diraient ceux qui me connaissent. Exactement, vous qui en consommez, vous vous sentiriez bien mieux si vous vous en absteniez, occasionnant du même coup une amélioration significative dans nos relations. Oui, sachez qu’il faut savoir analyser plus loin que le seul premier degré.
Quoi d’autre ? Hum ! Je pourrais bien me passer… des saveurs artificielles. Ce n’est pas comme si nous habitions un vaisseau spatial en route vers une planète hypothétique et que nous devions nous aménager de la variété qui n’existe pas à bord. Sur terre, nous possédons tous les produits imaginables pour pouvoir en extraire leurs saveurs naturelles. Et en plus, ces pâles imitations des saveurs originales goûtent généralement la chose qu’il s’avère impoli d’écrire. Quant à leur toxicité possible, on en apprend chaque jour davantage sur le sujet. Je lève mon chapeau aux chimistes pour leurs exploits, mais ils ont également inventé la mort-aux-rats. Ils semblent bien meilleurs à inventer des poisons que l’inverse. Normal, tout ce qui nous est réellement bon et utile, la nature l’a déjà inventé.
Je pourrais bien me passer… d’une bonne partie du suremballage. Emballer des produits, assembler des produits emballés, assembler des assemblages de produits emballés, assembler des assemblages d’assemblages de produits emballés, vous voyez le topo. Déjà, je trouve aberrant de tout emballer en format individuel. Jus, fromages, gâteaux, croustilles, yogourts, noix, lasagnes, pâtés, etc. Oui, préparer mon lunch en piochant dans de gros emballages m’oblige à y consacrer un tout petit peu plus de temps que si je ramassais juste des contenants individuels, mais ce petit sacrifice en vaut vraiment la peine.
Celle-là, je vais gagner votre assentiment. Dans le cas contraire, vous êtes un des leurs. Je me passerais bien… des missionnaires à ma porte le samedi matin. Je ne veux pas dresser une liste des pires casse-pieds de la planète, mais je considère tout type de missionnariat comme une grave atteinte à la sérénité et à la liberté des gens. Vous, adeptes des habits et cravates noires, du porte-document mince, des robes grises au mollet, de la coupe de cheveux des années 1960, croyez en ce que vous voulez, mais croyez-y derrière votre propre porte de logement, pas devant la mienne. Ça me fait penser à cet idiot de John Chau en 2018 qui voulait évangéliser les Sentinelles de l’ile de North et qui est mort de plusieurs flèches dans le dos. Difficile de ne pas rire du crétinisme de l’individu. Tiens, ça me donne l’idée d’organiser un beau voyage exotique pour tous les missionnaires du samedi ! Devinez où je les amènerais pour leur première escale. Dommage, cette solution s’avère trop onéreuse pour mes faibles moyens,
Je me passerais bien…, ah ! Contrairement à la précédente, celle-là, vous ne l’aimerez probablement pas. Je me passerais volontiers d’une bonne partie des êtres humains. Dire que notre nombre sur la planète a dépassé un seuil critique est un euphémisme. De toute façon, même si nos effectifs étaient coupés par dix, il me resterait encore bien suffisamment de lecteurs potentiels. On voit bien que ce ne serait pas si grave, après tout. Les méga industries écoperaient le plus de cette diminution subite puisqu’elles comptent sur une croissance ininterrompue de leurs revenus pour éponger leurs faramineuses dettes acquise en avalant leurs concurrents. Bien peu d’entre elles, sinon aucune, ne survivraient à une diminution drastique de la population mondiale.
Tiens ! Voilà un avantage collatéral des plus intéressants. D’ailleurs, ces entreprises se spécialisent souvent dans les boissons gazeuses et autres produits vides et hyper transformés, elles utilisent des produits chimiques artificiels en quantités faramineuses et elles font du suremballage de leurs produits à outrance. Si 90 % des humains disparaissent subitement, ces monstrueuses créatures inhumaines créées par les gens en mal de pouvoir s’évaporeraient comme glace au soleil d’été. On peut presque dire qu’il existe de l’espoir !
Malheureusement, même si notre population se divisait par dix, il resterait encore quelques missionnaires parmi les survivants de l’hécatombe. Cependant, du même coup, il deviendrait bien plus facile d’organiser un voyage dans cette fameuse ile où ils seraient accueillis par les joyeux cupidons portant la couche et munis de leurs arcs. Bon, je sais que ce sont des pagnes, mais ça y ressemble. Ce peuple dit primitif aura certainement su rester bien vivant malgré les causes de l’effondrement des autres humains. Je les soupçonne de bien mieux savoir affronter l’adversité et les difficultés que nous, les technophiles.
Ainsi, les missionnaires auraient véritablement une mission de taille à accomplir une fois sur les lieux, celle de survivre. Mon espoir se ravive puisqu’une solution existe pour ne plus entendre parler d’eux et surtout pour ne plus les entendre parler tout court. Ouais, ces moulins à bonne parole découvriraient assez rapidement qu’au fond, nous étions pas mal tolérants à leur égard, et malgré leur ténacité légendaire, ils comprendraient enfin que se taire… c’est une vraie bénédiction !
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