« J’ai débunké un slide du speaker venu faire un speech sur le redshift ».
Et à ce qui parait, on parle encore français !
« J’ai déboulonné une diapo du conférencier venu parler du décalage vers le rouge. »
Oreste
Bien entendu, j’ai mis dans la même phrase plusieurs termes anglais entendus dans des conférences scientifiques sur YouTube. On peut facilement comprendre qu’avec l’hégémonie de l’anglais, celui-ci s’immisce partout.
En revanche, il est désolant de voir comment nous le laissons faire sans réagir. Nous acceptons et utilisons les termes anglais alors que nous avons l’équivalent français. Pour faire comme tout le monde, on préfère utiliser débunker plutôt que déboulonner, slide plutôt que diapo et redshift au lieu de décalage vers le rouge.
Adopter un mot anglais n’est pas un problème si le français n’a aucun terme équivalent. Mais choisir volontairement d’ignorer une expression française qui existe, c’est mépriser sa propre langue.
De plus, on ne francise plus les termes. Par exemple, bien des gens préfèrent utiliser la graphie « bug » plutôt que « bogue ». En français, le u dans « bug » devrait se prononcer comme dans « but » et pas comme un o comme dans « bogue ».
Lorsque nous parlons, lorsque nous écrivons, forçons-nous un peu. Choisissons de le faire en utilisant des termes en français. Respectons notre langue, ses mots, ses termes et ses règles de prononciation.
Un mot français à la fois, nous préserverons notre langue, car un mot anglais à la fois, nous la perdrons à coup sûr.
J’ai précédemment écrit quatre articles dans lesquels je donne l’étymologie de cinq mots commençant par A à E puis de F à J, ensuite de K à O et enfin de P à T. Vous pouvez également retrouver tous ces articles en cliquant le lien suivant : Thème « Culture – Le français »
Je termine maintenant cette liste en vous proposant six derniers mots communs dont chacun commence par l’une des six lettres U à Z.
Solitude
La fin de l’alphabet ne donne accès qu’à peu de mots, mais j’ai quand même pu y dénicher quelques étrangetés étymologiques.
Lorsque j’écris la définition moderne d’un mot, j’utilise celle communément comprise aujourd’hui, la plus courante, peu importe les autres formes ou sens possibles pour un même mot. Je ne prétends pas qu’il n’existe que cette seule définition toujours en usage.
Voici donc ces six derniers mots accompagnés de quelques remarques personnelles.
U : unir (verbe transitif)
Définition moderne : Mettre ensemble de manière à former un tout, une réunion perçue comme une. Ajouter une chose à un tout, joindre à.
Étymologie : Vers 1165 ; du verbe latin unire, de unus « un » ; « unir un conte » « réunir les éléments d’un récit ».
Commentaire : Il n’était pas très difficile de déduire la racine latine unus pour « un ». Cependant, l’utilisation première très limitative de « unir », celle de la réunion d’éléments pour la composition d’un conte, d’un récit, m’a quelque peu étonné.
V : vaste (adjectif)
Définition moderne : Très grand, immense, spacieux, dont la portée ou l’action est très étendue.
Étymologie : 1088, wast, guast du latin vastus « vide, désert, abandonné » ; 1495 « dévasté, inculte ».
Commentaire : On note une déviation du sens initial qui ne concerne pas la « vastitude » d’un endroit, mais plutôt sa désolation, son aspect déserté ou désertique, infertile. Devenu maintenant synonyme d’immense, une immensité dimensionnelle, l’apparence absolue d’un lieu désert, vide et triste a été évacué de son sens actuel.
W : wallon – wallonne (nom et adjectif)
Définition moderne : Belge de la Belgique du sud, de langue et de civilisation romanes. Dialecte parlé par les Wallons.
Étymologie : XVIe, wallin. Du latin médiéval wallo, wallonis, du francique et du germanique walha « les Romains, les peuples romanisés ».
Commentaire : Noter que la lettre « W » n’existe pas en latin antique. La généralité signifiant « (tous) les peuples romains (romanisés) » est devenue régionale et limitée à la Wallonie actuelle. Un parallèle peut être fait avec les Américains, actuellement considérés comme étant les habitants des États-Unis d’Amérique, alors que tout habitant des deux Amériques est de fait un Américain.
X : xérus (nom masculin)
Définition moderne : Petit rongeur d’Afrique et d’Asie (Scuridés) proche de l’écureuil, aux poils durs et épineux, communément appelé « rat palmiste ».
Étymologie : 1893 ; du latin xerus, grec xêros « sec », à cause de la rigidité des mamelles pectorales.
Commentaire : Les zoologistes ont toujours eu beaucoup d’imagination pour nommer des animaux à partir d’une de ses particularités physiologiques, de son comportement ou de son habitat. Ici, ils se sont uniquement concentrés sur l’apparence de ses mamelles, mais c’est compréhensible puisque le reste de son corps ressemble énormément à celui des autres écureuils.
Y : ysopet (nom masculin)
Définition moderne : Au moyen âge, « recueil de fables ».
Étymologie : XIIe siècle, du latin Aesopus « Ésope ».
Commentaire : La graphie « isopet » existe aussi. Ésope est un écrivain grec du VIIe siècle avant notre ère. On lui attribue la paternité de la fable, raison pour laquelle le mot ysopet a été inventé.
Z : zigzag (nom masculin)
Définition moderne : Ligne brisée formant des angles alternativement saillants et rentrants. Mouvement qui suit une ligne sinueuse, irrégulière.
Étymologie : 1662, zigzac. Assemblage articulé de pièces en losange pouvant s’allonger et se replier à volonté.
Commentaire : Comme le montre l’image précédente, un zigzag était une sorte de pièce articulée se déployant en accordéon. Ce pouvait être une pince ou un support extensible. On le retrouve aujourd’hui dans les plateformes élévatrices modernes. Étrangement, je ne trouve presque aucune trace de ce mot dans les publicités modernes pour décrire ce mécanisme alors que la définition existe bel et bien dans les dictionnaires et lexiques actuels. Aujourd’hui, le zigzag se rapporte presque exclusivement à un tracé simple comme le louvoyage.
Pour conclure :
Pour composer un ysopet, un écrivain wallon a uni plusieurs observations d’un xérus alors qu’il parcourait en zigzag son vaste territoire.
J’espère que vous avez apprécié cette série de cinq articles consacrés à l’étymologie de vingt-six mots commençant chacun par une lettre différente de notre alphabet. N’hésitez-pas à laisser un commentaire.
Il existe trois précédents articles dans lesquels je donne l’étymologie de cinq mots commençant par A à E puis de F à J et ensuite de K à O. Je poursuis maintenant cette liste en vous proposant cinq autres mots communs dont chacun commence par l’une des cinq lettres P à T.
Aurora
Il est étonnant de se rendre compte que bien des mots très usités et parfaitement clairs ont des origines obscures ou étranges, des sens autrefois bien différents de ceux qui ornent maintenant nos phrases. Une langue vivante comme le français évolue se transforme, dévie et foisonne, multiplie les sens et les définitions alors que d’autres s’éteignent dans l’oubli le plus total.
Lorsque j’écris la définition moderne d’un mot, j’utilise celle communément comprise aujourd’hui, la plus courante, peu importe les autres formes ou sens possibles pour un même mot. Je ne prétends pas qu’il n’existe que cette seule définition toujours en usage.
Voici donc ces cinq prochains mots accompagnés de quelques remarques personnelles.
P : piaffer (verbe intransitif)
Définition moderne : Se dit d’un cheval qui, sans avancer, frappe la terre en levant et en abaissant alternativement chacun des pieds de devant (et de derrière). Frapper le sol des pieds de devant. Piétiner.
Étymologie : Ses origines sont incertaines, peut-être est-ce une onomatopée. Cependant son sens original n’a rien à voir avec un cheval. Au début du XIIe siècle, « piaffer » au participe passé était utilisé pour décrire une façon de parler. Ainsi, « des paroles piaffées » signifiait autrefois « faire de l’embarras » ou « se donner de grands airs », « fanfaronner ».
Commentaire : Ce sens originel a été perdu sinon il est devenu extrêmement rare. Aujourd’hui, le sens figuré issu du sens propre moderne prédomine. Les expressions consacrées « piaffer d’impatience » et « piaffer à la porte » imagent bien ces deux actions, l’une étant de « ne plus tenir en place », de «taper du pied » et l’autre de « cogner avec insistance et fougue ».
Noter que cette impatience maintenant devenue la marque indélébile du verbe « piaffer » dans son sens figuré n’est pas présente dans les gestes d’un cheval qui piaffe, qui effectue un piaffer, nom tiré du verbe. Le fait que ce mouvement soit saccadé a donné l’idée, l’impression, d’une impatience. Quant au sens initial, il ne montre pas vraiment d’impatience, on comprend plutôt « placer quelqu’un dans une position délicate ou confuse, » « le déconcerter » ou « faire l’important ».
Q : querelle (nom féminin)
Définition moderne : Contestation, différend dispute, opposition vive et passionnée pouvant entraîner un échange d’actes ou de paroles hostiles.
Étymologie : Au XIIe et XIIIe siècle, la querelle avait un sens bien plus concret. Il s’agissait d’un procès, d’une plainte en justice. Une querelle était une plainte auprès des autorités ou par extension, les intérêts de quelqu’un dans un litige. On utilisait « quereller », la forme non pronominale du verbe.
Commentaire : Dans le sens actuel, aujourd’hui, personne ne va au tribunal ou devant une autorité quelconque pour se « quereller », mais pour présenter ses arguments et ses évidences. La querelle précède la demande de trancher le litige par un tiers.
En amour, les querelles sont fréquentes lorsque des conflits éclatent dans un couple. Elles se résument la plupart du temps à des joutes verbales, un désaccord, une divergence, une dispute, une polémique, une controverse, une scène. Entre des enfants, la querelle prend souvent un tournant physiquement violent sous forme d’altercation, d’empoignade, de bagarre.
R : robinet (nom masculin)
Définition moderne : Appareil placé sur un tuyau de canalisation et que l’on peut ouvrir et fermer pour régler le passage d’un fluide. Une valve.
Étymologie : 1285, figure ornant un instrument à cordes. 1401, Robin, robinet, nom donné au moyen âge au mouton, les premiers robinets étant souvent ornés d’une tête de mouton. Ou était-ce la forme du robinet qui ressemblait à celle d’une tête de mouton ? Les sources ne sont pas très précises et sont discordantes à ce sujet.
Commentaire : Au sens figuré, un robinet représente ce qui retient ou laisse passer un flux quelconque. De l’argent, des paroles, des idées, des mots, « c’est un vrai robinet » pour parler d’un bavard.
Et bien sûr, le robinet d’un jeune garçon se situe entre ses deux jambes. Il est l’un parmi de nombreux mots utilisés pour désigner un jeune ou un petit pénis.
Il existe un joueur français de football américain qui se nomme « Robin Mouton ». En ancien français, il se nommerait « Mouton Mouton », rien pour effrayer l’adversaire !
S : sage (adjectif et nom masculin)
Définition moderne : D’une manière habituelle, qui fait preuve d’un jugement sûr, de bon sens, qui est avisé, sensé, prudent dans sa conduite.
Étymologie : Origines incertaines. 1050, savie. Peut-être du latin populaire sabius ou sapius (sapiens) qui désigne une personne intelligente et raisonnable. Il pourrait aussi provenir du latin sapidus signifiant « qui a du goût » « de bon goût ». Au XVIe siècle nait l’idée d’un mode de vie éloigné des divertissements vulgaires. Dans les premiers écrits, le mot sage définissait une personne savante, érudite, mais aussi une personne de bon conseil. À cette époque éloignée, la connaissance semblait faire de pair avec la sagesse.
Commentaire : Il existe d’autres sens populaires au mot sage. On n’a qu’à penser à « sois sage » lorsqu’on s’adresse à un enfant, être « sage comme une image ». On le veut calme, qu’il cesse de grouiller. Le nom « sage » est ensuite repris au XXe siècle pour désigner des conseillers expérimentés, souvent institutionnels, « comité des sages », « conseil des sages », etc.
T : tuer (verbe transitif)
Définition moderne : Faire mourir quelqu’un de mort violente. Causer volontairement la mort de quelqu’un d’une façon rapide et directe.
Étymologie : Étrangement, ce mot aujourd’hui d’une parfaite clarté a des origines incertaines et son sens a divergé. À partir de 1130 jusqu’au XVIIe siècle, il signifiait « éteindre », tirant peut-être cette définition du latin tutare « éteindre » comme dans tutare candelam « tuer la chandelle », l’éteindre. Dès 1150, le sens « abattre » est pourtant aussi présent. En ancien français. « tuer » signifie d’abord « frapper », « battre » « assommer », comme le latin tundo. À ce moment, la mort semblait donc absente des intentions, seulement une conséquence possible d’actes violents. Maintenant, tuer ne laisse aucun doute sur le résultat final attendu. La mort est toujours au rendez-vous.
Commentaire : Je me souviens étant jeune, « tuer le feu » était une expression courante pour éteindre le feu de camp avant d’aller dormir. À l’époque, je croyais simplement à une métaphore, je ne la reliais pas à cette antique définition. Le verbe « tuer » est amplement utilisé, tant dans son sens propre que dans son sens figuré. Je pense à « tuer le temps ». S’il existe quelque chose qu’on ne pourra jamais tuer, c’est bien le temps ! En revanche, lui, il tue facilement. D’ailleurs, il tuera tout le monde. Tuer le temps pour l’empêcher d’avoir une emprise sur soi, c’est patienter en s’occupant à faire autre chose. Mais on ne pourra jamais le tuer, ni l’assommer, ni l’éteindre.
Pour conclure :
Suis-je encore sage si je piaffe à l’idée de tuer cette querelle dans l’œuf, celle m’opposant à ce robinet à paroles ?
Il existe deux précédents articles dans lesquels je donne l’étymologie de cinq mots commençant par A à E puis par F à J. Je poursuis maintenant cette liste en vous proposant cinq autres mots communs dont chacun commence par l’une des cinq lettres K à O.
Wind Guide You
Les mots sont le reflet des sociétés qui les utilisent. Pour des raisons souvent pratiques, ils se transforment pour s’adapter à des situations changeantes. Et comme ces sociétés, au fil du temps, leurs sens vivent puis disparaissent en laissant la place à d’autre façons de les interpréter.
Lorsque j’écris la définition moderne d’un mot, j’utilise celle communément comprise aujourd’hui, la plus courante, peu importe les autres formes ou sens possibles pour un même mot. Je ne prétends pas qu’il n’existe que cette seule définition toujours en usage.
Voici donc ces cinq prochains mots accompagnés de quelques remarques personnelles.
K : kaïd (nom masculin)
Oui, le mot caïd possède bien deux graphies dont celle avec un k, plus rarement utilisée et qui trahit des origines arabes comme beaucoup d’autres mots commençant par un k.
Définition moderne : Chef d’une bande de mauvais garçons ; personnage considérable dans le milieu.
La définition actuelle ne concerne pas seulement les jeunes chefs de bande. Elle inclut également celle des garçons ayant une forte emprise et une influence négative sur les autres jeunes de leur entourage, à l’école ou ailleurs. Ils menacent et terrorisent leurs compagnons sans nécessairement faire partie d’une bande.
Étymologie : 1308, caïte. De l’arabe qā’ǐd, signifiant « celui qui conduit » puis « chef de tribu » et finalement au XXe siècle « chef de bande ».
Commentaire : Autrefois, ce terme n’avait pas de connotation nécessairement négative. En Afrique du Nord, c’était un fonctionnaire musulman qui cumulait les attributions de juge, d’administrateur, de chef de police, et autres. Il devait exister de bons et de mauvais kaïds. On comprend aisément que des personnes possédant autant de pouvoirs puissent en abuser, ce qui conduisit à la définition moderne d’un jeune voyou-tyran. L’utilisation de ce mot pour désigner un adulte est possible, mais alors il n’est pas absolument associé à un voyou, plutôt à une personne aux immenses pouvoirs, en somme son sens originel.
L : lubie (nom féminin)
Définition moderne : Idée, fantaisie soudaine, capricieuse et parfois saugrenue, extravagante, déraisonnable.
Étymologie : Ses origines sont incertaines et on lui en attribue plusieurs dont leur sens ne coïncident pas toujours. 1636, muse normande. Du latin lubere, libere, « trouver bon », « faire plaisir ». Du moyen français, le verbe hubir signifie « croitre », « se développer » et au figuré « se réjouir ». En francique, il signifiait « résister contre une contrainte ».
Commentaire : On ne voit pas toujours très bien le lien entre ces différents sens. Probablement que plusieurs d’entre eux n’existent tout simplement pas. Aujourd’hui, on utilise « lubie » face à soi-même comme un plaisir coupable et les autres l’emploient à la limite de l’insulte pour qualifier nos fantaisies. On n’a plus beaucoup de « trouver bon », de « croitre » ou « se développer » et encore moins de « résister contre une contrainte ». Dans une langue vivante, le langage exerce sa prérogative d’évolution. Il dépouille les mots de certains de ses sens pour leur en faire revêtir de nouveaux, parfois très éloignés de ceux d’origine.
M : moite (adjectif)
Définition moderne : Légèrement humide.
Étymologie : 1190 muste, origines incertaines, du latin mǔscĭdus « moisi », mǔsteus « juteux », mustum « moût » ou encore un dérivé du verbe latin muscitare « mélanger », comme dans « mouiller le vin d’eau ».
Commentaire : La véritable racine du mot moite est plus probable du côté de mǔscĭdus puisque le moisi se développe effectivement avec une légère l’humidité. Aujourd’hui, on retrouve principalement « moite » dans la cooccurrence « mains moites », des mains humides sous l’effet de la transpiration. « Moite » est également assez fréquent lorsqu’on parle d’un temps lourd et humide, « une atmosphère moite » qui engendre de la « moiteur » sur notre corps.
N : néanmoins (adverbe et conjonction)
Définition moderne : Malgré ce qui vient d’être dit ; en dépit de (cela).
Étymologie : 1160, « naient moins ». 1549, « néanmoins », de « néant » et « moins ». Nombreuses variantes en ancien français dont « nenmains » au XIIIe siècle, « niantmoins » au XIVe siècle et « néantmoins » du XVe au XVIIe siècle.
Commentaire : J’avoue que cette ligature « néant moins » et la définition de néanmoins « en dépit de (cela) » m’ont toujours causé une douleur cérébrale. Dans les dictionnaires, on explique « néanmoins » ainsi. Comprendre « nullement moins », « en rien moins » ou « il n’en est pas moins vrai que… ». On utilise « néanmoins » pour rajouter de l’information parfois d’une autre nature ou d’un autre aspect, sans contredire les propos précédents. Oubliez l’explication « moins que le néant » puisqu’il n’y a rien de moins que le néant. Et pour les petits rigolos, « nez en moins » n’est pas une manière valable de le comprendre.
« Néanmoins » est un bon exemple de ces mots nés d’une tournure d’esprit un peu tordue qui caractérisait parfois nos ancêtres à l’époque médiévale. Étaient-ils justement créés par désir de séparer les roturiers des nobles en les rendant incompréhensibles aux rustres ?
O : omelette (nom féminin)
Définition moderne : Mets fait avec des œufs battus et cuits à la poêle avec du beurre, auxquels on peut ajouter divers éléments. Fricassée d’œufs.
Étymologie : Le mot « omelette » provient-il de « œufs mêlés » ? Oui ? Non ? En fait, cette étymologie n’est qu’anecdotique. Même s’il est vrai qu’une omelette est composée d’œufs mêlés, les origines de ce mot se situent ailleurs et sont bien plus complexes.
Va pour le « o », il découle probablement du mot latin ovum, œuf, mais la suite du terme est bien plus intéressante. Elle proviendrait du mot « amelette ». Attention, ne pas confondre avec âmelette, une petite âme. Le mot « amelette », lui, proviendrait de l’italien animella, de ce mot on a formé « animalette » pour finalement arriver à « amelette ». Mais ce n’est pas terminé. « Amelette » devint « aumelette » puis enfin « omelette ».
Cependant, d’autres sources offrent une cascade de mots bien différente, des transformations issues de métathèses (altération d’un mot par déplacement, interversion d’un phonème, d’une syllabe). Partons de « lemelle » ou « lamelle » puisqu’une omelette étant mince, elle était comparée à une lame. On en vint à « alumelle » puis « alumette (1 seul L), et vint « alemette » puis enfin « amelette ». La suite et la fin, vous la connaissez.
Commentaire : Alors qu’il n’y a vraiment rien de bien compliqué à concocter une omelette, ce ne fut certainement pas le cas pour son nom qui vécut une aventure des plus rocambolesque. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces métamorphoses carabinées, dont certainement l’absence ou la rareté des dictionnaires. Le premier dictionnaire de la langue française, le Richelet, date de 1680. Il fut suivi par celui de Furetière en 1690, et ensuite par la première édition du Dictionnaire de l’Académie française en 1694.
Pour conclure :
Ma lubie était de serrer la main du kaïd, néanmoins je ne soupçonnais pas qu’elle serait aussi molle et moite qu’une omelette baveuse.
Il existe un précédent article dans lequel je donne l’étymologie de cinq mots commençant par A à E. Je poursuis maintenant cette liste en vous proposant cinq autres mots communs dont chacun commence par l’une des cinq lettres F à J.
Silent Footsteps
Les origines obscures ou bizarres que vous lirez montrent comment le langage peut parfois évoluer d’une manière surprenante. Comme pour l’évolution des espèce, le langage est influencé par son environnement. L’utilisation des anciennes définitions finit par se raréfier avant de disparaitre totalement.
Lorsque j’écris la définition moderne d’un mot, j’utilise celle communément comprise aujourd’hui, la plus courante, peu importe les autres formes ou sens possibles pour un même mot. Je ne prétends pas qu’il n’existe que cette seule définition toujours en usage.
Voici donc ces cinq prochains mots accompagnés de quelques remarques personnelles.
F : fée (nom féminin)
Définition moderne : Être imaginaire de forme féminine auquel la légende attribue un pouvoir surnaturel et une influence sur la destinée des humains.
Étymologie : XIIe siècle, du latin Fata, déesse des destinées, antonomase de fatum, le destin, prédiction, oracle, la fatalité, la destinée qu’elle soit heureuse ou funeste.
Commentaire : Autrefois, le fatum concernait autant les bonheurs que les malheurs. On peut cependant s’imaginer une préférence pour les drames puisque chaque destin se termine nécessairement par une mort. Aujourd’hui, le rôle d’une fée est souvent positif, une bonne fée. On le constate avec l’invention du mot « féérie ». Il n’existe pas de féérie affreuse créée par une méchante fée. Toutefois, il ne faut certainement pas négliger les fées maléfiques que sont Carabosse et Morgane (Morrigan), la fée du destin.
G : gâcher (verbe transitif)
Définition moderne : Travailler grossièrement, sans soin. Bâcler, cochonner, saloper un travail.
Étymologie : XIIe siècle (gaschier), laver, détremper. XIVe siècle « délayer » du plâtre ou du mortier pour aider à mieux le travailler.
Mais dès le XIIe siècle, on utilise aussi le verbe « gâcher » (guaschier) dans le sens de « souiller moralement » ou « éclabousser ».
Commentaire : Il existe deux mots « gâche » distincts dont l’un a donné naissance au mot « gâchette ». L’autre est le déverbal de « gâcher » dans le sens du verbe « délayer ». La gâche est alors un outil utilisé par les maçons, les plâtriers et les pâtissiers, ou encore leur action de gâcher. Gâcher avait donc pour but de retravailler les matériaux en rajoutant un liquide pour les rendre malléables.
En revanche, l’expression populaire « gâcher la sauce » reprend la définition moderne inscrite ci-devant. Le résultat est alors un vrai gâchis.
Est-ce le fait de rendre une substance pâteuse en l’éclaboussant qui a amené le sens figuré péjoratif de souiller et ensuite de saloper, de bâcler ? Les dictionnaires consultés n’apportent que peu de précisions sur ce point.
H : habit (nom masculin)
Définition moderne : Ensemble des vêtements qui couvrent un corps.
Étymologie : XIIIe siècle, du latin habitus signifiant « maintien ». Le mot habere signifie « avoir », dans le sens de « se tenir », d’où la « tenue » comme dans « tenue de gala ».
Commentaire : Le premier usage du mot « habit » concernait des vêtements de religieux. Ce sens est encore conservé dans les termes « prise d’habit » et « prendre l’habit ». Comme on peut le constater, le vieil et toujours populaire adage « l’habit ne fait pas le moine » utilise le singulier, alors qu’aujourd’hui on utilise principalement sa forme plurielle. Le terme « mes habits » signifie parfois l’ensemble de mes vêtements tandis qu’un habit pour homme est un ensemble veston et pantalon.
Habit et habitude sont parents. D’ailleurs, en anglais, habit signifie « habitude ». De fait, se vêtir d’habits constitue une excellente habitude !
I : insulter (verbe transitif)
Définition moderne : Attaquer quelqu’un par des propos ou des actes outrageants.
Étymologie : XIIIe siècle, du latin insultare, « faire assaut contre », « sauter sur ».
Commentaire : Ce terme avait autrefois un sens d’action physique tandis qu’aujourd’hui il est presque toujours utilisé pour décrire une action verbale. L’exception étant peut-être la gifle représentant effectivement une insulte par un assaut physique. « Insulter » est synonyme d’« injurier », proférer une injure, faire un affront, une offense, un outrage, vexer.
J : joue (nom féminin)
Définition moderne : Partie latérale de la figure humaine ou de la face des animaux située entre le nez et l’oreille, sous l’œil et au-dessus du menton.
Étymologie : Étrangement, ce mot simple et très courant possède des origines plutôt incertaines. En 1080, l’usage de joe est confirmé. Puis survient « joue » vers 1273. Mais sa provenance avant le XIe siècle reste nébuleuse. Ce mot vient peut-être du prélatin (gaulois ?) gaba également à l’origine du mot actuel « gave », l’action de gaver, de remplir les joues.
Commentaire : Étrangement, la joue est l’endroit idéal autant pour recevoir un baiser qu’une gifle. Elle rougit ou accueille les larmes. L’adjectif « jugal » désigne tout ce qui se rapporte à la joue, dont les os et les ligaments jugaux. La joue désigne également la paroi externe de la bouche. Une personne aux joues proéminentes est joufflue. Lorsqu’elles sont grosses en pendantes, elle a des bajoues ou des abajoues. Et qui ne se souvient pas du grand succès de ce cher disparu Charles Aznavour dans lequel il chantait « Dansons joue contre joue » ? C’est beaucoup plus romantique que mettre quelqu’un « en joue ».
Pour conclure :
Mes joues sont devenues écarlates lorsque la fée Morrigan a gâché ma soirée au moment où elle m’a insulté par rapport à la vétusté de mes habits.
J’ai déjà écrit quelques articles sur l’origine des noms donnés à des éléments chimiques. Je déborde maintenant de ce cadre très restreint pour vous proposer d’apprendre les origines de vingt-six mots communs commençant par chacune des premières lettres de l’alphabet. Je les ai séparés en cinq articles dont voici le premier.
Sky Above, Voices Within
Les origines obscures ou bizarres que vous lirez montrent comment le langage peut parfois évoluer à pas de tortue, mais il peut aussi bondir comme un lièvre. Sans trop s’en rendre compte, les sens antérieurs finissent par disparaitre de nos discours et de nos écrits pour laisser toute la place aux nouveautés qui expriment bien souvent des réalités très différentes.
Lorsque j’écris la définition moderne d’un mot, j’utilise celle communément comprise aujourd’hui, la plus courante, peu importe les autres formes ou sens possibles pour un même mot. Je ne prétends pas qu’il n’existe que cette seule définition toujours en usage.
Voici donc ces cinq premiers mots accompagnés de quelques remarques personnelles.
A : affinité (nom féminin)
Définition moderne : Rapport de conformité, de ressemblance ; harmonie de goûts, de sentiments entre personnes.
Étymologie : Du latin adfinitas (affinitas) signifiant « voisinage » ou « parenté par alliance », mais aussi de adfinis signifiant « limite ».
Commentaire : Cela nous rappelle l’importance antérieure de l’entourage immédiat, qu’il provienne de mariages ou qu’il s’agisse des voisins.
Dans des siècles éloignés, la famille et les voisins devaient tous penser de manière semblable et se tenir les coudes. Par nécessité de sécurité, les proches devaient adapter leurs goûts et sentiments afin de combattre l’adversité. Autrefois, les affinités possédaient nécessairement des limites quasi infranchissables où au-delà, la cohésion était compromise, car le contrôle ne pouvait s’exercer efficacement.
Aujourd’hui, la cause et l’effet sont inversés. Les affinités précèdent les relations, elles aident à sélectionner ceux qui deviendront nos amis parmi les voisins et les collègues, et ceux que nous choisirons pour tenir le rôle de conjoints ou d’amants (et plus si affinités).
B : baraqué – baraquée (adjectif)
Définition moderne : Bien bâti, en parlant du corps d’une personne.
Baraque (nom)
Étymologie : XVe siècle. De l’italien baracca et de l’espagnol barraca signifiant « hutte en torchis ».
Au XVIIe siècle, « se baraquer ou baraquer » ; (s)installer dans des baraques. « Baraqué » signifie « bien installé dans des baraques ».
1954, glissement subit du mot baraqué vers le bâti imposant d’une personne, sa carcasse, sa charpente.
Commentaire : D’une simple hutte, la baraque devint une construction en planches principalement construite pour y abriter temporairement des troupes. Le glissement vers son sens moderne s’explique peut-être par les utilisateurs des baraques, les baraqués, des soldats probablement bien constitués et à forte charpente, sûrement pas de la piètre solidité des baraques.
C : client – cliente (nom)
Définition moderne : Personne qui requiert des services moyennant rétribution.
Étymologie : Antiquité : plébéien qui se mettait sous la protection d’un patricien appelé « patron ». En échange de son dévouement, le client recevait la protection du patron.
Un peu plus tard, généralisation du mot client dans le sens d’un « protégé ».
Commentaire : On pourrait noter une énorme dissemblance aujourd’hui entre un protégé et un client ! Dans la Rome antique, un client était plus ou moins un employé ou un esclave au service d’un patron qui pouvait adopter envers lui certaines pratiques peu recommandables. À cette époque, le client ne se rapportait pas à l’usager d’un commerce.
Aujourd’hui, le client d’un commerce ne doit rien avant l’achat, on le dit même roi. Son dévouement et sa fidélité envers les commerçants sont sujets à être changeants et éphémères.
Étrange que les commerçants modernes appellent les clients « patron » puisque la clientèle ne reçoit aucune protection du commerçant contre ses abus ou ses pratiques illégales, même s’il prétend haut et fort le contraire. L’important est que ces clients crachent le maximum d’oseille et qu’ils obtiennent en retour un minimum de marchandises ou services. Et pour régler le problème de son papillonnage, les commerces ont inventé les cartes-fidélité qui les encouragent (les forcent) à retourner dans les mêmes commerces en échange de babioles qu’ils auraient très bien pu se passer.
Finalement, un client moderne ressemble étrangement au client romain d’autrefois. On l’a dépouillé de tous ses pouvoirs, il dépend d’un système où il n’a rien à dire, on lui fait croire qu’il reçoit de la protection en échange de sa fidélité absolue et on la récompense avec des cacahuètes.
D : débattre (verbe transitif)
Oui, ce verbe existe aussi sous la forme pronominale « se débattre », mais je ne l’aborderai pas.
Définition moderne : Examiner contradictoirement quelque chose avec un ou plusieurs interlocuteurs.
Étymologie : XIe siècle : dé- et battre « battre fortement ». Ici, le préfixe « dé- » utilise le sens latin de renforcement d’une action, comme dans décupler ou délaver.
Commentaire : Certains auteurs modernes font parfois un autre lien étymologique. Ils utilisent l’autre sens du préfixe « dé- » celui de négation ou d’absence. Ainsi, pour eux, « débattre » prendrait le sens de « cesser de se battre ». Ainsi, l’usage des mots pourrait détrôner l’emploi d’armes dans la résolution des conflits. Mais cette interprétation apparait fausse même si aujourd’hui, débattre réfère toujours à des joutes de nature orale ou écrite. « Débattre » dans le sens de « battre fortement » n’a plus d’usage.
E : environnement (nom masculin)
Définition moderne : Ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) susceptibles d’agir sur les organismes vivants et les activités humaines.
Étymologie : An 1300, « contour ». Réf. « environner ». Aussi « circuit ». Des gardes exécutant leur tour de ronde empruntent un circuit, se déplacent le long d’un contour afin de surveiller les environs, leur environnement.
Commentaire : Aujourd’hui, l’environnement est certainement le sujet de l’heure et probablement qu’il le restera jusqu’à notre disparition de cette Terre. Il concerne l’air que nous respirons, nos aliments, nos conditions de logement, la biodiversité, les conditions météorologiques, les volcans et la tectonique des plaques ainsi que l’état des océans, lacs et rivières. À cela, il faut rajouter les conditions de vie, l’emploi, l’économie, la politique, l’éducation, la santé et les relations sociales. L’environnement est tout ce qui nous baigne, peu importe sa nature et sa fonction. Puisqu’il s’étend maintenant à toute la planète, l’environnement n’est pas qu’environnant ni circonscrit. Il a perdu tout contour et il ne présente plus aucun circuit à parcourir.
Alors, pourquoi ne pas remplacer « l’environnement » par « le tout » ? Ce terme raccourcirait grandement la longueur de nos communications et ceux qui se fourvoient sur le sens moderne exact du mot « environnement » risquent de plus facilement comprendre « le tout », car après l’environnement, au-delà du « tout », il n’y a « rien ».
Pour conclure : Je me suis découvert des affinités avec un client baraqué après avoir débattu sur l’environnement.
J’ai récemment écrit un article intitulé « N comme dans Noir ». Il fait partie d’une série où je décris les particularités d’une lettre et d’un mot commençant par celle-ci.
On m’a félicité de ne pas être tombé dans le piège d’y incorporer le fameux mot n… qui insulte. Pour ma part, le mot « noir » est suffisamment riche pour ne pas empiéter sur un autre mot même s’il existe une forte corrélation entre les deux.
Ce n’est que très récemment que le fameux mot « nègre » a pris une connotation exclusivement insultante. C’était déjà le cas si ce terme était utilisé par un non-noir, mais étrangement un individu de la communauté noire pouvait l’utiliser en toute légitimité sans aucune connotation négative. Bien étrange et passablement inquiétant qu’un mot présente un tel clivage en fonction de la couleur de la peau de celui qui le prononce, comme si le bronzage permanent transparaissait à travers une feuille de papier ou dans un extrait audio. Et quel degré de coloration était-il requis pour passer le cap de la permission ?
Nègre
Vieilli, péj.(Terme raciste et injurieux, sauf lorsqu’il est employé par les Noirs eux-mêmes) Dictionnaires Le Robert – Le Grand Robert de la langue française
Corriger cette bizarrerie lexicale en généralisant son attribut négatif m’apparait très sensé. C’est la prérogative de l’évolution du langage de modifier la façon dont on interprète les mots et expressions au fil du temps. En ce sens, je conçois, j’accepte et j’approuve sans réserve ce changement. Il ne faut cependant pas oublier les usages de ce mot juste avant cette crise terminologique.
Je suis profondément persuadé et les études ADN le confirment, la grande famille des homo sapiens n’est constituée que d’une seule race. Donc pour moi, le mot raciste est un non-sens au même titre que les gens aux yeux verts ne constituent pas une race à part entière, les cheveux roux, les jambes arquées et les nez aquilins non plus, pas plus que les gens à la peau noire qui est d’ailleurs rarement proche du noir. Alors quand provoquera-t-on les mêmes esclandres autour de l’usage toujours en vogue, mais parfaitement injustifié du mot « racisme » ?
Arrêter d’utiliser le mot « nègre » pour parler d’une certaine population humaine est une décision intelligente. Ce qui l’est moins, consiste à haranguer les gens qui en parlent à propos des écrits du passé au moment où ce terme était encore socialement acceptable et accepté. Les éléments d’archives ne peuvent être brûlés, ignorés ou mis à l’index parce que ce terme y apparait.
On explique le contexte, l’histoire, l’évolution des pensées et tout le monde sera en mesure de comprendre le bien-fondé de ne plus utiliser ce terme sans essayer de faire croire que ce mot n’a jamais existé en affublant sa lettre d’entame de points de suspension… Esquiver la question plutôt que de donner des explications claires est digne de l’âge de l’inquisition et de sa grande… noirceur.
Aucun mot ne devrait nous apeurer ni nous faire peser des menaces s’il est justifié et utilisé dans le bon contexte et pour les bonnes causes. On peut débattre de ces derniers dans le respect et l’ouverture d’esprit, on peut diverger d’opinion et même camper sur ses positions, mais à court d’arguments, menacer, devenir extrémiste pour s’arroger une futile victoire non méritée fait d’eux des terroristes de la langue.
Ainsi, tous ces bien pensants qui montent aux barricades sans rien comprendre, sans évaluer la situation, sans réfléchir une seule petite seconde, méritent précisément ce pour quoi ils pensent combattre, une bonne insulte en pleine figure. Personnellement, je choisirais l’un ou l’autre des synonymes incolores du mot « idiot ».
Lu dans un blogue : « Dieu est fidèle à ses promesses ». Ouf ! Quelle affirmation lourde de conséquences ! En théorie, puisqu’il est censé avoir tout créé, ses promesses sont la façon dont le monde fonctionne dans ce qu’il a de plus élégant, mais aussi dans ce qu’il a de plus cruel et hideux.
Winter’s Tale
Cependant, il faut se le dire, cette citation ne provient évidemment pas d’un quelconque dieu, mais seulement d’un disciple un peu trop enthousiaste qui écrit et signe en son nom et sans sa permission par-dessus le marché. De toute façon, est-ce que ce dieu lui-même entérinerait la paternité de la liste entière de ses prétendues promesses qu’on lui attribues ?
D’autre part, si on y pense sérieusement, ce dieu serait fidèle à ses promesses de façon distincte, pas pour tous ses enfants de façon égale. Il aurait des préférés avec lesquels il remplirait ses promesses tandis qu’il les renierait pour d’autres gens qu’il balancerait aux fauves, indistinctement qu’ils soient croyants, pieux ou non.
En supposant que je crois en un dieu, la seule promesse que j’accepterais de lui attribuer une quelconque paternité, est celle qu’on finira tous par crever. Au moins, ça, c’est une vérité qu’il aurait pu nous promettre et dont, effectivement, il tiendrait parole envers tous ses sujets, bêtes et humains, pauvres et riches, croyants et impies.
Lorsque je franchirai le seuil de ma demeure éternelle, en supposant qu’elle soit dans un quelconque condo-paradis géré par dieu, j’aurai bien le temps de lui arracher cette fameuse liste. Si elle contient plus que le seul item dont je viens de mentionner, soit la mort assurée pour tous, j’aurai alors de mon côté une liste infinie de griefs à lui remettre pour manquement flagrant à ses promesses.
Et si cette liste de promesses ne concerne pas notre vie terrestre, elle ne concerne pas ma vie. Le fait de me faire dire ici-bas qu’il honorera ses promesses valables seulement dans l’au-delà reste une promesse hautement hypothétique que rien ne peut prouver. Ce n’est évidemment qu’une promesse d’un humain et non d’un dieu. Et je me méfie de tous les humains qui écrivent et signent au nom d’un autre individu sans sa permission.
Je paraphraserai Niels Bohr lorsqu’il répondait à Albert Einstein lorsque ce dernier affirmait avec conviction que « Dieu ne joue pas aux dés. »
« Cessez de dire à Dieu ce qu’il est censé faire. », lui répondit le physicien Danois.
Cette phrase concerne également tous ces disciples qui s’arrogent le droit d’écrire ce que Dieu est supposé penser et faire.
Coucher des mots dans un cahier appartenant à quiconque autre que soi-même ne peut qu’être répréhensible. Tout le monde devrait clairement exprimer qu’ils ne sont que des opinions personnelles et rien de plus. Les convictions les plus profondes ne doivent jamais être confondues avec la vérité et encore moins si celle-ci est censée être céleste. Toute personne tentant de convaincre du contraire est à répudier le plus rapidement possible. Ces phrases fracassantes doivent être reconnues comme les relents de manipulations issues d’humains contre d’autres humains.
Pour un écrivain, les droits d’auteurs sont sacrés et l’usurpation d’identité de plume, une félonie et une trahison. Je pense que tous les dieux seront de mon avis, mais je n’irai pas jusqu’à l’affirmer en leur nom.
Je poursuis ma série d’articles dédiés à un mot commençant par une lettre précise. Aujourd’hui, je m’attaque au « N » et à son mot associé, le « noir ».
La lettre « N » est la quatorzième lettre et la onzième consonne de l’alphabet. Elle est une consonne nasale alvéolaire voisée et son signe dans l’alphabet phonétique international (API) est [n]. Il est simple à prononcer ce qui le fait apparaitre dans de nombreuses langues.
Dans le système international (SI), le N est utilisé pour l’unité du newton, une mesure de force. Quant à sa lettre minuscule n, elle apparait comme le facteur multiplicatif « nano » valant un milliardième (10-9) de l’unité. Ainsi, nN signifie nano newton.
Le tableau périodique des éléments utilise la lettre N pour désigner l’azote, nitrogen en anglais. Sept autres éléments chimiques ont des symboles commençant par N dont les plus connus sont le néon (Ne) et le nickel (Ni).
On utilise le n ou le N comme abréviation dans plusieurs domaines. N désigne le nord, les nombres naturels (ℕ) ainsi que la quantité de neutrons. Les deux isotopes de l’uranium, 235U et 238U ont bien sûr le même nombre de protons, celui de son numéro atomique valant 92. Cependant, ces deux isotopes ont un nombre de neutrons N = A – Z, soit le nombre total de nucléides (A) moins le nombre de protons (Z). Donc, N = 143 neutrons et N = 146 neutrons pour les deux isotopes les plus connus de l’uranium.
Quant à la lettre minuscule n, en mathématique elle sert généralement à désigner un nombre quelconque comme dans n + 1, 3n, √n, etc.
Dans mon dictionnaire, je recense 1 951 entrées commençant par cette lettre et parmi celles-ci, une seule aura l’honneur d’être traitée dans cet article, le mot « noir », dont sa prononciation est [nwaʀ].
Petit mot de quatre lettres, le noir est souvent considéré comme étant une couleur alors qu’il est exactement son inverse, une absence totale de couleur. La confusion provient souvent des encres noires utilisées en peinture et en imprimerie. Afin d’alléger cet article, je ferai un abus de langage en utilisant sciemment le terme « couleur » avec « noir » puisque de toute manière, il n’existe pas de noir parfait, à une seule exception près.
Un noir dit parfait ne réfléchit ni n’émet aucune lumière visible et le seul objet ayant cette unique propriété dans la nature est un trou noir. Mis à part cet objet céleste exotique, il existe sur le marché une peinture capable d’absorber 99,4 % de la lumière visible. Son nom commercial est « Musou Black ». Pour un objet conçu par l’humain, en l’occurrence par les Japonais, il fracasse tous les records d’albédo avec une valeur de 0,006. Attendez-vous cependant à débourser un montant non négligeable, mais tout de même accessible, pour un flacon de seulement 100 ml de cette peinture particulière. Je partage un lien YouTube qui vous fera voir son énorme pouvoir absorbant.
Dans la nature terrestre, le noir est la couleur de la nuit mais aujourd’hui, peu importe l’endroit où nous nous tenons, il existe bien peu de chance que nos yeux ne voient absolument rien. La Lune, les étoiles ou la pollution lumineuse quasi généralisée parviennent presque toujours à éclairer un pan de notre environnement. Les bâtonnets de nos yeux s’habituent graduellement à la noirceur nocturne et même si les formes révélées restent floues, leur mouvement devient aisément visible. Heureusement, car nos ancêtres utilisaient très souvent cette sensibilité pour survivre aux attaques des prédateurs possédant, eux, une excellente vision nocturne.
Les corbeaux sont les oiseaux emblématiques de la couleur noire même si l’irisation de leurs plumes les fait souvent apparaitre bien plus colorés. J’ai écrit un article traitant d’une légende amérindienne à ce sujet. Malheureusement, ces oiseaux sont également devenus un symbole de mauvais présages, de fourberie et de multiples dangers. Pensons également aux chats noirs pour les superstitieux. Pourtant, les êtres qui devraient se méfier le plus des chats noirs sont les corbeaux, pas les humains.
En astrophysique, on utilise le mot « noir » pour qualifier une forme d’énergie et de matière bien spéciales. La matière noire et l’énergie noire représentent ensemble environ 95 % de tout le contenu de l’univers. Le qualificatif « noire » signifie ici notre absence totale de connaissance sur la nature de ces deux constituants et non pas leur manque de couleur. C’est-à-dire qu’avec tout notre attirail scientifique et tous nos cerveaux actuellement à disposition, nous connaissons moins de 5 % de tout ce que notre univers nous offre ! C’est bien le cas, en astrophysique, nous pataugeons dans le noir total.
En physique, on nomme « corps noir » un objet absorbant toutes les ondes électromagnétiques. Il les accumule sous forme calorifique et il restitue cette énergie en émettant un rayonnement dit de corps noir. Chauffez un morceau de fer et il émettra ensuite une lumière de couleurs caractéristiques. Noir, rouge sang, rouge cerise, orange, jaune et ensuite blanc, au fur et à mesure que la température du four s’élève, la couleur émise blanchit.
Cependant, les bleus et les verts restent des couleurs inconnues du fer chauffé. Au début du XXe siècle, ces absences étaient totalement incomprises. Et selon la théorie physique en vigueur à ce moment-là, un corps émettant en lumière ultraviolette verrait son énergie de radiation atteindre une valeur infinie ! Heureusement, grâce à Max Planck et ensuite à Albert Einstein, ce mystère fut définitivement résolu en 1905. Ce phénomène radiatif compris signa la naissance de la physique quantique, soit la lumière à énergie quantifiée (discrète) plutôt que continue. On parle des quantas de lumière ou autrement dit de façon plus moderne, des photons.
Dans le monde du symbolisme, le noir est la contre-couleur du blanc. C’est aussi vrai aux échecs, en chevalerie et ailleurs. Le chevalier blanc est preux, chaleureux et vertueux. Le chevalier noir est agressif, froid et fourbe. Étrange que le noir soit froid alors qu’un objet noir devient bien plus chaud qu’un blanc s’ils sont exposés à la même source énergétique.
Le néant primordial est symboliquement noir, de même qu’on considère le noir comme étant négatif ou passif. Aujourd’hui, l’endeuillé porte le noir, mais c’en fut autrement il n’y a pas si longtemps. Et même si le noir signifie la mort, il symbolise également la couleur d’un terreau fertile, donc la vie à naitre.
Dans la nature, le noir est abondant puisque le charbon est noir. Le diamant, lui, est transparent. Pourtant, ces deux objets sont composés du seul même élément chimique, le carbone (C). On peut considérer celui-ci comme ayant (au moins) deux pans totalement opposés. Le carbone vulgaire se transforme en matériau noble sous certaines conditions extrêmes de température et de pression, mais le diamant soumis à une température élevée (≈1 000 °C) devient du simple dioxyde de carbone (CO2) ou autrement dit, du carbone oxydé par l’air ambiant durant le chauffage. On fabrique donc un gaz à effet de serre en brûlant du diamant ! Mais soyez sans crainte, mis à part dans les entrailles de la terre, je doute qu’il existe de telles sources, n’est-ce pas ?
Mis à part les expressions et cooccurrences avec « noir » que j’ai précédemment employées, il en existe une panoplie d’autres qui utilisent le symbolisme de négativité ou de mystère et dans une moindre mesure, la couleur. Parfois, ces caractéristiques s’entremêlent au sein de la même expression.
Expressions : Visa le noir, tua le blanc ; broyer du noir ; avoir un fun noir ; manger son pain noir ; demeurer dans le noir.
Cooccurrences : Roman noir ; liste noire ; boite noire ; caisse noire ; marché noir ; or noir ; marée noire ; messe noire ; travail au noir ; noir de monde ; misère noire ; humour noir ; mouton noir ; regard noir ; bête noire ; fureur noire ; noirs desseins ; chanson noire ; etc.
Avec toutes ces expressions utilisées quotidiennement, pas étonnant que le noir soit devenu le champion toutes catégories de la mort, du mal, du mauvais, de la misère, de l’occulte, du secret, du mystérieux et de l’insondable.
Et que dire de l’archétype moderne du noir, le corbeau (LeCorbot !) ? Peut-il prendre toutes ces formes négatives de caractères ? Trempe-t-il naturellement dans des combines aussi sulfureuses qu’intrigantes ? Se délecte-t-il des misères et des laideurs humaines ?
Si vous lisez beaucoup des 678 articles que j’ai composés et édités ici même, vous obtiendrez sûrement quelques réponses à ces questions. J’ai reconnu, admis, accepté et partagé avec vous des éléments sombres de moi-même. Vous pourrez évaluer ce Corbot public en tout point semblable à une partie du vrai Corbot. Pour l’autre restée jusqu’ici tapie dans le noir, lisez bien tous les caractères noirs de mes prochains articles, peut-être y découvrirez-vous d’autres fragments de ma personne enfouis au sein de quelques noirceurs littéraires ou placés parfaitement en évidence à la lumière éclatante d’un traité limpide.
Car le noir ne peut pas exister sans s’opposer au blanc. Comme je le mentionnais dans un article précédent, placez un amas multicolore de feuilles dans une pièce entièrement dépourvue de lumière et, faute de celle-ci, elles apparaitront toutes noires. Seule une lumière parfaitement blanche permet de les distinguer correctement et seule son absence totale les rend toutes identiques.
Nous sommes l’une de ces feuilles colorées. Parfois, il est bien d’être distingués et parfois il vaut mieux se fondre dans la masse. Se plonger dans le noir total ne s’avère pas pire et ne vaut pas moins qu’être éblouis par un éclat lumineux, car les deux savent nous rendre aveugles.
Dans la série des mots commençant par une lettre précise, aujourd’hui j’attaque le J avec le mot « jamais ». J’aurais pu choisir l’un des 896 autres mots commençant par cette lettre, toutefois celui-ci recèle bien des particularités.
En français, anciennement, le J s’est déjà prononcé [j] comme dans « faille ». Certaines langues latines ont conservé cette façon (positivement) archaïque de le faire entendre. Aujourd’hui, Molière le prononce [ℨ] comme dans « joie ».
Dans le système international, le J (majuscule) est le symbole du joule, une unité de mesure de l’énergie. Un joule vaut 43/180 calorie. On utilise aussi le j (minuscule) pour symboliser le jour en tant que durée. Un an vaut environ 365,24 j.
Maintenant, voyons l’étymologie du mot « jamais », un adverbe de temps. Il remonte loin dans le vieux français, en fait on le trouve dans la Chanson de Roland datant de l’an 1080. Composé de deux bases latines qui sont « jam » signifiant « déjà » et « magis » pour « plus », il signifiait en clair, « déjà plus ».
On comprend qu’en mille ans, le sens s’est quelque peu métamorphosé jusqu’à devenir un superlatif absolu. Dans son sens le plus commun, « jamais » signifie « à aucun moment », que ce soit dans un sens positif ou négatif. En parlant du futur, l’utilisation du mot « jamais » tient du langage abusif, que ce soit par naïveté ou en mentant allègrement. Pensez par exemple à « jamais je ne te quitterai ». Donc, n’utilisez jamais « jamais » dans un contexte spéculatif et méfiez-vous comme de la peste de ceux qui en abusent allègrement, car soyez certains qu’ils ne vous disent jamais la vérité.
On se rend compte que « jamais » est parfois un peu plus mou et admet l’inverse. « Jamais je n’irai à cet endroit » permet quand même d’y aller, mais probablement si certaines conditions sont différentes et qu’elles sont réunies. Et l’expression « sans jamais voir la réalité » n’exclut pas de façon définitive qu’on la regarde parfois, mais pas de façon significative ou fréquente.
« Jamais » peut même signifier exactement l’inverse lorsqu’on l’associe avec une certaine préposition. Dans le langage soutenu, « à jamais » est synonyme de « pour toujours », ou « éternellement ».
En l’utilisant avec « que » comme dans « plus malade que jamais », nous nous retrouvons dans un contexte comparatif. Pourtant, on élide sciemment l’élément de comparaison puisque nous devrions dire pour plus de précision « plus malade que jamais auparavant ». Éliminer la référence au passé est un exemple patent que « jamais » ne doit jamais être interprété pour les temps futurs » Ainsi, le comparateur « auparavant » devient superflu.
On utilise constamment le mot « jamais » sans vraiment y réfléchir. Il est entré dans nos habitudes langagières. Pourtant, comme tout absolu, il reste à jamais lourd de sens. Même s’il constitue un abus de langage, une hyperbole, « jamais » prend très souvent le sens de « la plupart du temps ». On distingue l’un de l’autre en considérant les probabilités. 0 %, alors c’est un vrai « jamais ». N’importe quel autre nombre et le « jamais » n’est jamais un pur « jamais ».
Alors, si je vous dis que je n’aurai jamais le temps de tout écrire ce que j’aimerais concernant le mot « jamais », je l’utilise comme un absolu ou une hyperbole ?