Les six monstres

Autrefois, nous pouvions compter sur six types d’événements distincts très efficaces pour limiter la population mondiale.

Commençons par les événements les plus frappants, les cataclysmes naturels. Chutes de météorite, bouffées de rayons gamma, explosions de volcans, séismes destructeurs, tsunamis ravageurs, ouragans monstrueux, ces causes multiples tuaient vite et en très grande quantité. Ces situations existent encore, mais maintenant il est possible de limiter les pertes par des prévisions fiables et des alertes adéquates.

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Ces cataclysmes naturels causaient la plupart du temps de grandes famines, accroissant du même coup le nombre de victimes collatérales, mais les temps de disette pouvaient être dus à bien d’autres facteurs, comme à des agents pathogènes, à la pauvreté et même à des despotes. La famine a existé de tout temps et continue, aujourd’hui encore, son œuvre destructrice. Chaque année, plus de 10 millions de personnes meurent de malnutrition. Ce chiffre représente environ 0,1 % de la population. Autrefois, ce pourcentage était bien plus grand. Aucune région et aucune époque n’était épargnée par le manque de nourriture ou par sa qualité compromise.

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Ensuite, évidemment, la faucheuse pouvait compter sur les maladies. Qu’elles aient été causées par des insectes, des rongeurs, par des volatiles ou par tout autre vecteur infectieux provenant d’une hygiène déficiente, une bonne peste décimait facilement le tiers de la population d’une région en quelques semaines. Rajoutons à cela les autres maladies naturelles non soignées, l’humain tombait comme des mouches. Une médecine minimaliste n’y pouvait pas grand-chose et la plupart du temps elle n’était accessible qu’aux plus fortunés.

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Plus près de nous, la grippe de 1918, dite espagnole, a fait 100 millions de morts, soit près de 5 % de la population de l’époque. Cette pandémie est survenue après une autre grande cause de mortalité chez l’humain, les guerres, et dans ce cas particulier, c’était la Première Guerre mondiale qui venait d’emporter 20 millions d’individus, soit près de 1 % de la population totale de la Terre.

Puisque les guerres ont toujours existé, le nombre d’humains à trépasser à cause d’elles est innombrable. Qu’il s’agisse de petits ou de grands conflits, autrefois les guerres achevaient de décimer les populations que les autres causes avaient encore épargnées.

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Il ne faut surtout pas oublier que l’humain mourait également dans de nombreux accidents occasionnés par trop peu de précautions et si peu d’intérêt pour les prévenir. L’humain était une bête facilement sacrifiée au nom de la moindre convoitise. Les accidents faisaient partie des « risques du métier », comme on disait à l’époque.

Le sixième fléau occasionne moins de victimes que les autres. Cependant, il est certainement le plus monstrueux de tous. Les homicides de toutes natures se perpètrent au quotidien sans accalmie aucune. Ils surviennent dans toutes les régions du monde. Bien sûr, certains pays ont des bilans à décrocher les mâchoires. Les pires endroits concernés se retrouvent surtout en Amérique du Sud où les systèmes politiques, policiers et judiciaires auraient urgemment besoin d’une version 2.0.

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Avant notre ère moderne, à cause de la conjugaison de toutes ces causes mortelles, l’humain se reproduisait comme un lapin afin d’espérer conserver au bout du compte quelques descendants aptes à poursuivre la lignée. La survie de l’espèce, en passant par celle de la famille, s’avérait fortement compromise.

Aux époques anciennes, la Terre était vaste, grandement inhabitée et ses ressources semblaient illimitées, mais de nos jours cette belle naïveté n’a plus sa place. Nous savons maintenant que la Terre est très petite en regard à notre population actuelle.

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Paradoxalement, l’avènement de la machine censée nous déshumaniser a amené le combat contre les six fléaux présentés précédemment. Chaque humain est devenu plus que jamais un être important qu’il faut protéger contre tous ces fâcheux événements. Ainsi est survenue la surpopulation mondiale. L’humain dans son ensemble ne se reproduit plus autant qu’auparavant, fort heureusement, mais les batailles contre la mort se gagnent bien plus souvent qu’elles ne se perdent.

Les six monstres continuent et continueront de nous tuer. Cependant, pour la plupart d’entre eux, ils n’ont rien de comparable à ceux d’autrefois. Des organismes nationaux et internationaux dirigent la lutte aux pandémies. Les guerres se font à coups d’unités d’élite plutôt qu’avec des troupes de chairs à canon. L’excellente hygiène quasi généralisée protège les populations contre la prolifération de foyers d’infection. Les causes des accidents de travail sont traquées et éliminées. Les alertes aux cataclysmes permettent aujourd’hui aux gens d’évacuer à temps les zones à risques. La médecine moderne protège, répare et guérit les individus. La qualité de vie rend les homicides plus rares.

Pour la grande majorité d’entre nous, aujourd’hui nous vivons dans l’insouciance. Notre vie est exempte de la plupart des problèmes occasionnés par ces fléaux. Alors qu’adviendra-t-il de nous lorsque l’un d’eux frappera sans avertissement ?

Nous avons perdu nos techniques de survie. Nous croyons vivre des malheurs alors qu’ils ne sont qu’insignifiances à comparer aux grandes catastrophes. Nous avons déprogrammé notre débrouillardise, nous nous sommes ramollis, nous vivons en pachas et nous l’ignorons.

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Lorsqu’un grave fléau s’abattra sur nos populations, une bonne partie d’entre elles mourra simplement parce qu’elle ne saura plus comment réagir. Elle se plaindra au lieu de prendre le taureau par les cornes. Elle attendra du secours plutôt que de se battre pour sa survie et pour celle de ses proches. Elle se découragera quasi instantanément, si peu habituée à surmonter des difficultés majeures de ce genre.

Il restera bien sûr des survivants et parmi eux, on pourra compter sur ceux qui se seront battus de toutes leurs forces avec l’énergie du désespoir, avec le désir profond et inaltérable de transcender les difficultés, quelles qu’elles soient. Ces survivants redéfiniront de nouvelles façons de vivre où l’on verra toujours la vie aussi précieuse, mais aussi que chaque vie doit se prendre en mains sans devoir attendre une aide providentielle qui n’arrive jamais dans des circonstances exceptionnelles de grande envergure. Les rescapés ajouteront leurs batailles à celles des autres. Ils se créeront une existence où ils ne deviendront pas un pénible fardeau ni une inutilité braillarde.

Tous, ils retrousseront leurs manches comme nos ancêtres savaient si bien le faire. Tous, ils verront la vie comme une bataille chèrement gagnée et non comme un dû gratuit et inaliénable. Tous, ils cesseront leurs jérémiades individualistes pour véritablement devenir des battants solidaires.

Attendez-vous cependant à ce que le prix à payer soit incommensurable, car malheureusement, il faudra que survienne une très grande catastrophe pour qu’une fois de plus nous puissions passer à un stade supérieur de notre évolution.

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Faire des enfants

D’emblée, je préviens le lecteur, cet article est écrit à la deuxième personne, il se veut passablement accusateur. Si le ton vous incommode, il y a de fortes chances que je l’aie écrit spécifiquement pour vous. Toutefois, je doute que vous ayez le courage de le lire en entier, car vous vous reconnaitriez à trop d’endroits. Le contraire me surprendrait, mais je n’y compte pas trop. Pour les autres lecteurs, ceux qui voudront lire l’article dans son intégralité, je prêche à des convertis. L’univers est ainsi fait, raison pour laquelle on ne parvient pas à le changer.

Il n’a jamais été aussi pertinent de se poser la question si des enfants doivent être mis au monde. Pour la grande majorité des gens, celle-ci ne se pose même pas. Les hormones leur font perdre le moindre sens de la réflexion. Ils forniquent à qui mieux mieux et s’étonnent lorsque l’une ou l’autre avoue être enceinte. Youhou! Faire des bébés, ça commence par laisser tremper son engin là où il est le plus confortable, juste au cas où vous ne le sauriez pas encore!

Pour ceux qui portent la moindre attention à la chose avant que leurs déclinants spermatozoïdes rejoignent de peine et de misère le gros ovule flasque et maladif, vous avez le temps de réfléchir avec votre cerveau. Alors, quel est l’état de la situation? Vous avez un plan basé sur l’âge? Sur votre situation économique? Sur votre carrière? Sur la rencontre du bon ou de la bonne partenaire? Vous attendez de tomber en amour? Vous attendez un peu tout cela dans l’ordre ou dans le désordre?

Désolé, vous avez tout faux! La seule bonne question vous a échappé! Aucune petite pensée pour les enfants? Vous êtes alors du genre à faire des mioches pour vous-même, sans penser à quoi que ce soit les concernant.

Avez-vous au moins pensé dans quelle sorte de monde vous allez un jour abandonner votre progéniture? Quel que soit leur héritage, leur degré d’éducation, leur emploi, leur entourage que vous pouvez en partie contrôler de votre vivant, il restera la planète que vous leur léguerez et sur laquelle vous ne pouvez plus rien, étant donné que vous avez abandonné votre rôle de protection à son égard, et tout cela pour faire tourner des ballons sur votre nez.

Ceci étant fait, ça ne vous dérange aucunement de surpeupler la planète? De générer un ou, pire, plusieurs pollueurs dépensiers surconsommateurs? Non, bien sûr que non, car ils auront la possibilité de naitre dans un pays qui se débarrasse de ses déchets en les envoyant par conteneurs dans des pays pauvres. Vous feignez ignorer l’effet boomerang parce que la planète, si vous ne l’aviez par encore remarqué, eh bien elle est ronde et que tout abus finit toujours par revenir en pleine figure de celui qui l’a commis… ou dans la face de ses héritiers, c’est selon la vitesse de propagation de sa bêtise.

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Vous allez mettre au monde des enfants qui boufferont du plastique dans toute nourriture qu’ils ingéreront, dans l’eau qu’ils boiront et dans l’air qu’ils respireront. Ils seront envahis par des hordes de réfugiés dont les autorités seront bien incapables de résorber les flots continus, poussés hors de chez eux par la faim, la maladie, la montée des eaux, quand ce ne sera pas par les dictateurs despotes ou par leurs voisins trop religieux pour comprendre le mot paix. Vous allez engendrer des humains qui jalouseront les rats et les coquerelles tellement ils seront entassés les uns sur les autres.

Vous les laisserez aux prises avec les inondations récurrentes, l’érosion des berges et de toutes les routes construites en bordure des cours d’eau. Vous en ferez des naufragés climatiques ou des gens obligés de partager leur petite place avec vingt réfugiés climatiques. Vous leur léguerez la subsidence des lieux où vous avez construit votre vie, vous leur donnerez ce lopin de terre qui disparaitra dans un immense trou creusé par votre surexploitation des sous-sols. Vous leur transmettrez le cancer de la peau parce que vous avez tué la couche d’ozone avec vos gaz réfrigérants et vos contenants en styromousse. Vous leur offrirez votre résistance à tous les antibiotiques connus parce que vous en avez abusé sur les cheptels sains en guise de prévention. Vous leur transmettrez votre bonhomie maladive en leur montrant comment fermer les yeux sur tout ce qu’ils voient de stupide. Vous leur fournirez une carte de citoyen modèle, docile, soumis, emphatique, embrigadé à soutenir les abuseurs du système en échange d’un peu de pain et de jeux. Vous leur apprendrez à ne pas se poser de questions, mais surtout à ne pas chercher de réponses. Vous les intéresserez au divertissement plutôt qu’à la pensée critique. Vous leur donnerez les derniers gadgets afin qu’ils puissent suivre en direct l’évolution de leur décadence jusqu’à l’effondrement de leur civilisation. Vous les torcherez, emmitouflerez, surprotégerez en omettant sciemment de leur apprendre à affronter la vie dure et rude. Vous en ferez de très bons dandys et de très mauvais survivalistes. Vous les plaindrez à la moindre de leurs frustrations afin qu’ils n’apprennent qu’à geindre pour obtenir tout ce qu’ils veulent. Vous penserez faire des bâtons de vieillesse, mais votre progéniture vous laissera tomber comme une vieille chaussette à la première occasion.

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Vous voulez générer quel genre d’humain vivant dans quel genre de monde? La planète n’a aucun avenir si vous ne cessez pas de vous multiplier et personne n’a d’avenir si la planète n’en a pas. Quelle partie de cette affirmation vous ne comprenez pas? Ah! vous vous en foutez! Peu importe, vous aurez des enfants, c’est votre droit. Ça fait partie des raisons pour lesquelles je déteste l’humanité majoritairement composée de gens de votre acabit, qui ne pense qu’à eux, qui ne voient pas plus loin que demain, qui croient à l’immobilité de l’univers et qui surtout, qui croient à la magie ou aux miracles, et plus probablement aux deux.

Faites des enfants, plus il y en aura et plus il deviendra facile pour la Terre de tous les faire disparaitre jusqu’au dernier avec, évidemment, leur inestimable et indéfectible concours.

Les 7 jours d’une grippe d’homme

On dit souvent que les hommes ressentent la grippe différemment des femmes. Si aptes à endurer des douleurs physiques aiguës, ils semblent pourtant incapables d’affronter honorablement cette maladie qui, sommes toutes, reste dans la très grande majorité des cas relativement banale aux conséquences mineures et aux séquelles plutôt inexistantes.

Plusieurs personnes avancent des explications d’ordre psychologique. Il n’en demeure pas moins que ce comportement de la gent mâle semble répandu, pour ne pas dire généralisé. Il transcende les générations, les cultures et les époques. Aujourd’hui, je n’apporterai pas ma contribution personnelle à l’édifice théorique, mais puisque je termine actuellement une grippe… d’homme, ma mémoire est fraiche pour vous rapporter assez fidèlement mes impressions des sept derniers jours. Voici donc la petite histoire de ma grippe d’homme en sept phases, une pour chaque jour.

Jour 1 —J’ignore — Le déni

La gorge me pique, j’ai de légers étourdissements, je sens un bandeau m’enserrer la tête, je frissonne occasionnellement, mais ce n’est pas la grippe. Tout au plus une irritation de la gorge par un polluant quelconque, la grippe, c’est pour les autres. Je pars travailler comme à l’habitude ce serait idiot de rater une journée de travail pour une simple supposition certainement fausse. Plusieurs personnes au bureau s’absentent ces temps-ci pour soigner une grippe, mais je refuse catégoriquement de relier ces cas à mes symptômes. Et même si j’ai effectivement chopé un virus, je suis fort et en santé, ça va passer rapidement.

Jour 2 —Je suis capable — L’optimisme

Je me rends à l’évidence, c’est bien une grippe. Une toute petite grippe, une grippette de rien du tout. Ça va passer tout seul si je fais attention. Je poursuis mes activités normales, mais je m’abstiens de faire des folies. Je me couche un peu plus tôt pour m’aider à guérir. Ainsi, je n’aurai pas besoin de prendre des médicaments, surtout que la grippe, on en soigne seulement les symptômes, alors je vais les endurer le temps qu’ils passent. Les symptômes changent rapidement et pas pour le mieux, je vis probablement l’apex de la maladie, demain ça ira mieux et je dirai adieu aux papiers-mouchoirs.

Jour 3 —Je ne suis pas capable — Le réalisme

La vache, elle est en train d’avoir ma peau. Je ne parle plus de symptômes, mais d’abominations. Ça ne fait que quelques jours et déjà je pense à un combat perdu d’avance. Je ne saurais nommer une seule partie de mon corps exempt de douleurs. Mon nez se compare à la fontaine de Trévi et mon gosier à du fil barbelé. Ma tête a cessé de fonctionner au moment où la pression interne a fait sauter les valves à idées. Je dévalise la pharmacie du coin et en rapporte tout objet dont l’étiquette comporte le mot «grippe». En arrivant à la maison, je prends une dose de tous les produits pour ne pas avoir à choisir et risquer de rater le meilleur. L’appel du lit est ma nouvelle vocation. J’y plonge en espérant m’en extirper plus en forme dès demain matin.

Jour 4 —Je ne suis plus capable — L’abandon

Il n’y a plus aucun espoir. C’est fini. La grippe fera une autre victime. Je ne sors de mon lit que pour remplir ma gourde et vider ma vessie. La chambre est jonchée de papiers-mouchoirs, d’emballages de médicaments et de désespoirs. Bien drogué, mes courbatures sont heureusement moins pénibles, mais les éternuements et les quintes de toux demeurent ininterrompus. Je regarde ma vie et je la trouve moche, inutile, misérable. Je dors et au réveil je me rendors. Si on m’avait dit que l’humain vivait cela, j’aurais refusé de naitre. Je peux me battre contre n’importe quel adversaire de ma taille, et même plus grand, mais pas contre ces guerriers microscopiques tortionnaires dénués de la moindre pitié.

Jour 5 —Je vais mourir — La fatalité

Seule consolation, l’agonie sera de courte durée, mais entretemps je dois encore subir cette torture incessante. J’ai perdu tout appétit ainsi que mon humanité. Je ressemble à une loque, à un zombie, à un ver de terre. Parce que j’ai vidé la réserve, je dois recycler mes papiers-mouchoirs et ça ne me dérange même pas. Mes seules occupations conscientes sont de boire de l’eau et d’uriner, je mange également quelques chips. Tant qu’à mourir, j’exauce mes dernières volontés. Du côté de la gorge, il y a amélioration, mais je mouche mes poumons et mon cerveau. Décérébré, foutue façon de crever. Mon seul exercice intellectuel encore possible, je peux encore prévoir mes flatulences. Ça m’encourage à penser que ma fin approche.

Jour 6 —Je survis — Une lueur d’espoir

Y aurait-il une vie après la grippe? J’ai mieux dormi que les nuits précédentes, d’épuisement, très certainement, mais au réveil j’ai un peu perdu de ce misérabilisme caractéristique des derniers jours. Mes savates trainent moins lourdement sur le parquet. Mon dos a un peu perdu de son quasi modo. Mon nez coule encore, mais la grande inondation semble vouloir se tarir. Je redécouvre la signification du mot appétit et même le sens de dévorer. Mes cinq sens n’affichent plus leur pancarte «hors d’usage». Je présume toutefois avoir plus d’énergie que la réalité et je redécouvre mon lit assez tôt dans la journée. Malgré ce début de journée en pétard mouillé, une flamme semble s’être toutefois rallumée au plus profond de mon organisme. Il ne me reste qu’à la protéger et à la faire croitre.

Jour 7 — Je prends du mieux — Le retour graduel à la normale

Malgré un sentiment de faiblesse toujours présent, mais grandement atténué, je réussis à vaquer à mes occupations plutôt normalement. Bien sûr, je me déplace encore avec ma boite de papiers-mouchoirs et ma bouteille de sirop contre la toux dans les mains ou les poches, cependant les quintes deviennent de plus en plus espacées. J’ai l’idée d’aller m’acheter un t-shirt avec l’affirmation suivante imprimée dessus: «J’ai survécu à la grippe». Je me retiens, car cette intention me semble encore prématurée, une rechute est si vite arrivée! Alors je m’abstiens malgré le sentiment de fierté d’avoir échappé de justesse à la grande faucheuse. Ça semble exagéré et pourtant je ne donnais pas cher de ma peau lorsque j’étais au plus mal. Vivre avec un bras coupé me semblait moins catastrophique que d’endurer cet ennemi invisible encore plusieurs jours. La nature est bien faite, malgré tout. Ces bestioles nanométriques semblent connaitre notre niveau de tolérance maximal qu’ils atteignent sans toutefois l’outrepasser. Bien entendu, s’ils tuent leur hôte, du même coup ils se suicident, une stratégie perdante qu’ils tentent certainement d’éviter. Le soir du septième jour, j’obtiens une preuve concrète de mon rétablissement en cours, je me sers un glencairn de scotch que je parviens à déguster, le coup de grâce donné à l’ennemi, l’état de grâce pour le survivant.